Czestochowa: des origines jusqu’au roi Jean Casimir II
Le monastère de Jasna Gora, fondé au XIVe siècle, abrite l’icône vénérée de la Vierge, symbole spirituel et protectrice de la Pologne, dont le culte a façonné l’identité nationale et inspiré des vœux royaux profonds, témoignant de la confiance du peuple en Marie comme Reine et Mère attentive.
Origine
Le monastère situé sur la colline de Jasna Gora (ce qui signifie montagne lumineuse), à Czestochowa, fut fondé en 1382 par le roi Ladislao II (1330-1401). Pour commencer la vie monastique, furent envoyés par la Hongrie des moines de saint Paul ermite.
Deux ans après, en 1384, fut installée dans le monastère l'icône célèbre de la Vierge de Jasna Gora, venue de l'est et dont la légende attribue la peinture à Saint Luc, qui aurait utilisé la planche de la table sur laquelle priait et prenait nourriture la Famille. Mais les spécialistes pensent que l'icône originelle, d'origine byzantine, datait d'une période comprise entre le VIe et le IXe siècle[1].
Avec la montée d'une nouvelle dynastie polonaise, celle des Jagelloni, fondée par le couple d'Edwige () de Hongrie et le grand duc de Lituanie Ladislao II (+1334), que j'appellerai le début du "siècle d'or" de l'histoire de la Pologne, le sanctuaire se développa considérablement, surtout à travers les nombreux bénéfices accordés par des familles royales suivantes. Ainsi, le culte de Jasna Góra eut de plus en plus un caractère national et la Vierge devint la protectrice de la nouvelle dynastie et le palladium du Royaume. Ainsi, à la fin du XIVe siècle Jasna Gora est déjà le principal centre de pèlerinage en Pologne.
En 1430, les Hussites venus de Tchéquie pillent le sanctuaire et balafrent l'icône, brisée en trois morceaux. En 1523, après une tentative de restauration avortée à cause de réactions chimiques entre la peinture et la cire, une nouvelle œuvre est réalisée puis entaillée aux mêmes endroits pour garder la mémoire du méfait. [2]
Devenue symbole identitaire de la Pologne, c'est à la Vierge de Jasna Gora que les grandes victoires de la nation sont attribuées : contre les Tartares, en 1487 et en 1527, contre Moscou, en 1514, quand furent remis à la Vierge noire les étendards pris à l'ennemi, et sur les Turcs de l'Islam, à Chocim en 1621 et à Lwov ou Leopoli en 1675. Ce sont ces victoires qui ont valu à la Pologne le titre d'Avant-mur de la chrétienté à l'Est, comme ce fut le cas pour l'Espagne à l'Ouest.
Les vœux du roi Jan II Kazimierz (1656)
Décisifs dans l'histoire politico-religieuse de la Pologne furent les trois "vœux", faits par le roi Jan II Kazimierz, en 1656, devant l'icône de l'Oumilénie, dans la cathédrale de Leopoli (Ukraine), pendant la messe solennelle célébrée par le nonce apostolique en Pologne.
Dans la formule des vœux le roi promit :
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de prendre la Mère de Dieu comme Patronne personnelle et Reine des Polonais : "patronam meam, meorumque Dominiorum Reginam" ;
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de demander au saint Siège une messe en honneur de Marie, Reine de la Couronne, vœux que les moines de Jasna Gora se sont ensuite chargés d'acquitter ;
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et de libérer les pauvres : un vœu extrêmement significatif fait avec ces mots :
"Comme, avec extrême douleur, je m'aperçois que ton Fils, juge équitable, fustigea ce Royaume durant sept ans avec le fouet de la peste, des guerres et d'autres calamités,
je promets et je m'engage solennellement,
à cause des larmes et de l'oppression des paysans,
qu'une fois la paix restaurée, je mettrai tout mon soin et j'appliquerai tous les moyens pour libérer le peuple de mon Royaume des taxes injustes et des oppressions." [3]
[1] D. Aucremanne, « La dévotion mariale à Czestochowa », La Dévotion mariale de l'an mil à nos jours. Études réunies par Bruno Béthouart et Alain Lottin, Artois Presses Université, 2005, 132-136, p. 134.
[2] Patrick Sbalchiero article « CZESTOCHOWA I », dans : René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge. Inventaire des origines à nos jours. Méthodologie, prosopopée, approche interdisciplinaire, Fayard, Paris 2007
[3] Cf. Bogùmil LEWANDOWSKI, Tutti consacrati alla Madonna, Romagrafik, Roma 1988, p. 161-162 : texte complet en italien des vœux du roi Jean Casimir ; texte latin ap. K. MROCZEK, op. cit., p. 128
Clodovis BOFF
Marianum, Rome.