Myopathe et communiant à tout ce qui est vivant

Dans ce témoignage poignant, Anne-Marie Empis nous invite à redécouvrir la beauté de la création à travers le regard de celle qui, malgré la perte de sa mobilité, trouve en Marie et en la nature un refuge spirituel et une source d’espérance. Ce récit nous rappelle que la véritable liberté réside dans la capacité à s’émerveiller et à accueillir la vie, même au cœur des épreuves.


Carole, de l'AFM (association française de lutte contre mes myopathies) s'inquiète aussi de ma santé et me demande si j'ai pu essayer quelques fauteuils roulants électriques. Je la rassure, j'en ai effectivement conduit plusieurs. Pour moi, qui ne peux plus marcher, rester mobile est essentiel. Continuer à me déplacer, même à roulettes, c'est continuer à sortir, travailler, être utile... C'est Fabienne, de l'hôpital de Swynghedauw, qui m'a accompagnée dans les rues de Chéreng. J'ai voulu aller jusqu'à la base de loisirs, à un kilomètre de chez nous. Il y a déjà un an que je ne peux plus aller jusque-là. Ce matin-là, nous étions seules dans cet espace peu aménagé, verdoyant, tranquille. Le petit pont de bois se reflète dans l'eau où la lumière argentée de ce début de journée stagne et joue de ce reflet. L'air est imprégné d'une atmosphère vivifiante : une fine vapeur monte de la terre. Ces effluves fraîches font naître en moi un profond sentiment d'allégresse d'être dehors ; j'ai l'impression d'être sortie d'un enfermement et de savourer « la clé des champs ». Je reçois avec gratitude cette bouffée d'air que parfument délicatement les feuilles des peupliers qui bordent ce havre de paix.

Depuis toujours, j'aime me promener autour de ce petit lac. Aujourd'hui, je me déplace en fauteuil roulant électrique : j'en pleurerais ! Non pas d'être à roulettes, mais de pouvoir être encore là. Fabienne s'en aperçoit et me fait préciser :

  • C'est bien un fauteuil roulant avec des grosses roues qu'il vous faut pour pouvoir aller dans la campagne ?

  • Oui, c'est aussi pour ça !

J'ai besoin de m'imprégner de cette ambiance bucolique, de retrouver mes racines rurales en terres fertiles, de me ressourcer dans ce silence tout juste habité du bruit du vent et des chants d'oiseaux. Respirer le parfum des saisons, sentir sur moi les caresses du temps, sont des nécessités presque vitales !

Et je rejoindrais bien saint François d'Assise remerciant toute la création... lui qui est pour moi, l'apôtre de l'attention aux plus petites créatures : un chemin vers le respect du plus faible... et donc de soi !

Mon demi-siècle de balades me manque cruellement. Cette fois-ci, je pleure de tristesse, de nostalgie aussi. Je prends alors conscience que toutes ces émotions, qu'elles soient liées à la vibration de la contemplation de la nature dans mon être profond ou liées aux rencontres ou encore aux événements, resteront en moi, que je sois à pied ou en fauteuil roulant. Là est l'essentiel : pouvoir s'émouvoir de tout ce qui est vivant.


Extrait du livre d'Anne-Marie Empis, « Sur un chemin que je n'ai pas choisi »

Bayard Service édition. À commander chez l'auteur : am.empis[taper-arobase]aliceadsl.fr

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