
Première lecture
En ces jours-là, comme les Apôtres étaient en train de comparaître devant le Conseil suprême, intervint un pharisien nommé Gamaliel, docteur de la Loi, qui était honoré par tout le peuple. Il ordonna de les faire sortir un instant, puis il dit : « Vous, Israélites, prenez garde à ce que vous allez faire à ces gens-là. Il y a un certain temps, se leva Theudas qui prétendait être quelqu’un, et à qui se rallièrent quatre cents hommes environ ; il a été supprimé, et tous ses partisans ont été mis en déroute et réduits à rien. Après lui, à l’époque du recensement, se leva Judas le Galiléen qui a entraîné beaucoup de monde derrière lui. Il a péri lui aussi, et tous ses partisans ont été dispersés. Eh bien, dans la circonstance présente, je vous le dis : ne vous occupez plus de ces gens-là, laissez-les. En effet, si leur résolution ou leur entreprise vient des hommes, elle tombera. Mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez pas les faire tomber. Ne risquez donc pas de vous trouver en guerre contre Dieu. » Les membres du Conseil se laissèrent convaincre ; ils rappelèrent alors les Apôtres et, après les avoir fait fouetter, ils leur interdirent de parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent. Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus. Tous les jours, au Temple et dans leurs maisons, sans cesse, ils enseignaient et annonçaient la Bonne Nouvelle : le Christ, c’est Jésus.
Psaume
J’ai demandé une chose au Seigneur : habiter sa maison.
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ?
J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m’attacher à son temple.
J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage : espère le Seigneur. »
Évangile
Alléluia. Alléluia. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade. Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades. Jésus gravit la montagne, et là, il était assis avec ses disciples. Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche. Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire. Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. » Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient. Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. » Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.
À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. » Mais Jésus savait qu’ils allaient l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.
Méditer avec les carmes
Une grande foule suivait Jésus, car les gens de Galilée connaissaient maintenant son pouvoir de guérir. C’est pourquoi Jésus gravit la montagne ; peut-être pour demander un effort à ceux qui voulaient le voir et l’entendre, mais aussi afin de pouvoir parler à la foule entière et d’être entendu de tout le monde.
À la vue de la foule qui montait et prenait place autour de lui, la première parole de Jésus est une question à Philippe : « Où achèterons-nous du pain pour qu’ils aient de quoi manger ? »
Tout comme Philippe et André, nous nous trouvons, dans notre activité de prière, de service ou de témoignage, devant une tâche démesurée, disproportionnée à nos forces. Mais Jésus le sait ; et il sait ce qu’il va faire.
À bien des niveaux, dans nos vies données au Christ, des nécessités apparaissent, sans proportion avec les lumières ou les ressources que nous pouvons avoir : « Qu’est-ce que cela pour cinq mille personnes ? » À travers des changements imprévus, des besoins nouveaux, des urgences inattendues, le Christ continue de nous poser des questions vitales pour nous-mêmes et pour ceux que nous aimons, ceux qu’il nous demande d’aimer. Mais lui-même sait ce qu’il va faire.
Jésus fait asseoir dans l’herbe haute toute la foule, comme des brebis sur un bon pâturage. Il prend les pains, il rend grâces, et les distribue, faisant ainsi pour le pain de tous les jours les gestes qu’il refera à la dernière Cène. Et voilà que la faim devient rassasiement, que la pauvreté devient surabondance, comme les prophètes l’avaient annoncé pour les temps du Messie.
Nous pourrions nous demander : où trouver assez de pain, de riz ou de mil pour nourrir les millions d’affamés d’Afrique et d’Asie ? où trouver assez de tendresse pour tous les enfants orphelins abandonnés, pour tous les jeunes blessés par la vie ? où trouver assez de lumière pour guider ceux qui marchent à tâtons et qui cherchent désespérément un chemin de bonheur ?
Il suffit d’apporter à Jésus, chaque jour, et fidèlement, nos cinq petits pains et nos deux poissons, les pains ordinaires de notre fidélité, de notre dévouement, de notre charité infatigable, les petits pains insignifiants et tout secs de nos heures de louange et d’oraison, les petits pains de notre joie courageuse, car Jésus sait bien ce qu’il va en faire, et déjà nous pouvons préparer les corbeilles pour le surplus : une corbeille par apôtre, une corbeille par sœur.
Il il y aura en effet du surplus, car Dieu donne largement. Et la consigne de Jésus, précisément à propos du surplus, doit nous faire réfléchir : « Ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne soit perdu ! » Ce souci de Jésus, nous pouvons l’entendre à deux niveaux.
D’abord comme une invitation à ne rien laisser perdre de ce qui peut nourrir des hommes ; et de ce point de vue notre société de consommation tourne souvent le dos aux exigences élémentaires de la solidarité avec les peuples décimés par la famine.
Mais il y a autre chose...
En effet, dans les corbeilles qu’emportaient les disciples après ce repas sur l’herbe, tous les morceaux provenaient des pains donnés par Jésus, multipliés par Jésus. Et c’était une raison supplémentaire de ne rien laisser perdre : on ne gaspille pas les dons de Dieu, et quand Dieu a donné, même les restes sont bons. Dieu aime que nous utilisions pour lui tous nos restes : restes de santé, restes de forces, restes d’espérance. Ce qu’il nous a donné pour son service, c’est du bon pain qui reste nourrissant.
Ne disons pas : « J’ai vieilli ; j’ai fait mon temps. Ce que j’ai à donner est maintenant dérisoire ! », car un cœur qui donne a part à la jeunesse de Dieu. Ne disons pas : « Personne ne veut de ce que j’ai à offrir ! », car Jésus, lui, en fait un bon usage. Ne disons pas : « Je suis malade, donc je n’ai plus rien à donner ! », car les restes de santé sont des restes pour la sainteté. Ne disons pas : « Moi, je ne distribue que les pains entiers : les restes, cela ne vaut pas la peine ! », car il y a un temps pour tout, un temps pour les pains entiers, et un temps pour les restes, et c’est Jésus qui rythme la mission, qui mesure nos forces, et qui nous donne chaque jour ce qu’il nous faut donner.