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Histoires providentielles
Apt (Provence, France)
Nº 389
792

Apt : les reliques de sainte Anne retrouvées par miracle (792)

Une très ancienne tradition rapporte le miracle qui a permis, sous le règne de Charlemagne, de retrouver dans la cathédrale d’Apt, en Provence, les reliques perdues de sainte Anne, mère de la Vierge Marie . Si, depuis le XVIIe siècle, certains critiques s’acharnent à déconstruire l’histoire, celle-ci n’a rien d’invraisemblable. Les circonstances exactes de l’arrivée des reliques de sainte Anne en ces lieux prêtent à débat, mais jamais l’Église n’a remis en cause le fait qu’il s’agisse bien des reliques de l’aïeule de Jésus.


Les raisons d'y croire

  • La redécouverte des reliques de sainte Anne lors du passage de Charlemagne à Apt, en 792, est permise par la clairvoyance inexplicable d’un sourd-muet qui montre l’endroit où elles étaient cachées, sous le maître-autel de l’église. La guérison soudaine du jeune infirme, le miracle de la lampe qui brûle sans se consumer dans le souterrain, près des reliques, l’odeur agréable se dégageant de la cachette : ces éléments sont plusieurs fois attestés dans l’histoire de l’Église lors de la redécouverte de reliques. C’est le cas de façon récente pour les reliques de néomartyrs orthodoxes par exemple.

  • Plusieurs sources ecclésiastiques contemporaines, dont les bréviaires de l’Église d’Apt, citent un office de l’invention – au sens de découverte – des reliques de sainte Anne et en affirment le culte « de toujours ».

  • La « légende » – au sens étymologique de « récit qu’il faut avoir lu » – raconte que les restes mortels d’Anne sont arrivés en Provence avec ses nièces, deux des célèbres saintes Maries de la Mer, et qu’à leur mort, après avoir séjourné un temps à Marseille, où le culte d’Anne est antique, ils ont été confiés à la communauté chrétienne d’Apta Julia.

  • Au début de la persécution hérodienne contre la communauté chrétienne de Judée, au début des années 40 de notre ère, les plus proches parentes des défunts Anne et Joachim, leurs nièces, au moment de s’embarquer pour échapper à la mort, pourraient effectivement avoir emporté avec elles les cendres des grands-parents de Jésus pour les soustraire aux profanations.

  • Vers 250, l’évêque de l’époque, Auspicius, inquiet à la fois de la menace barbare – les raids germaniques se multipliant sur les Gaules – et d’une nouvelle persécution déclenchée contre les chrétiens, aurait pris la précaution de les dissimuler sous le sanctuaire, dans une crypte dite « antrum antiquum » (« le vieil antre ») à l’abri d’une petite armoire dissimulée dans une niche murée, accompagnée d’inscriptions, entre autres les noms de ses prêtres qui authentifiaient le dépôt, et d’une représentation d’une vigne chargée de grappes enlaçant l’arbre de Jessé. La vigne est le symbole de sainte Anne se greffant sur l’arbre des ascendants de Jésus. Tout cela est archéologiquement conforme aux usages de l’époque.

  • La mort d’Auspicius, martyrisé sans doute avec la plupart de ses prêtres, puis la destruction de la cathédrale dans une attaque germanique, explique que l’on a depuis oublié la cachette du précieux dépôt, d’autant qu’Apt sera détruite de nouveau par les Lombards, puis par les Sarrasins, qui occuperont la région jusqu’à sa libération par Charlemagne.

  • Le culte de sainte Anne est attesté à Jérusalem dès le IIe siècle, comme le prouvent des inscriptions antiques dans l’église Sainte-Anne, mais on n’y vénère pas son tombeau. Au IVe siècle, lors de son pèlerinage en Terre sainte, l’impératrice Hélène l’a pourtant recherché. C’est donc bien que les reliques avaient été déplacées ailleurs, conformément à la tradition provençale.

  • Plus étonnant, en ces époques de piété où les églises s’arrachent la possession des corps saints, aucun autre sanctuaire ne prétend détenir les reliques d’Anne, et toutes celles que l’on vénère aujourd’hui dans le monde proviennent d’Apt.

