
Notre Dame de Rocamadour, un millénaire de miracles
Petit oratoire isolé du Lot (France), construit à flanc de falaise par un ermite du IXe siècle afin d’honorer la Vierge, Notre-Dame-de-Rocamadour a vu progressivement affluer de plus en plus de pèlerins, devenant l’un des quatre lieux saints de la chrétienté. Depuis plus d’un millénaire se multiplient les témoignages de grâces et de miracles obtenus en ces lieux. Aujourd’hui, ce sanctuaire mondialement connu, autour duquel s’est bâtie une véritable cité médiévale, accueille plus d’un million et demi de visiteurs chaque année.
Les raisons d'y croire
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En 1166, le sanctuaire se développe fortement à la suite de la découverte, dans une tombe creusée à même la roche, près de l’oratoire, d’un corps en parfait état de conservation, « comme s’il dormait », dira-t-on à l’époque. On identifie ce corps à celui de l’ermite saint Amadour, le bâtisseur de l’oratoire originel.
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De nombreux témoignages de grâces et de miracles survenant à Rocamadour sont rapportés, à tel point que les moines en charge du sanctuaire décident de les consigner par écrit. En 1172, un ouvrage est publié, Le Livre des miracles de Rocamadour, répertoriant pas moins de 126 procès-verbaux de miracles (dont 90 sont des guérisons), survenus entre 1148 et 1172, et reconnus comme étant authentiques.
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Bien après la publication du livre, véritable « best-seller médiéval », les témoignages de miracles continuent d’affluer en masse, parfois de la bouche des personnages les plus illustres. C’est ainsi qu’en 1159, Henri II Plantagenêt, futur roi d’Angleterre, se rend à Notre-Dame de Rocamadour pour remercier la Vierge de l’avoir guéri de la fièvre grave et tenace dont il était affligé.
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Quelques siècles plus tard, le navigateur Jacques Cartier, découvreur du Québec, bénéficie lui aussi de la protection de la Vierge de Rocamadour. Lors du terrible hiver de 1536, son équipage et lui sont frappés par le scorbut. Après avoir fait célébrer une messe devant une effigie de Notre Dame de Rocamadour et s’être confiés à son intercession dans la prière, tous recouvrent la santé. Profondément marqué par cette guérison, Cartier développa une grande dévotion envers la Vierge de Rocamadour.
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En effet, Rocamadour, haut lieu de piété populaire, a également suscité l’intérêt des plus illustres personnages de leur temps, parmi lesquels Simon de Montfort, Blanche de Castille et son fils Louis IX, tous les rois de France jusqu’à Louis XI, ou encore Edmond Michelet et Francis Poulenc… De grands érudits et des gens de pouvoir, qui avaient peu à gagner à s’en porter caution, n’ont pas hésité à exprimer leur foi en ce lieu.
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Outre la tradition orale et les témoignages écrits, les innombrables ex-voto qui ornent la chapelle de la Vierge Noire à Rocamadour offrent un témoignage tangible des grâces reçues en ce lieu. Chacune de ces plaques est l’expression d’une reconnaissance profonde, gravée dans la pierre par un fidèle convaincu d’avoir été exaucé par Notre Dame. L’on peut ainsi découvrir, par exemple, le témoignage d’un langoustier de Camaret, rescapé d’un grave accident en 2001, venu déposer son ex-voto en signe de gratitude.
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Ce sont d’ailleurs, en grande partie, les dons de ces fidèles qui ont permis la construction, puis la reconstruction de la cité sacrée de Rocamadour (1479, 1562, 1858, 1911, 1986, 2007…).
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La cloche suspendue à la voûte de la chapelle de la Vierge Noire, à plusieurs mètres de hauteur, ne dispose d’aucun moyen pour être actionnée manuellement, puisqu’aucun sommier ou cordage ne permet d’y accéder. Pourtant, elle a sonné à plusieurs reprises, de son propre chef. À chaque fois, simultanément, un marin en péril était sauvé en mer après avoir imploré la Vierge de Rocamadour. L’heure du sauvetage correspond toujours exactement à celle où la cloche se met à retentir à des centaines de kilomètres de là.
