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© CC BY-SA 4.0/José Luiz Bernardes Ribeiro
Les mystiques
Naples (Italie)
Nº 763
1715 – 1791

La vie mystique de sœur Marie-Françoise des Cinq-Plaies

Il existe à Naples, dans les Quartiers espagnols, une petite église où se pressent, venant de toute l’Italie, voire du monde entier, des jeunes femmes pour qui être enceintes et mener leur grossesse à terme relève du miracle. Pourtant, comme l’attestent les archives du sanctuaire, nombreuses sont celles, que la médecine pensait irrémédiablement stériles, à avoir obtenu ici la grâce de pouvoir concevoir l’enfant qu’elles désespéraient d’avoir, simplement en s’asseyant un instant sur la chaise de sainte Marie-Françoise des Cinq-Plaies, mystique peu connue mais admirable, décédée le 6 octobre 1791.


Les raisons d'y croire

  • Sœur Marie-Françoise ayant déchaîné toute sa vie autour d’elle, sans le vouloir, haines, jalousies, calomnies et persécutions, l’Église, qui voulait savoir à quoi s’en tenir à son sujet, a longuement enquêté, de son vivant, sur la réalité des charismes étonnants qu’on lui attribuait, sur sa vie et sur sa personnalité. Sous la surveillance constante de ses confesseurs et de ses directeurs de conscience, et sous celle des archevêques napolitains successifs, la tertiaire franciscaine a été scrutée sous toutes les facettes pendant des années, de sorte que l’on peut difficilement mettre en doute son honnêteté et les faits extraordinaires dûment constatés qui marquent son parcours.

  • Dès sa jeunesse, elle possède un « don » que son père aimerait utiliser pour gagner de l’argent : elle lit l’avenir et prophétise les événements futurs, ce que tout le quartier finit par savoir, même si l’enfant n’en parle jamais. Mais Anna Maria (son prénom de naissance), qui ne sait si ce don est de Dieu ou du diable, refuse de jouer à la voyante et renvoie les « clients » sans leur répondre, car elle ne veut pas monnayer sa clairvoyance. Ce refus obstiné met son père en rage. C’est le début d’une longue lutte entre cet homme violent et emporté et la jeune fille. Battue et frappée, Anna Maria ne cède pas.

  • En grandissant, l’adolescente devient très belle. Son père pense lui faire contracter un riche mariage qui aidera toute la famille. Justement, le fils d’un gros client s’est épris d’Anna Maria et souhaite l’épouser. Mais, là encore, il se heurte au refus de sa fille, qui lui révèle qu’elle a décidé d’entrer chez les Sœurs mineures déchaussées, une branche franciscaine austère fondée par saint Pierre d’Alcantara. À cette nouvelle, son père l’enferme dans sa chambre au pain et à l’eau, lui interdisant toute visite. La punition dure plus de dix jours. Absorbée dans la prière, Anna Maria ne change pas d’avis : sa vocation est profonde et sincère. Il faut une intervention du curé en faveur de celle que l’on surnomme la Santarella, « la petite sainte », pour que son père consente à sa vocation religieuse. Nous sommes en 1731.

  • Il faut admirer comment la jeune fille, par fidélité à l’appel divin, supporte de façon héroïque coups, menaces et privations, et admirer plus encore qu’elle préfère une vie pénitente à l’existence dorée qui l’arracherait à sa condition.

  • Elle vit au quotidien en présence de son ange gardien et bénéficie de ses conseils. Par exemple, au couvent de Bon-Chemin, un jour qu’elle travaille à la sacristie, celui-ci lui intime de fuir ; elle lui obéit et bien lui en prend, puisqu’un instant après, une violente explosion dans l’immeuble voisin entraîne l’écroulement de la sacristie.

  • Anna Maria, qui a pris le nom de sœur Maria Francesca (Marie-Françoise), est atteinte d’une sorte d’œdème généralisé dont elle ne guérira jamais complètement et qui entraînera par la suite diverses complications graves. Elle offre ses peines immenses pour son salut et celui des pécheurs, et pour la délivrance des âmes du purgatoire. À travers son rôle de victime expiatrice et à l’image de Jésus, la foi chrétienne de Maria Francesca permet de donner un sens à des années de grandes souffrances.

  • Très attachée à la Passion du Christ – d’où son nom de religion, sœur Marie-Françoise « des Cinq-Plaies » –, elle finit par recevoir les stigmates, revivant l’agonie du Christ tous les vendredis, surtout pendant le carême. Il existe de nombreux témoins de ces événements. C’est sur la chaise où elle s’asseyait autrefois que les femmes stériles viennent encore demander la grâce de la maternité.