  • Les très savants travaux du père dominicain québécois Charland ont démontré, voilà plus d’un siècle, que la mère de Marie a été vénérée dans la chrétienté dès les commencements de l’Église et que son culte s’est répandu en Occident au moins un demi-millénaire avant le XIIe siècle. L’antériorité de ce culte en France accrédite l’authenticité des reliques d’Apt.

  • Que les reliques vénérées à Apt y soient depuis le Ier siècle ou depuis l’époque byzantine, personne ne remet en cause leur authenticité, la preuve étant que le sanctuaire en a distribué, encore à l’époque contemporaine, à tous les lieux de culte voués dans le monde à sainte Anne, ce que l’Église n’aurait pas toléré en cas de doute.

  • Le nombre des miracles qu’elles opèrent en témoigne aussi, comme les protections étonnantes accordées à la cité par leur intermédiaire, qu’il s’agisse d’y préserver la foi catholique contre le protestantisme ou d’éloigner les épidémies. Ainsi Apt sera-t-elle, avec Tarascon qui recourut à l’intervention de sainte Marthe, sa patronne, entre 1720 et 1722, l’une des seules villes de Provence épargnées par la peste qui, venue de Marseille, dévasta la région.


En savoir plus

C’est sans doute à Pâques 792, alors que Charlemagne vient de chasser de Provence les musulmans qui occupaient la région, qu’il fait halte à Apt. Vit alors dans cette ville un baron de Caseneuve, dont Jean, le fils unique, est aveugle et sourd-muet de naissance. Le garçon, âgé de quatorze ans, passe pour débile mental. Pourtant, il assiste chaque dimanche à la messe.

Or, en cette solennité honorée de la présence royale, Jean se comporte étrangement. L’aveugle semble fixer un interlocuteur invisible et le sourd l’écouter en souriant. Soudain, il se met à frapper les marches qui mènent au maître-autel en poussant des cris et en faisant mine de creuser. Impossible de le faire taire.

Charles ordonne de défoncer le sol à l’endroit indiqué. Cela fait, l’on découvre une porte et, derrière, la crypte qu’Auspicius avait fait murer. On y entre derrière Jean de Caseneuve qui, bien qu’aveugle, se dirige avec une étonnante sûreté. Au bout du souterrain brille une lumière extraordinaire et Jean, radieux, s’écrie d’une voix claire, lui le muet : « Ici est le corps de sainte Anne, mère de la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu ! ». Il voit, entend et parle !

L’on ouvre la niche, qui laisse échapper, tandis que s’éteint la lampe miraculeuse, un parfum enchanteur. À l’intérieur se trouve un reliquaire portant l’inscription latine Hic est corpus beatae Annae, matris Virginis Mariae, parfait équivalent des propos du jeune infirme.

Les reliques de sainte Anne d’Apt, protégées par la population – clergé constitutionnel compris – seront épargnées par la Révolution, et ce n’est pas leur moindre miracle !

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au delà

  • L’expertise de l’étoffe ancienne dite « voile de sainte Anne », vénérée dans la cathédrale d’Apt, dont il a été prouvé qu’il s’agit d’un admirable tissage de l’époque fatimide rapporté d’Orient par un croisé, ne peut servir à remettre en doute l’authenticité des reliques : il s'agit d'objets différents.


Aller plus loin

  • Père Charland, Histoire de la dévotion à sainte Anne, Montréal, 1904. Disponible en ligne .


En complément

  • Madame sainte Anne et son culte au Moyen Âge, Picard, 1913. Tome 2 disponible en ligne .

  • Émile Rey, L’Aïeule du Christ, sainte Anne de Jérusalem, Éditions Clef du succès, 1942.

  • Bernadette Lecureux, Sainte Anne, la bonne mère, Apostolat de la Presse, 1963.

  • Anne Brassié, Sainte Anne, de Jérusalem à Auray, Le Rocher, 2002.

  • Virginia Nixon, Mary’s mother, saint Anne in late medieval Europe, Pennsylvania State University Press, 2004.

  • L'article 1000 raisons de croire : « Sainte Anne et saint Joachim, parents de la Vierge Marie »•

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