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Les grâces et miracles obtenus par l’intercession de Notre-Dame de Rocamadour continuent de se manifester jusqu’à nos jours, au point que le sanctuaire envisage en 2020 de réaliser une nouvelle compilation, à l’image du célèbre Livre des miracles de 1172. Face au foisonnement de témoignages, l’Église catholique n’a pu que reconnaître la réalité et la richesse des grâces que Rocamadour dispense encore aujourd’hui aux pèlerins et aux visiteurs.
En savoir plus
Nous sommes en 1105. Dans une bulle pontificale, le pape Pascal II fait mention, pour la première fois, d’un pèlerinage « à la bienheureuse Vierge Notre-Dame de Rocamadour ». Pourtant, bien avant cette reconnaissance ecclésiale officielle, l’existence de ce pèlerinage est attestée : au IXe siècle, un petit oratoire dédié à la Vierge existait déjà dans une grotte perchée sur la falaise, au-dessus de la vallée de l’Alzou. La tradition orale raconte qu’un saint ermite, Amadour, venu s’installer dans le Quercy pour s’y recueillir, aurait creusé au creux du rocher l’oratoire originel, en l’honneur de la Vierge, avant de finir ses jours dans une grotte près du roc. L’oratoire, bâti sur le « rocher d’Amadour », devint le Roc-Amadour.
Progressivement, des pèlerins affluent en cet endroit, qui acquiert la réputation d’être un lieu de grâces, au point que Rocamadour deviendra l’un des quatre lieux saints de la chrétienté, avec Rome, Saint-Jacques-de-Compostelle et Jérusalem. Au XIIe puis au XIIIe siècle, petites gens comme grands Seigneurs viennent de toute la France, puis de toute l’Europe, faire pénitence devant la petite statue de la Vierge Noire de Rocamadour, afin de se mettre sous la protection de Notre Dame.
Les grâces obtenues par l’intercession de Notre Dame de Rocamadour sont consignées et constituent un livre. Les prodiges rapportés viennent des témoignages de témoins des faits : « Bras desséché guéri par la Vierge » ; « Un noble qui échappe au précipice » ; « Un chevalier que son ennemi ne put blesser » ; « Femme guérie d’un polype nasal »... Plusieurs infirmes repartent sans leurs béquilles, les guérisons de maladies physiques pleuvent, de nombreuses femmes stériles enfantent, des marins sont sauvés en mer, des voleurs se convertissent, des démons sont expulsés, et des prisonniers libérés de leurs fers… Notre Dame de Rocamadour semble ne rien refuser à ceux qui ont recours à elle. « Il rendit grâce à Notre Dame, sa libératrice, qui sauve ceux qui mettent en elle leur espérance, par la puissance de son Fils le Sauveur du monde… » (35e récit du Livre des miracles).
Voici le récit détaillé de l’un des miracles rapportés par le Livre des miracles (miracle II, 19) : « Une femme, dont je n’ai pas le nom, originaire de Bourgogne, se trouvait à l’hôpital de Saint-Jean-Baptiste à Jérusalem. Elle était enceinte. En faisant ses couches, elle perdit l’usage de la vue. Après ses relevailles, son mari la conduisit par les rues de la ville, la cité du souverain Roi, jusqu’à la très glorieuse église où celui qui fut notre salut fut pendu au bois de la Croix... Ils prièrent tous les deux en cet endroit, si propre à la prière où le Seigneur est mort, où il a été enseveli. Mais ils ne furent pas exaucés. Déçus dans leur espérance, ils tournèrent leur pensée vers la Bienheureuse entre les Bienheureux, vers Notre Dame de Rocamadour, et ils promirent de se rendre à son sanctuaire avec l’escarcelle et le bâton. Aussitôt les yeux de la femme s’ouvrirent. On devine s’ils louèrent et glorifièrent l’Étoile de la mer qui de l’éclat de son humilité irradie nos âmes aveuglées et rend la force à nos pauvres membres affaiblis » (extraits de la thèse de Jean Rocacher, « Rocamadour et son pèlerinage »).
