
François et le miracle de Greccio
Fêté le 4 octobre, saint François d’Assise (1181 – 1226) est le fils d’un riche marchand italien. Il renonce à tout pour vivre à l’image du Christ, dans la pauvreté, l’humilité et la joie. Fondateur d’un ordre mendiant, son amour pour l’Évangile est radical. En 1223, dans le petit village de Greccio (Latium, Italie), il ajoute à la vigile de la Nativité une évocation vivante de la sainte nuit de Bethléem. Si cette initiative est à l’origine de nos crèches de Noël, elle fut aussi l’occasion d’une apparition dont les témoins furent nombreux.
Les raisons d'y croire
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Thomas de Celano, compagnon de François, fut mandaté par le pape Grégoire IX pour écrire la première biographie du Poverello. Il a rapporté le miracle de Greccio, dont il a sans doute été lui-même témoin, moins de quatre ans après les faits, quand presque tous les contemporains de François sont encore en vie.
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L’on peut d’autant moins douter de sa bonne foi que les biographies suivantes (comme celle de saint Bonaventure, la Legenda Major, vie de saint François qui fait autorité) n’ont jamais mis en doute l’anecdote et l’ont elles-mêmes rapportée. Nous possédons donc une source de première main très fiable.
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François nourrit une ferveur spéciale pour la fête de la Nativité, occasion pour lui de méditer sur l’abaissement infini de Dieu qui se fait homme. C’est aussi l’occasion d’enraciner dans l’ordre qu’il a fondé l’idéal de pauvreté absolue qu’il a choisi mais qui commence déjà, du vivant de François, à être remis en cause comme intenable. La démarche spirituelle du saint est donc limpide lorsqu’il demande par lettre à son ami Giovanni Velita de préparer quelques éléments pour représenter la naissance de Jésus pendant la messe de Noël, qu’il célébrera dans une grotte à Greccio.
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S’agissant d’une innovation, nous savons que François a pris la précaution de demander l’aval du pape avant de mettre à exécution son idée.
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François ne cherche pas une mise en scène extraordinaire ; ses exigences sont minimalistes : il ne demande qu’une mangeoire, un âne et un bœuf. Il ne prévoit aucun personnage. D’ailleurs, c’est uniquement pour sa propre édification et celle des frères qu’il a cette idée. L’on peut donc écarter toute volonté de donner un spectacle.
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Cependant, la nouvelle de la présence du futur saint à Greccio pour la célébration de la messe de minuit se répand dans les environs, de sorte que beaucoup de gens vont gravir la montagne en pleine nuit pour y assister. Il y aura donc de nombreux témoins oculaires.
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Lorsque François proclame l’Évangile de la Nativité, toute l’assistance remarque son émotion et l’altération de sa voix, de sorte que « l’on croyait entendre bêler un doux agneau ». Ce trouble ne saurait être feint.
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Et voilà qu’à la fin de la messe, dans la mangeoire, couché sur le foin, apparaît soudain distinctement un nouveau-né d’une exquise beauté. Il n’est pas fait mention d’embellissements mettant par exemple le bébé dans les bras du saint.
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Pour les contemporains, il ne fait aucun doute qu’il s’agit bien de l’Enfant Jésus : l’assistance est suffisamment convaincue de ce qu’elle a vu pour emporter des reliques, en se disputant la paille sur laquelle le saint Enfant avait été couché. La paille permit longtemps de soigner les bêtes malades, tout comme le pèlerinage à Greccio guérissait les malades.
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C’est après ce miracle que les Franciscains décidèrent de perpétuer l’invention du saint et de faire des crèches dans les églises.
En savoir plus
Alors qu’il séjourne à Rome, à l’automne 1223, François est victime d’attaques démoniaques. Il décide de regagner l’Ombrie en hâte. Avant de quitter la Ville, où il ne reviendra jamais, il a obtenu du pape Honorius la permission d’ajouter à la vigile de la Nativité une évocation vivante de la sainte nuit de Bethléem, un semblant de reconstitution du mystère que l’on célèbre. Il veut insister ainsi sur la source de son idéal d’absolue pauvreté, soulignant que le serviteur ne saurait être mieux traité que Notre Dame et son divin Fils. Comme le dit saint Paul, il ne retient pas le rang qui le faisait égal à Dieu dont il est le Fils.
La perte de la Terre Sainte, retombée au pouvoir des musulmans, qui empêchent les chrétiens de se rendre en pèlerinage là où vécut le Christ, a incité l’Église et les Franciscains en particulier à développer des dévotions de remplacement ; célébrer la Nativité sans se rendre à Bethléem s’inscrit dans cette logique.
Donc, lorsque François repart vers Assise, en novembre 1223, il envoie une lettre à l’un de ses amis, le seigneur Giovanni Velita. Il vit près de Greccio, en Ombrie, et possède sur un sommet des terres montagneuses percées de grottes qui, dans l’esprit du saint, se prêteraient à fournir un décor crédible à sa mise en scène. François lui écrit en ces termes : « Je voudrais célébrer avec toi la prochaine fête du Sauveur et, pour ma part, commémorer sa naissance à Bethléem de manière à me représenter aussi parfaitement que possible les souffrances et incommodités qu’il endura dès l’enfance pour nous sauver. C’est pourquoi je désire que tu installes à cet endroit de la montagne une vraie crèche avec du foin, que tu y amènes un âne et un bœuf comme ceux qui tinrent compagnie à l’Enfant Jésus. »
À l’issue de la messe de Noël, toute l’assistance voit clairement Jésus couché dans la mangeoire, d’abord endormi. Mais le nouveau-né se réveille, tend les mains vers François et lui sourit.
Thomas de Celano commente : « Cette vision prodigieuse récompensait le zèle du pieux seigneur de Greccio, mais elle symbolisait aussi l’œuvre admirable accomplie par celui (François) qui réveilla la foi sommeillante au cœur des hommes. » Il est donc assuré que le seigneur de Greccio vit, lui aussi.
Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.
Au delà
Le peintre Giotto († 1337) a représenté ce miracle . Cette peinture fait partie des fresques de la vie de saint François de la basilique Saint-François d’Assise.
Aller plus loin
Thomas de Celano, Vita prima, légenda ad usum chori, Vita secunda, tractatus de miraculis, suivies de la Legenda Major de saint Bonaventure, Analaecta Quaracchi, 1941.
En complément
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Omer Englebert, La Vie de saint François d’Assise, Albin Michel, 1947.
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Ivan Gobry, Saint François d’Assise, Tallandier, 2003.
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André Vauchez, François d’Assise, Fayard, 2009.
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L’article de VaticanNews : « Il y a 800 ans à Greccio, le mystère de la Nativité s’est fait piété populaire ».
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Les articles 1000 raisons de croire déjà publié sur saint François d'Assise : sur sa vie , sur ses stigmates .