
La Vierge Marie apparaît pour confirmer la date de sa naissance
Maurille, quatrième évêque d’Angers, aime se retirer plusieurs fois l’an dans la solitude d’un ermitage qu’il s’est bâti sur le mont Glonne, qui domine la Loire. Il y puise dans la prière la force de supporter la lourde charge de l’épiscopat. C’est là qu’un jour de 431, la Vierge Marie lui apparaît pour lui révéler la date de sa naissance et lui demander d’instituer une fête en son honneur. Ainsi l’Église s’enrichit-elle d’une nouvelle célébration, celle de la Nativité de Notre-Dame, le 8 septembre, qui, d’abord locale et connue pour cela sous le nom de Notre-Dame l’Angevine, prendra une extension universelle. Maurille, quant à lui, est fêté quelques jours plus tard, le 13 septembre.
Les raisons d'y croire
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La biographie de saint Maurille d’Angers, considérée comme authentique, a été rédigée par Mainbeuf, son successeur sur le siège d’Angers, au début du VIIe siècle. La diffusion de son culte, l’érection de la collégiale à son nom, les mentions dans le Martyrologe et les traditions diocésaines renforcent l’existence historique indéniable de cet évêque et permettent de retracer sa vie à grands traits.
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Au monastère de Marmoutier, saint Martin impose, au plus haut sommet de la hiérarchie ecclésiastique, un modèle de vie dépouillée, de type monastique. Les réticences étaient évidemment fortes, mais ce monastère devient une pépinière de l’épiscopat gallo-romain. La génération d’évêques sortie de Marmoutier au tout début du Ve siècle est une génération de saints qui va faire la Gaule, et donc la France chrétienne. Maurille est l’un d’eux : nous savons qu’il est monté sur le trône épiscopal d’Angers en 423, à soixante ans. Son élévation à l’épiscopat prouve la réussite de la réforme martinienne, car le clergé angevin fut longtemps très hostile aux façons d’être et de faire de Martin.
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C’est à l’exemple de Martin que, se fiant à la force divine, Maurille a appelé le feu du Ciel sur le temple de Calonna (actuel Chalonnes, dans le Maine-et-Loire). La foudre tombée sur le bâtiment a déclenché un incendie, permettant au missionnaire d’élever à la place un sanctuaire à la Vierge Marie. C’est ce succès qui a incité à le faire évêque. L’on peut se fier à ces éléments, qui s’inscrivent parfaitement dans la ligne martinienne sur laquelle nous sommes parfaitement documentés.
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Qu’il remplace le temple détruit par une église dédiée à Notre Dame prouve la grande piété mariale de Maurille, ce qui est logique avec le fait qu’il ait bénéficié d’une apparition privée dont le souvenir a été fortement ancré dans la région. La Tradition la situe au lieu-dit La Croix Pichon, sur le mont Glonne, durant l’une des retraites qu’y fait régulièrement Maurille. Ce que l’on sait de Maurille ne permet vraiment pas de mettre en doute son honnêteté et sa piété mariale.
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Il est intéressant de souligner que nous sommes en 431, l’année du concile d’Éphèse, qui va proclamer le dogme de la maternité divine de Marie et lui conférer le titre de Théotokos, Mère de Dieu. Il n’est pas rare que le Ciel se manifeste de la sorte par des apparitions quand il souhaite la mise en honneur de certains faits ou l’instauration de nouvelles fêtes. On le verra par exemple avec les visions de Julienne de Cornillon pour la Fête-Dieu, les apparitions de sainte Anne à Auray en 1625 ou celles de Lourdes en 1858 pour donner plus de poids à la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception. C’est un argument supplémentaire pour accepter les dires de Maurille. Nous sommes aussi au moment de l’apparition de Notre Dame à Anicium, l’actuel Puy-en-Velay. Nous assistons donc à une mainmise tous azimuts de Notre Dame sur la France.
