
Première lecture
Vanité des vanités, disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité ! Quel profit l’homme retire-t-il de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? Une génération s’en va, une génération s’en vient, et la terre subsiste toujours. Le soleil se lève, le soleil se couche ; il se hâte de retourner à sa place, et de nouveau il se lèvera. Le vent part vers le sud, il tourne vers le nord ; il tourne et il tourne, et recommence à tournoyer. Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’est pas remplie ; dans le sens où vont les fleuves, les fleuves continuent de couler. Tout discours est fatigant, on ne peut jamais tout dire. L’œil n’a jamais fini de voir, ni l’oreille d’entendre. Ce qui a existé, c’est cela qui existera ; ce qui s’est fait, c’est cela qui se fera ; rien de nouveau sous le soleil. Y a-t-il une seule chose dont on dise : « Voilà enfin du nouveau ! » – Non, cela existait déjà dans les siècles passés. Mais, il ne reste pas de souvenir d’autrefois ; de même, les événements futurs ne laisseront pas de souvenir après eux.
Psaume
D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge !
Tu fais retourner l’homme à la poussière ; tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! » À tes yeux, mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.
Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ; dès le matin, c’est une herbe changeante : elle fleurit le matin, elle change ; le soir, elle est fanée, desséchée.
Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse. Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.
Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, dit le Seigneur. Personne ne va vers le Père sans passer par moi. Alléluia.
En ce temps-là, Hérode, qui était au pouvoir en Galilée, entendit parler de tout ce qui se passait et il ne savait que penser. En effet, certains disaient que Jean le Baptiste était ressuscité d’entre les morts. D’autres disaient : « C’est le prophète Élie qui est apparu. » D’autres encore : « C’est un prophète d’autrefois qui est ressuscité. » Quant à Hérode, il disait : « Jean, je l’ai fait décapiter. Mais qui est cet homme dont j’entends dire de telles choses ? » Et il cherchait à le voir.
Méditer avec les carmes
Visiblement Hérode était intrigué par Jésus et par sa popularité grandissante, et il avait du mal à le situer, d’autant plus qu’autour de lui tout le monde voyait dans le Nazaréen un personnage du passé venu réveiller Israël, soit Élie, soit l’un des autres prophètes, soit même Jean-Baptiste qui venait d’être décapité.
Mais Hérode, lui, se posait la vraie question : « Quel est-il, celui dont j’entends dire de pareilles choses ? » Et il cherchait à le voir. Pourquoi ?
Saint Luc nous donne la réponse, non pas dans ce contexte, mais au cœur du récit de la Passion (23, 8-12). Pilate, pour se débarrasser de l’affaire gênante du galiléen Jésus, croit avoir trouvé un moyen élégant : puisque Jésus est de la juridiction d’Hérode et qu’Hérode se trouve à Jérusalem, Jésus sera conduit chez le prince pour être jugé.
« À la vue de Jésus, écrit saint Luc, Hérode fut tout joyeux. Depuis longtemps, en effet, il désirait le voir, pour ce qu’il entendait dire de lui ; et il espérait lui voir faire un miracle ».
Ainsi le désir de voir Jésus, inspiré d’abord par une question authentique sur sa personne et son œuvre, était vite retombé au niveau d’une banale curiosité. Sur ce point Hérode allait être frustré, car Jésus ne lui répondit rien, si bien qu’Hérode, après l’avoir, avec ses gardes, traité avec mépris et bafoué, le revêtit d’un manteau magnifique et le renvoya à Pilate.
C’est un peu l’histoire, toutes proportions gardées, de nos propres ambiguïtés dans la recherche de Jésus et de la retombée de nos désirs.
Jésus nous a fascinés, appelés, conquis, et pendant des années nous avons cherché à cerner son visage, à saisir le sens de son message et de son sacrifice. Puis un jour une occasion inouïe nous est donnée de rencontrer Jésus, mais c’est Jésus contesté, méconnu, pourchassé, et déjà condamné par les hommes, le Jésus douloureux dont la rencontre a changé la vie de Thérèse d’Avila, au carême de 1554. Ce pourrait être un sommet de notre amitié avec lui, dans le vrai silence adorant ; ce pourrait être une découverte émerveillée de son évangile et de son amour. Au lieu de cela nous quêtons, comme Hérode, des miracles, de l’immédiat ; non pas du sensationnel, certes, mais des bienfaits à notre mesure et à notre service.
Comme Hérode, « nous cherchons à le voir », mais nous avons du mal à l’écouter. Nous ne l’accueillons pas au niveau de sa passion et de son sacrifice, de son passage pascal et de sa volonté universelle de salut ; nous n’engageons pas toutes nos forces à ses côtés dans le procès que lui intente le monde du refus ; et au moment même où Jésus vient nous offrir de le rejoindre dans son mystère de mort pour la vie, nous lui faisons attendre notre conversion personnelle et fraternelle.
Alors, parce que nous parlons trop, comme Hérode, Jésus ne répond rien ; car toute sa réponse est déjà dans sa patience et sa passion, dans ses souffrances assumées pour le salut du monde. Son message ultime, son testament spirituel, c’est le don de lui-même dont l’Église fait mémoire à chaque Eucharistie :
« Ceci est mon corps livré pour vous. « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour vous » (22, 20).