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© CC0, Michel Serre, Vue du Cours Belsunce pendant la peste de 1720, 1721, musée des Beaux-Arts de Marseille.
Histoires providentielles
Marseille (France)
Nº 773
1720-1722

La peste de Marseille et la consécration de la ville au Sacré Cœur

En 1720, un navire, le Grand-Saint-Antoine, accoste à Marseille en provenance du Levant, bien que des personnes souffrantes et contagieuses soient à bord. Bientôt, la peste se propage dans la ville, causant une tragédie majeure : plus de 50 000 morts en Provence, dont environ 40 000 à Marseille. Les autorités tentent d’agir avec des mesures de quarantaine, mais trop tard. Certaines personnes, comme Mgr de Belsunce, se distinguent par leur courage au contact des malades. L’épidémie ne prend fin définitivement que deux ans plus tard, seulement après que la ville a été officiellement consacrée au Sacré Cœur de Jésus.


Les raisons d'y croire

  • Les hôpitaux, très vétustes, sont absolument insuffisants pour faire face à cet afflux de malades. Bien sûr, des mesures sanitaires concrètes sont prises pour endiguer l’épidémie (quarantaines, isolement, etc.), mais cela ne suffit pas pour amorcer une amélioration notable de la situation. À la fin de l’été 1720, la situation est désespérée : en trois mois, la population de la ville a été quasiment réduite de moitié.

  • Au cœur de Marseille, les religieuses des deux monastères de la Visitation offrent leurs prières et leurs pénitences pour le salut de la ville. Aucune sœur ne périra à cause de l’épidémie.

  • Or, l’une des religieuses visitandines de Marseille, mystique discrète, avait annoncé dès 1718 un grand malheur pour la ville, appelant à la conversion. C’est sœur Anne-Madeleine Rémusat. Elle met au courant sa supérieure et l’évêque, Mgr de Belsunce, qui la prennent au sérieux, étant donné que les charismes de la religieuse sont connus et réputés fiables.

  • Le 17 octobre 1720, Jésus fait passer à sa confidente une demande : « une fête solennelle [...] pour honorer son Sacré Cœur » et, en attendant, « qu’on lui rendît l’honneur qu’il demandait, [et que] chaque fidèle se dévouât, par une prière au choix de l’évêque […]. Par ce moyen, ils seraient délivrés de la contagion, et qu’enfin tous ceux qui s’adonneraient à cette dévotion ne manqueraient de secours. » L’évêque de Marseille consacre sa ville et le diocèse au Sacré Cœur de Jésus le 1er novembre. On rapporte ensuite un premier recul de la peste : la mortalité diminue d’une façon « prompte et sensible ».

  • Toutefois, l’épidémie n’est définitivement stoppée qu’après le 12 juin 1722, date à laquelle Marseille devient officiellement la ville du Sacré Cœur, par le vœu public des échevins de la ville, jusque-là récalcitrants. Dès ce jour, l’épidémie diminue si notablement, jusqu’à disparaître, que la population marseillaise ne peut s’empêcher de crier au prodige.

  • À l’époque, il a été constaté que l’action spirituelle collective des Marseillais coïncidait avec une amélioration de la situation épidémique. Cela donne des raisons de croire dans la puissance de la prière publique et communautaire, dans le fait que Dieu répond aux supplications, et dans son action concrète dans l’histoire.

  • Ce miracle eut un grand retentissement dans tout le royaume et déclencha une extension prodigieuse du culte du Sacré Cœur en France.

  • Il existe un ex‑voto daté du XVIIIe siècle avec une inscription : « Les pestiférés de Marseille ayant dévotement invoqué le Sacré Cœur divin, la peste cessa aussitôt. »

  • La basilique du Sacré Cœur du Prado fut construite pour commémorer la peste de 1720 et la consécration au Sacré Cœur, permise par les actions de sœur Anne-Madeleine Rémusat et de Mgr de Belsunce.

  • La peste entraîne en effet une conversion profonde et véritable de la ville. La période d’épidémie est suivie par une recrudescence durable de processions et de confessions, marquant un retour à Dieu sincère.


En savoir plus

Le 25 mai 1720, la peste fait son entrée dans le port de Marseille par l’intermédiaire du navire marchand le Grand-Saint-Antoine, en provenance de Syrie. L’épidémie se propage rapidement à toute la ville, menaçant les provinces voisines et le royaume entier. Face à la gravité du fléau, les autorités imposent un strict cordon sanitaire : plus aucun commerce avec l’extérieur, ni par terre ni par mer.

Dans cette ville transformée en vaste cimetière, le spectacle est apocalyptique. « Tout le pavé d’un côté et d’autre était couvert de malades et de mourants étendus sur des matelas sans aucun secours... Il fallait marcher sur les cadavres dont les rues étaient remplies », rapporte Mgr de Belsunce, évêque de Marseille. Le docteur Jean‑Baptiste Bertrand (médecin marseillais, témoin et acteur de la lutte contre la peste) estime à 40 000 le nombre de morts pour la seule ville de Marseille, plus 10 000 pour le territoire environnant.

Dans l’ombre du drame, une figure spirituelle joue un rôle crucial : sœur Anne-Madeleine Rémusat, religieuse de la Visitation, mystique qui vit à Marseille. Son rôle n’est pas seulement prophétique, mais sacrificiel. Elle offre sa vie, ses souffrances et ses pénitences quotidiennes pour le salut de la cité, en union avec le Christ, soutenue par la promesse du Sacré Cœur que son sacrifice n’était pas vain.

Loin de fuir, Mgr de Belsunce reste lui aussi au cœur de la tourmente. Au risque de sa vie, il parcourt les rues, bénit, secourt, visite les mourants, et célèbre publiquement une messe de réparation au Sacré Cœur de Jésus,auquel il consacre solennellement la ville et le diocèse. Il exhorte son clergé à ne pas fuir la contagion et donne lui-même l’exemple d’un dévouement héroïque : « Sa charité est active, il est tous les jours sur le pavé », dit-on de lui.

En réponse à l’appel de la religieuse et du prélat, la ville se tourne enfin vers Dieu. En 1722, les échevins font le vœu solennel d’honorer chaque année le Sacré Cœur. La protection de la Vierge Marie, particulièrement priée en ce temps de crise, reste également associée dans la mémoire collective à la délivrance de la peste.

Solveig Parent


Au delà

Le vœu solennel des autorités civiles de Marseille, les échevins, est encore célébré aujourd’hui.


Aller plus loin

Théophile Bérengier, Vie de Mgr de Belsunce, évêque de Marseille (1670 – 1755), Delhomme et Briguet, 1886.


En complément

  • L’article du site Internet Codex Dei : « Contre le coronavirus ? Faites tout ce qu’il vous dira ».

  • La Propagatrice de la dévotion au Sacré Cœur de Jésus, la vénérable Anne-Madeleine Rémuzat, religieuse professe de la Visitation Sainte-Marie au premier monastère de Marseille, d’après les documents de l’ordre, 1894

  • Alain Denizot, Le Sacré Cœur et la Grande Guerre, Nouvelles Éditions Latines, 1994.

  • Jean‑Baptiste Bertrand, Relation historique de la peste de Marseille en 1720, Pierre Marteau, 1721.

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