Les apôtres ont cru en la divinité de Jésus

La confession de foi de Pierre, fondée sur une expérience profonde de la présence vivante de Jésus, révèle la reconnaissance du Christ comme Fils de Dieu et Seigneur, pierre vivante sur laquelle l’Église est bâtie. Cette révélation, au cœur du mystère pascal, invite à comprendre Jésus non seulement comme Messie, mais aussi comme le Saint de Dieu, source de vie et de salut.


La confession de foi par Pierre :

« Simon-Pierre répondit : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant." En réponse, Jésus lui dit : "Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux. Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle." » (Mt 16, 16-18)

Cette foi, cette confession de foi, cette révélation sont d’une grande importance.

C’est sur cette révélation que se fonde la mission particulière de Pierre.

Paul a reconnu la mission que Pierre, c’est pourquoi il vient à Jérusalem rencontrer Pierre (Ga 1, 18-19).

Paul n’a pas connu le Jésus historique ; il a reçu sa vocation directement du Ressuscité. Paul sait qu’il risquerait de « courir pour rien » (Ga 2, 2), s’il n’allait pas vérifier sa révélation "post-pasquale" auprès de Pierre[1].

Pierre formule sa foi avec des titres (« formulation ontologique ») mais Jésus la complète aussitôt par l’annonce de sa mort de sa résurrection.

Selon Marc, Pierre dit simplement « Tu es le Messie » (Mc 8, 29). Selon Luc, Pierre l’appelle « Le Messie (l’Oint) de Dieu » (Lc 9, 20), et selon Matthieu, il dit : « Tu es le Messie (le Christ), le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16).

« Christ » et « Fils » sont des titres associés dans la tradition biblique (cf. Ps 2, 7 ; Ps 109 [110]) - ce qui relativise la différence entre les versions de la confession de foi[2].

Pierre dit : « tu es le Christ », « le Christ de Dieu », « le Christ, le Fils du Dieu vivant », et dans tous les cas, Jésus complète aussitôt par l’annonce du mystère pascal de la croix et de la résurrection. »

« Jésus commença de montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter. » (Matthieu 16, 21)

La profession de foi de Pierre se fait avec des titres, des « substantifs » (elle est « ontologique ») ; tandis que l’enseignement de Jésus se fait avec des « verbes », Jésus annonce une histoire. Et nous devons garder « l’imbrication entre la confession de Pierre et l’enseignement de Jésus »[3]. En effet, le mystère pascal n’a de sens que si celui qui souffre est véritablement Fils de Dieu et Dieu même. Réciproquement, les titres isolés perdent leur valeur et pourraient s’opposer au mystère pascal.

La foi de Pierre est fondée sur une expérience.

« L’histoire de la pêche miraculeuse (Lc 5, 4-11) se termine par l’appel de Jésus à Simon Pierre et à ses compagnons de devenir ses disciples.

Pendant une nuit entière, les pêcheurs expérimentés n’avaient pris aucun poisson, et voici que Jésus leur demande de sortir au large en plein jour et de jeter les filets. La connaissance pratique qu’ont ces hommes leur fait penser que ce n’est guère sensé, mais Simon répond malgré tout :

« Maître... sur ton ordre, je vais jeter les filets. » (Lc 5, 5).

Et ils prennent une telle quantité de poisson que Pierre est saisi d’effroi. Il tombe aux pieds de Jésus en adoration et dit :

« Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. » (Lc 5, 8).

Dans ce qui est arrivé, il a reconnu le pouvoir de Dieu lui-même agissant à travers la parole de Jésus, et cette rencontre directe avec le Dieu vivant en la personne de Jésus le bouleverse au plus profond de lui-même. À la lumière et sous le pouvoir de cette présence, l’homme reconnaît sa condition pitoyable. Le tremendum divin lui est insupportable, il est trop violent pour lui.

Du point de vue de l’histoire des religions, ce texte est l’un de ceux qui montrent avec le plus de force ce qui se produit lorsque l’homme se trouve brusquement et directement confronté à la proximité de Dieu. Il ne peut alors qu’être saisi d’effroi par rapport à lui-même et supplier d’être délivré de la violence de cette présence.

Témoin de cette irruption directe de la proximité de Dieu lui-même en Jésus, Pierre l’exprime dans le titre qu’il utilise pour s’adresser à Jésus : Kyrios, Seigneur. C’est là l’appellation par laquelle, dans l’Ancien Testament, on remplace le nom imprononçable de Dieu révélé dans le Buisson ardent.

Alors qu’avant le départ en barque Pierre appelait Jésus « Maître, Rabbi », il reconnaît maintenant en lui le Kyrios.

Nous trouvons une situation analogue dans l’épisode où Jésus marche sur les eaux du lac soulevé par la tempête pour rejoindre la barque des disciples (Mt 14, 22-33). |...]

Des expériences de ce genre se trouvent tout au long des évangiles, et c’est en elles que la confession de Pierre telle que Matthieu la formule [« Tu es le Messie (le Christ), le Fils du Dieu vivant »] (Mt 16, 16) trouve son fondement.»[4]

Après la multiplication des pains, Jésus interprète son propre mystère : » par le don de soi, il se désigne lui-même comme le pain de vie. Ce discours ne plaît pas aux hommes, beaucoup d’entre eux s’en vont.

« Alors Jésus demande aux Douze : 'voulez-vous partir, vous aussi ?' Pierre répond : 'Seigneur, à qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu » (Jn 6, 67-69).

Comment comprendre cette expression « Saint de Dieu ». Dans l’Ancien Testament, Aaron est appelé « Saint de Dieu » (Ps 105 [106], 16), or nous savons qu’Aaron est aussi le prêtre. Ainsi, quand Pierre donne à Jésus le titre « Saint de Dieu », « on y voit apparaître le mystère sacerdotal de Jésus »[5].

« Le Saint de Dieu, cela rappelle aussi le contexte de la pêche miraculeuse, lorsque face au Saint tout proche, Pierre faisait l’expérience dramatique de sa misérable existence de pécheur. Nous sommes donc bien au centre de l’expérience que les disciples ont de Jésus. »[6]

Conclusion.

L’Église croit que Jésus est Dieu. Certains exégètes attribuent cette foi à des développements après Pâques. Benoît XVI dit qu’une telle méthode « présume trop d’elle-même » car « D’où pourrait donc bien provenir une foi post pascale dont Jésus n’aurait pas posé les fondements avant Pâques ? »[7]

Ceci étant dit, il y a une évolution du langage chrétien.

« À certains grands moments, les disciples, bouleversés, ont senti qu’il était Dieu lui-même.

Tout cela, ils ne pouvaient l’assembler pour en faire une réponse définitive. Ils utilisaient, à juste titre, les paroles de promesse de l’Ancienne Alliance : Christ, Oint, Fils de Dieu, Seigneur.

Ce sont les mots essentiels dans lesquels se concentre leur confession de foi encore balbutiante, qui ne trouvera sa pleine expression que lorsque Thomas, touchant les plaies du ressuscité, s’exclamera dans son saisissement : "Mon Seigneur et mon Dieu !" » (Jn 20, 28)[8]


[1] cf. BENOIT XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 323-325

[2] Ibid., p. 328

[3] Ibid., p. 326

[4] Ibid., p. 328-329

[5] Ibid., p. 330

[6] Ibid., p. 331

[7] Ibid., p. 331

[8] Ibid., p. 332


Synthèse F. Breynaert

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