En savoir plus

Née à Naples le 25 mars 1715, Anna Maria Gallo est la fille d’un couple de merciers qui fabriquent de la passementerie, notamment des rubans d’or et du galon d’ameublement. Enceinte d’Anna Maria, sa mère est en proie à de telles obsessions démoniaques que, terrifiée, elle consulte les futurs saints Jean-Joseph de la Croix et François de Girolamo. Tous deux lui assurent dans les mêmes termes qu’elle ne doit pas avoir peur, car la fille qu’elle attend sera une grande sainte.

C’est ensuite une intervention de Notre Dame qui sauve le bébé, car ni sa mère ni sa nourrice n’ont de lait et elle risque de mourir de dénutrition. Très vite, cette enfant se montre si pieuse qu’elle est autorisée, fait exceptionnel à l’époque, à faire sa première communion à sept ans. Elle manifeste un charisme prophétique qui ne la quittera pas, lui permettant de prédire épidémies et famines. Le père, Francesco, veut « rentabiliser » ses enfants et utiliser les charismes d’Anna Maria comme une source de revenus : de nombreuses Napolitaines, y compris de grandes dames, qui attendent un enfant, aimeraient savoir si c’est un garçon ou une fille. Elles proposent de l’argent à Francesco Gallo pour que sa fille le leur dise, mais Anna Maria refuse de se servir de son charisme pour dire l’avenir. Dès lors, elle devient le souffre-douleur d’un père furieux.

Au terme d’une terrible épreuve de force, ponctuée de violences physiques – sa fille refusant le riche mariage qu’il lui réservait –, elle peut entrer comme tertiaire chez les Mineures déchaussées, ce qui ne met pas un terme à ses épreuves mais, au contraire, semble les multiplier. Simple tertiaire, elle ne vit pas dans un cloître mais doit trouver des places d’aide-soignante dans des familles aisées. Devenue sœur Marie-Françoise des Cinq-Plaies, elle n’échappe pas entièrement à la vindicte familiale et, de plus, elle est soumise aux jalousies que peuvent susciter sa piété et ses charismes.

Les souffrances physiques et les calomnies ne la lâcheront jamais, sans lui faire renoncer à ses jeûnes et à ses pénitences, jusqu’à se coucher par terre et à se priver de tout pour délivrer les âmes du purgatoire. Sœur Marie-Françoise ne se plaint ni ne se défend. Elle continue de prier pour les siens et répète inlassablement : « Que le Seigneur soit béni ! » Ses douleurs physiques ne l’empêchent pas non plus de s’occuper des déshérités de son quartier pauvre et d’aller visiter les malades hospitalisés, s’occupant surtout de ceux dont les maladies rebutent les autres.

Un jour qu’elle souffre le martyre à cause d’une plaie au pied qui lui interdit de se lever, elle apprend la maladie de son père. Elle se désole de ne pouvoir aller l’assister. Il serait humain qu’elle se détourne d’un homme qui a fait de sa jeunesse un véritable enfer, mais, apprenant les douleurs qu’il endure et sa peur de la mort, sœur Marie-Françoisedemande au Ciel la grâce d’endurer à sa place les souffrances de l’agonie physique et spirituelle de son bourreau, ce qu’elle obtient.

En 1789, elle bénéficie d’une apparition de l’archange guérisseur Raphaël, qui referme définitivement son stigmate du côté. Tombée plus gravement malade en septembre 1791, elle reçoit de ses supérieurs l’ordre de vivre et de souffrir encore. Ses tortures augmentant jusqu’à l’insupportable, elle les adjure de la relever de son vœu d’obéissance et de la laisser partir. Elle meurt, au terme d’une agonie effroyable, le 6 octobre, en affirmant voir la Sainte Vierge venue la chercher.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au delà

Les Napolitains lui attribuent la préservation miraculeuse des Quartiers espagnols lors des bombardements de 1943.


Aller plus loin

Bernard Laviosa, Vie de la bienheureuse Marie-Françoise des Cinq-Plaies de Jésus du Tiers‑Ordre de Saint‑Francois d’Assise. Disponible en français et en anglais, 1866.


En complément

  • Massimiliano Taroni, Santa Maria Francesca delle cinque piaghe, Velar, 2017 (en italien).

  • Site du sanctuaire de Santa Maria Francesca delle cinque piaghe .

  • La Dévotion aux cinq plaies de Notre Sauveur Jésus-Christ, Seguin Aîné, 1833.

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