
Les martyrs de Natal : une foi éprouvée par la torture
Le 3 octobre 1645, une trentaine de catholiques de Natal (Brésil), dont leur curé, le père Ambrosio Francisco Ferro, sont capturés par des soldats hollandais calvinistes et leurs alliés indigènes. Emmenés de force jusqu’à Uruaçu, à une vingtaine de kilomètres, ils sont torturés avec une extrême cruauté pour leur faire abandonner la foi catholique. Le père Ambrosio et vingt-neuf autres martyrs du Brésil sont canonisés en 2017 par le pape François, comme des exemples de courage et de fidélité au Christ.
Les raisons d'y croire
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Des prêtres et des missionnaires européens choisissent de tout quitter pour apporter l’Évangile à l’autre bout du monde, où la personne de Jésus n’est pas connue, à des peuples dont ils ignorent tout.
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À partir de 1630, les Hollandais, de confession calviniste, étendent leur influence au Brésil et soumettent les catholiques à de nombreuses violences et discriminations. Les missionnaires refusent toutefois d’abandonner le peuple qui leur a été confié et choisissent de rester sur place plutôt que de repartir en Europe. C’est le cas du père Ambrosio Francisco Ferro, curé du village de Natal, qui choisit de rester avec sa communauté chrétienne. Sa vie est centrée sur le service et la vérité.
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Les catholiques du village de Natal savent l’ampleur de ce qui se joue, car moins de trois mois auparavant, dans la chapelle de Cunhau, l’autre paroisse catholique de la région, la totalité des fidèles présents à la messe ont été massacrés (plus d’une soixantaine de personnes) par l’armée hollandaise.
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Ils ne s’exposent pas délibérément à la mort : ils ont essayé de se mettre à l’abri. Ils ne cherchent pas de façon volontaire la souffrance, mais ils vont accepter de l’endurer par amour et fidélité au Christ.
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Lorsque, début octobre, le père Ferro et ses paroissiens sont faits prisonniers et emmenés par la milice hollandaise près des rives du fleuve Uruaçu, il leur est proposé d’apostasier pour être épargnés. Ils refusent et sont horriblement torturés, de multiples manières, subissant des mutilations inhumaines que même les chroniqueurs de l’époque étaient horrifiés de décrire en détail (démembrement, yeux crevés, nez, langues ou oreilles arrachés ; certains sont brûlés, d’autres décapités...) Les outrages continuent après leur mort : leurs dépouilles sont abandonnées aux intempéries et aux animaux.
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Des martyrs de Cunhau et Natal, les recherches n’ont permis d’identifier que trente noms, les autres sont restés anonymes : des familles tout entières et beaucoup d’enfants en bas âge. Leur choix de mourir torturé plutôt que d’accepter de changer de croyance ne s’explique pas aisément : c’est par la relation vivante qu’ils entretiennent avec Dieu et par leur conviction absolue que le Christ était plus précieux que la vie elle-même.
En savoir plus
À la suite de la découverte du Brésil par les Portugais, au XVIe siècle, l’évangélisation du Rio Grande do Norte, au nord-est du pays, débute vers 1597. Elle commence par la catéchèse des populations indigènes, puis se poursuit par la formation des premières communautés chrétiennes. Cette œuvre missionnaire est menée par des jésuites et des prêtres diocésains venus du Portugal.
Cependant, à partir de 1630, pour diverses raisons géopolitiques, les Hollandais, de confession calviniste, étendent leur emprise sur la région, prenant peu à peu le dessus sur la présence portugaise catholique. Accompagnés de leurs pasteurs, les Bataves provoquent de nombreux troubles dans une zone jusque-là relativement paisible. La liberté de culte des catholiques est progressivement restreinte, jusqu’à ce qu’une véritable persécution s’installe.
Au milieu du XVIIe siècle, le Rio Grande do Norte ne compte que deux paroisses catholiques. La première est celle de Notre-Dame-de-la-Purification, à Cunhau, dont le curé, le père André de Soveral – prêtre brésilien engagé dans l’évangélisation des Indiens depuis 1606 –, est une figure bien connue. La seconde, située à Natal, est la paroisse Notre-Dame-de-la-Présentation, desservie par le père Ambrosio Francisco Ferro, prêtre portugais originaire des Açores.