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Notre Dame dit à Maurille que Dieu veut une fête en l’honneur de sa naissance. Cette demande n’est pas surprenante, car une telle célébration existe déjà à plusieurs endroits, notamment en Orient. Quant à la date qu’elle lui indique, le 8 septembre, c’est celle que la Tradition connaît déjà comme celle de la dédicace de la basilique Sainte-Anne de Jérusalem, construite sur la maison supposée avoir appartenu à saint Joachim, où Marie serait venue au monde et qui pourrait, en effet, renvoyer à l’anniversaire réel de Notre Dame.
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Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que Rome ait admis sans difficulté cette fête de « dies natalis » de la Vierge Marie, seul jour de naissance, avec ceux de Jésus et de Jean-Baptiste, célébré par l’Église.
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Saint Maurille meurt en 453. Plusieurs siècles plus tard, lorsque l’évêque Neffingue, vers 970, fait transférer les reliques de saint Maurille dans une nouvelle châsse, plusieurs miracles se produisent. Ces miracles sont mentionnés dans les archives de la Société des Bollandistes, renommés pour leur travail critique sur l’hagiographie.
En savoir plus
Maurille naît en 363 à Milan, dans une famille de l’aristocratie catholique demeurée fidèle au Christ et à l’Église, bien que cette année soit celle de la tentative de restauration du paganisme par l’empereur Julien. De plus, l’archevêché de Milan est alors dirigé par un évêque hérétique, l’arien Auxence. Il est probable que saint Martin, exilé de Poitiers par les autorités ariennes et qui séjourna, on le sait, assez longuement à Milan, se soit lié alors avec les parents de Maurille et qu’il soit resté en relation avec eux après son retour en Gaule. L’on sait en effet qu’il garda des liens forts avec l’Église milanaise et notamment avec l’évêque Ambroise, son ami. Ce qui est sûr est que Maurille a quitté l’Italie adolescent pour se rendre à Tours, auprès de Martin, devenu l’une des principales figures politiques et religieuses d’Occident.
Il suit une longue formation et mène la vie monastique à Marmoutier. Il part peu avant ou peu après la mort de Martin, survenue le 8 novembre 397, pour aller, à l’instar de celui-ci, évangéliser les campagnes de l’Ouest, qui restent païennes. Il est ensuite appelé à l’évêché d’Angers en 423. On lui doit la construction de la cathédrale de la ville, placée sous l’invocation de saint Maurice, le tribun martyr de la légion thébaine, supplicié à Agaune, en Suisse, dans les années 280, avec ses camarades, et dont saint Martin avait obtenu un nombre conséquent de reliques. Maurille ne quittera plus guère sa ville épiscopale, sinon pour des retraites au mont Glonne dans la prière et la solitude.
La vie de saint Maurille telle qu’elle nous a été transmise au Moyen Âge est très largement fantaisiste et il faut tenir pour inventé l’épisode de l’exil de Maurille en Grande-Bretagne. En fait, jusqu’à sa mort, en 453, Maurille n’aura sans doute jamais plus quitté son diocèse.
Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.
Au delà
Outre la cathédrale Saint-Maurice et la fête de Notre-Dame l’Angevine, on doit à Maurille deux sanctuaires marials d’importance : Notre-Dame du Marillais et Notre-Dame de Béhuard.
Aller plus loin
L’article du site Internet Notre Histoire avec Marie : « Notre-Dame du Marillais : Marie visite la France ».
En complément
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Jean Croiset, Les Vies des saints pour tous les jours de l’année, 1742. Disponible en ligne .
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Philippe de Cathelineau, Quand Marie visite la France, Saint‑Léger Éditions, 2020.
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Louis Tricoire, Notre-Dame du Marillais à travers les âges, Angers, 1938.
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Le dossier de la rédaction RCF Anjou : « Nativité de la Vierge Marie : pourquoi l’appelle-t-on aussi Notre‑Dame l’Angevine ? ».