Les femmes, entre le parvis du temple et la cuisine pharisienne
Dans un contexte où les femmes étaient exclues du culte officiel au Temple, elles ont pourtant exercé une influence spirituelle et politique majeure, notamment en assurant la sanctification par le respect des règles de pureté rituelle dans la vie quotidienne. Ce rôle, souvent méconnu, éclaire la place essentielle que Marie, en tant que femme, occupe dans le dessein divin de sainteté et de salut.
Le culte, chose essentielle aux yeux de la nation, était entièrement entre les mains des hommes. Les femmes n'avaient pas le droit de pénétrer dans les parties les plus sacrées du Temple et elles ne pouvaient intervenir dans les célébrations en tant que prêtres. En conséquence, au cours des cérémonies de sanctification, elles restaient sur les côtés, mais ne se mettaient jamais au centre. Elles avaient leur parvis à l'écart de l'autel.
Et pourtant, l'Écriture rapportait que beaucoup de femmes avaient joué un véritable leadership ou avaient tout au moins disposé d'une influence considérable, depuis Myriam, sœur de Moïse, en passant par des figures de prophétesses ou de sauveurs comme Hulda, au temps de Jérémie, et plus tard Esther. Elles jouèrent donc un rôle essentiel dans la vie politique du pays, déjà dans l'ancien Israël, mais également au cours du siècle précédant la venue de Jésus, ainsi que, parfois, durant la période intermédiaire.
Elles disposaient donc partout de situations importantes en politique et en religion, sauf au Temple. [...] Peut-être, à l'origine, le souvenir des prostituées sacrées des cultes païens a-t-il poussé les législateurs du code sacerdotal israélite à maintenir les femmes à l'écart du culte et du Temple dans son ensemble.[1]
Mais tout change à partir du moment où, avec les pharisiens, on ne met plus l'accent sur le Temple mais sur les règles de pureté cultuelle, par exemple sur la consommation de nourriture au cours de repas rituels qui n'ont plus lieu seulement dans le temple mais aussi dans les maisons particulières, car à cette époque on considérait comme évident que c'étaient aux femmes de préparer le repas.
Elles se trouvaient donc tout à coup jouer un rôle capital pour tout ce qui concerne l'observance correcte des règles déterminant la pureté rituelle.
Il faut bien voir ici ce qui est en jeu : si on respecte les règles, on consomme sa nourriture comme si on était prêtre et on se retrouve ainsi en état de sainteté.
Les femmes avaient donc désormais le pouvoir d'assurer la sanctification.[2]
[1] Jacob Neusner, Le judaïsme à l'aube du christianisme, Cerf, Paris 1986, p. 47-48
[2] Jacob Neusner, Le judaïsme à l'aube du christianisme, Cerf, Paris 1986, p. 91-92
Jacob Neusner, (auteur juif)