L. de Vinci, La Vierge, Jésus et Ste Anne, vers 1509

Léonard de Vinci (Leonardo di ser Piero da Vinci, dit Leonardo da Vinci), né à Vinci le 15 avril 1452 et mort à Amboise le 2 mai 1519, est un peintre florentin et un homme d’esprit universel, à la fois artiste, scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain. L’œuvre intitulée La Vierge, l’Enfant Jésus et Anne, qu’il a peinte aux alentours de 1508, témoigne de l’importance du thème de la Sainte Famille à la Renaissance, revisité en Sainte Anne trinitaire, et de son esthétique propre, où l’usage du sfumato confère à la représentation de la nature et à cette scène d’une tendresse ineffable une double dimension symbolique : celle de l’exaltation de la maternité, et de l’annonce de la Passion.


Une Sainte Famille dite trinitaire

En ce paysage remodelé par un sfumato[1] qui le rend mystérieux et en efface les lignes, le thème iconographique de la Sainte Famille a été revisité pour mettre en valeur la généalogie maternelle de Jésus et exalter la Conception immaculée de la Vierge Marie, en faisant figurer sa mère, sainte Anne[2].

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Sainte Anne trinitaire. Sculpture du XVe siècle : Sainte Anne portant sur ses genoux la Vierge Marie, qui porte également l’Enfant sur ses genoux

Ce thème appartient au motif iconographique de la Sainte Anne trinitaire, qui se développe à partir de l’accroissement de la dévotion envers sainte Anne[3], à partir du XIVe siècle.

La Sainte Anne trinitaire représente Sainte Anne portant sur ses genoux la Vierge Marie, qui porte également l’Enfant sur ses genoux.

Léonard de Vinci a revisité cette représentation, en lui conférant une valeur doublement symbolique, puisque l’Enfant Jésus est représenté avec l’agneau, symbole du sacrifice et symbole christique de l’Agneau de Dieu.

Le concile de Trente interdira cette représentation trinitaire de la Vierge à l’Enfant, afin de ne pas risquer d’établir une confusion avec la Trinité.

Commentaire du tableau

« Le crépuscule enrobe toutes choses. La mère, Anne, observe sa fille, Marie. Celle-ci regarde à son tour Jésus, son fils. Il faudra bien le laisser grandir, le laisser partir. Le voilà qui joue avec cet agneau, lui attrape l’oreille. Il s’en empare et se retourne vers sa mère pour le lui montrer. En insistant sur la lumière qui illumine l’enfant et sa mère, Léonard met en valeur plus que leurs visages. Il indique leur degré de conscience et à quel point le ciel éclaire leur pensée. L’échange de leurs regards est au cœur du tableau. Dans une scène de genre ordinaire, l’enfant pourrait quêter l’approbation de sa mère, ou simplement son attention. Ici, il lui présente paisiblement ce qu’il devra affronter. Ce faisant, il ne lui apprend rien qu’elle ne sache déjà. Mais il invite le spectateur à comprendre dans le tableau autre chose qu’une simple scène de tendresse filiale. Il annonce ce qui, inéluctablement, adviendra : la mort du Christ, nouvel agneau de Dieu. Près des saints personnages, un arbre sombre s’élève. Il marque la fécondité de la terre qui les entoure. Léonard interroge le monde. Il cherche les lois qui en assurent l’unité essentielle. Les dogmes ne lui fournissent aucune réponse. Il s’obstine à fouiller les ombres, n’y trouve aucun démon, aucune trace du Malin. Seulement sa propre ignorance... Il faut chercher encore. Le clair-obscur règne sur la nature autant que sur les plus subtils raisonnements. Aux pieds d’Anne et de Marie, la terre s’interrompt. L’image s’éloigne. Nous sommes à flanc de montagne. Le spectateur s’approche puis s’éloigne. Il n’a pas réussi à saisir ce qui se passe... »[4]


[1] Le sfumato fait partie des quatre techniques picturales généralement employées à la Renaissance : le cangiante (changement de couleur) ; le chiaroscuro (clair-obscur) ; l’unione et le sfumato. Le sfumato consiste à voiler les contours pour obtenir un effet de mystère.

[2] Voir l’article sur l’Immaculée Conception, dans l’Encyclopédie mariale.

[3] La dévotion à sainte Anne s’est accrue en Occident avec la diffusion de la Légende dorée de Jacques de Voragine. La Légende dorée reprend la tradition des récits apocryphes concernant sainte Anne et saint Joachim.

[4] Extraits de : Françoise Barbe-Gall, Comment regarder un tableau, édition Du Chêne, 2008, p. 269-265.


Par Isabelle Rolland
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