La Vierge et les confessions religieuses belligérantes

Dans le contexte tourmenté du Liban, la Vierge Marie, figure universelle de paix et de protection, se révèle aussi un symbole puissant capable d’unir ou de diviser selon les conflits en présence. Témoignant de sa présence miraculeuse lors des bombardements, ce récit illustre comment Marie demeure au cœur des tensions, invitant à une réflexion profonde sur sa place spirituelle au-delà des divisions humaines.


« La Vierge est pour tout le monde » (adhrâ' la-l-kull), entend-on fréquemment dire à Béchouate (Liban).

Mais lorsque des conflits éclatent, la Vierge « pour tous » peut servir une faction contre une autre.

En janvier 1976, Dayr al-Ahmar a subi un bombardement intense à partir de Baalbek, alors dominée par les combattants palestiniens et la milice chiite Amal. J’étais présent dans ce village, raconte Mgr Elias Zoghby, archevêque grec melkite de Baalbek, et y ai passé la nuit. Plus de cent cinquante obus, pesant chacun près de quarante kilos ont été systématiquement lancés sur le village, certainement par des experts. Pas un citoyen n’a subi la moindre blessure. Plusieurs témoins racontèrent avoir vu Notre-Dame de Béchouate dressée dans les cieux, les mains noircies par la poudre repoussant les obus qui s’abattaient sur la région.

Ainsi enrôlée, la Vierge devient une ennemie potentielle pour le camp opposé. Pendant la guerre civile, des églises furent brûlées et pillées, des statues et des icônes de la Vierge furent « aveuglées » ou détruites par des combattants chiites et druzes.


Emma Aubin-Boltanski cnrs,

Extraits de : Emma Aubin-Boltanski cnrs, Centre d’études interdisciplinaires du fait religieux, La Vierge, les chrétiens, les musulmans et la nation Liban, 2004-2007, Dans la revue « Terrain » Religion et Politique, n° 51 2008/2

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