En 1645, ces deux communautés sont frappées par une vague de violences sans précédent. Voici le récit de cette persécution…
Le dimanche 16 juillet 1645, dans l’église Notre-Dame-de-la-Purification, à Cunhau, environ soixante-dix fidèles, en majorité d’origine paysanne, se rassemblent pour la messe dominicale, célébrée par le père André de Soveral. Un groupe armé composé de soldats hollandais et de guerriers indigènes – des tribus Tapuia et Potiguara, alliées aux Bataves – fait soudain irruption dans l’église. Le père André interrompt la messe et invite ses fidèles à se préparer à la mort en demandant pardon à Dieu. Les assaillants verrouillent les portes du sanctuaire, empêchant toute fuite, puis se livrent à un massacre brutal des fidèles désarmés, à l’exception de cinq Portugais, gardés comme otages. Le prêtre tente de s’interposer. Il s’adresse aux soldats calvinistes, leur enjoignant de cesser de profaner l’église et de ne pas faire violence à ceux qui servent Dieu. Mais il est mortellement frappé par une hache lancée par l’un des indigènes. Avant de rendre son dernier souffle, le père André entonne avec les survivants les prières pour les mourants.
Quelques semaines plus tard, le 3 octobre 1645, les membres de la communauté catholique de Natal connaissent à leur tour le martyre. Effrayés par les événements de Cunhau, de nombreux fidèles cherchent refuge dans le fort Reis Magos (« des Rois Mages ») ou dans des abris de fortune, mais leurs tentatives restent vaines. Jacob Rabe, un Allemand engagé au service des Hollandais calvinistes, déjà impliqué dans le massacre de Cunhau, traque les catholiques réfugiés dans la forêt. Accompagné de miliciens néerlandais et indigènes, il capture environ quatre-vingts fidèles de la paroisse, en compagnie de leur curé, le père Ambrosio Francisco Ferro. Tous sont emmenés de force vers un lieu isolé, prédéfini, situé à une vingtaine de kilomètres de Natal, sur les rives de la rivière Uruaçu. Là, ils sont menacés d’être exécutés pour leur fidélité à la foi catholique, à moins de renoncer à la foi catholique. En connaissance de cause, les braves paroissiens de Natal refusent d’apostasier… signant ainsi leur arrêt de mort.
Accompagnés de leur curé, le père Ambrosio Francisco Ferro, les fidèles sont torturés par la bande armée, avec une cruauté épouvantable, et ce jusqu’à la mort. Un enfant est cloué à un tronc d’arbre et un autre coupé en deux avec une épée. Parmi les catholiques tués figurent Ambrosio Francisco Ferro, le curé, ainsi que nombre de ses proches paroissiens : vingt-sept Brésiliens, un Portugais, un Espagnol et un Français. Parmi eux, le nom de Mateus Moreira est resté. Au moment de donner sa vie pour le Christ, Mateus trouve la force de crier son amour pour l’Eucharistie, pendant que ses bourreaux lui ouvrent le dos afin d’en arracher le cœur. Avant de s’éteindre, il crie : « Loué soit le Très Saint Sacrement. »
« Le Brésil, tout au début de son histoire, fut baigné par le sang de ses enfants, comme de véritables martyrs de la foi catholique », dira plusieurs siècles plus tard dom Claudio Hummes, archevêque métropolitain de Sao Paulo, annonçant la béatification des catholiques martyrs. « La reconnaissance de ces martyrs et leur béatification de la part de l’Église nous remplissent de gratitude envers Dieu et nous stimulent davantage dans la mission évangélisatrice. » Le 5 mars 2000, à Rome, le pape Jean-Paul II procède à la béatification de ceux qui seront appelés les trente « protomartyrs brésiliens ». Le 23 mars 2017, le pape François signe le décret reconnaissant comme authentique le miracle opéré par l’intercession du bienheureux Ambrosio Francisco Ferro. Ce dernier est alors canonisé avec trente-quatre autres martyrs le 15 octobre 2017 sur la place Saint-Pierre par le pape François.
Thomas Belleil, auteur de livres de spiritualité, diplômé en sciences religieuses à l’École Pratique des Hautes Études et en théologie au Collège des Bernardins.
Au delà
En 2014, le magazine américain Christian History, en partenariat avec l’association Voix des Martyrs USA, a évalué à soixante-dix millions le nombre de chrétiens martyrisés au nom de leur foi, partout dans le monde, depuis les premiers temps du christianisme. Alors qu’ils avaient souvent la possibilité de fuir, ou du moins d’apostasier, des millions de chrétiens ont préféré subir la persécution, la torture ou la mort plutôt que de renoncer au Christ.
Aller plus loin
L’histoire des massacres de Cunhau et Uruaçu a été publiée à la fin des années 1980, grâce aux recherches de Mgr Francisco de Assis Pereira (1935 – 2011), qui a écrit un livre sur le sujet : Bienheureux Mateus Moreira et ses compagnons martyrs.
En complément
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L’homélie de béatification du pape Jean-Paul II, du dimanche 5 mars 2020.
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L’article de Agenzia Fides, organe d’information des Œuvres Pontificales Missionnaires : « Parmi les prochains bienheureux à être canonisés, les protomartyrs du Brésil, fruit de l’action missionnaire ».