
Première lecture
En ces jours-là, lors de la consécration du Temple, Salomon se plaça devant l’autel du Seigneur, en face de toute l’assemblée d’Israël ; il étendit les mains vers le ciel et fit cette prière : « Seigneur, Dieu d’Israël, il n’y a pas de Dieu comme toi, ni là-haut dans les cieux, ni sur la terre ici-bas ; car tu gardes ton Alliance et ta fidélité envers tes serviteurs, quand ils marchent devant toi de tout leur cœur. Est-ce que, vraiment, Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir : encore moins cette Maison que j’ai bâtie ! Sois attentif à la prière et à la supplication de ton serviteur. Écoute, Seigneur mon Dieu, la prière et le cri qu’il lance aujourd’hui vers toi. Que tes yeux soient ouverts nuit et jour sur cette Maison, sur ce lieu dont tu as dit : "C’est ici que sera mon nom." Écoute donc la prière que ton serviteur fera en ce lieu. Écoute la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël, lorsqu’ils prieront en ce lieu. Toi, dans les cieux où tu habites, écoute et pardonne. »
Psaume
De quel amour sont aimées tes demeures, Seigneur, Dieu de l’univers !
Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur ; mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant !
L’oiseau lui-même s’est trouvé une maison, et l’hirondelle, un nid pour abriter sa couvée : tes autels, Seigneur de l’univers, mon Roi et mon Dieu !
Heureux les habitants de ta maison : ils pourront te chanter encore ! Dieu, vois notre bouclier, regarde le visage de ton messie.
Oui, un jour dans tes parvis en vaut plus que mille. J’ai choisi de me tenir sur le seuil, dans la maison de mon Dieu.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Incline mon cœur vers tes exigences ; fais-moi la grâce de ta loi, Seigneur. Alléluia.
En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. – Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas avec des mains impures. » Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. » Il leur disait encore : « Vous rejetez bel et bien le commandement de Dieu pour établir votre tradition. En effet, Moïse a dit : Honore ton père et ta mère. Et encore : Celui qui maudit son père ou sa mère sera mis à mort. Mais vous, vous dites : Supposons qu’un homme déclare à son père ou à sa mère : “Les ressources qui m’auraient permis de t’aider sont korbane, c’est-à-dire don réservé à Dieu”, alors vous ne l’autorisez plus à faire quoi que ce soit pour son père ou sa mère ; vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. Et vous faites beaucoup de choses du même genre. »
Méditer avec les carmes
Tout n’était pas mauvais dans les habitudes juives, et même, beaucoup de préceptes ne faisaient qu’énoncer les lois de l’hygiène la plus élémentaire. Laver les coupes, les cruches et les plats, c’était tout à fait recommandable, et nous le faisons nous-mêmes au moins deux fois par jour. Se laver les mains avant de passer à table, c’est également un réflexe qu’on nous a inculqué depuis l’enfance, et la précaution n’est pas toujours inutile, à en juger par les mains de nos écolières quand elles viennent communier.
Il ne serait pas venu à l’idée de Jésus de critiquer la propreté ; mais puisque, ce jour-là, les gens instruits lui faisaient des reproches, il a saisi l’occasion pour mettre les choses au point, car il avait, à son tour, des griefs à formuler.
Tout d’abord il reproche aux scribes leur minutie inutile : se laver les mains, fort bien ; mais pourquoi « jusqu’au coude », si les bras sont propres ? Pourquoi obliger les hommes à des gestes vides de sens ?
Un autre grief va plus loin : pourquoi s’asperger d’eau au retour de la place publique ? Est-ce que le coude à coude de la vie quotidienne rend impur aux yeux de Dieu ? Ou bien y a-t-il une catégorie d’hommes qui contamine les autres ? Jésus ne peut accepter cette discrimination religieuse !
Enfin Jésus dénonce par deux fois le mensonge spirituel des scribes :
« Vous mettez de côté le commandement de Dieu, la volonté de Dieu, vous annulez sa parole ». Vous faussez le vrai culte, qui doit venir du cœur. Dieu a dit : « Honore ton père et ta mère » ; et vous dites : « Halte-là ! Les fonds sont bloqués : le capital de cet homme appartient au temple ! »
Ainsi le temple passe avant Dieu, et l’argent du temple avant l’obéissance à Dieu.
Et tout cela, pourquoi ? Parce qu’on s’attache à une tradition transmise par des hommes ! Parce que rabbi Untel a dit : « Jusqu’au coude ! », jusqu’à la fin des temps on se lavera jusqu’au coude. Or Dieu n’avait rien dit du tout !
Ne raillons pas trop vite ; car la parole de Jésus nous atteint, nous aussi. Certes, nous sommes rarement tentés de nous appuyer sur nos habitudes, mais nous nous appuyons sur des prospectives, sur des évidences concernant l’avenir, sur des préférences que nous érigeons en absolu, sur des manières de faire plus ou moins imposées par le milieu ambiant ou par un scribe de notre entourage.
Certes, il y a de saines traditions, mais on peut devenir propriétaire de l’avenir comme on était autrefois esclave de qui avait dit par des hommes ; on peut s’aliéner dans l’avenir comme on s’aliénait dans le passé. Et tout cela cache la même tentation : l’homme veut parler plus fort que Dieu ; l’homme prétend que par lui l’Esprit a parlé.
Alors lentement se produit la dérive que déjà Isaïe reprochait à son peuple : les lèvres continuent leur louange, alors que le cœur est loin. Il est ailleurs, dans des choses à faire, alors qu’il s’agit d’être, dans des paroles à dire, quand il suffit d’entendre, dans du nouveau à créer avec fièvre, alors que, chaque jour la nouveauté de Dieu est là, qu’il nous invite à recevoir.