Pour faire face à l’affluence croissante des pèlerins, Géraud d’Escorailles, abbé de Saint-Martin-de-Tulle, entreprend en 1152 la construction d’un sanctuaire à flanc de falaise, composé de sept chapelles, au cœur d’une véritable cité médiévale. Régulièrement dévasté, le sanctuaire se relève sans cesse de ses ruines, grâce à la piété et au dévouement des fidèles, dont les dons permettent de construire puis reconstruire édifices sacrés, remparts et citadelle de Rocamadour.
Suspendu à la voûte se trouve le plus vieil objet du sanctuaire : une cloche, datant du IXe siècle, dont l’origine demeure inconnue, une cloche sonnant de son propre chef, sans l’aide de personne, chaque fois qu’un marin en péril est sauvé en mer après avoir imploré la Vierge Marie. Des plaques énumèrent les principales dates auxquelles la cloche a sonné alors que des marins en péril étaient sauvés miraculeusement. En effet, la Vierge, dont le nom « Marie » signifie en hébreu « Étoile de la mer » (Stella Maris), a toujours été perçue par les marins comme étant leur protectrice. L’étrange phénomène se produisit jusqu’au 31 décembre 1612, date à laquelle la cloche sonna d’elle-même, pour la dernière fois à ce jour, lorsqu’un marin breton, Jacques Jas, et son équipage furent sauvés d’une violente tempête par l’intercession de Notre Dame.
Cependant, le 29 septembre 2008, lorsque le curé de Rocamadour décide de faire sonner lui-même la cloche, quelque chose d’étonnant se produit. Quelques semaines plus tard, le 1er novembre 2008, un couple de deux jeunes non croyants arrivent à Rocamadour. Ils témoignent qu’alors qu’ils étaient pris dans une violente tempête au large du Maroc, ils furent sauvés, après avoir eu l’intuition de faire une prière à Notre Dame de Rocamadour. Or, le moment de leur sauvetage correspond à l’instant précis où le prêtre de Rocamadour eut l’intuition de faire sonner la cloche.
En effet, les récits de miracles sont loin de s’arrêter au Moyen Âge. Aujourd’hui encore, de nombreux témoignages attestant de miracles et de grâces reçus par l’intercession de la Vierge Noire continuent d’affluer. En voici quelques-uns.
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En 1956, une Anglaise atteinte de sclérose en plaques revient de Lourdes, où elle n’a pas été guérie. « Puisque c’est ça, je m’arrête à Rocamadour ! » Christian, servant d’autel à la basilique, voit cette dame arriver dans un fauteuil roulant, les jambes recouvertes de bandelettes. Elle assiste à la messe dans la chapelle miraculeuse, pendant que Christian, lui, sert la messe dans la basilique. À la communion, la dame se lève de son fauteuil, guérie en quelques instants. Christian témoigne l’avoir vue repartir en poussant elle-même son fauteuil.
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Le 28 août 2016, lors de manœuvres effectuées dans la rade de Brest, un marin, Hubert, est violemment heurté à la tête et s’écroule, saignant abondamment. Son équipage connaît la protection que Notre Dame de Rocamadour accorde aux marins. Marie, membre de l’équipage et bénévole au sanctuaire Notre-Dame de Rocamadour, soigne la blessure ensanglantée, tout en priant. Les sauveteurs arrivent, en quinze minutes seulement. Le nom de leur bateau ? « Notre-Dame de Rocamadour ». Souffrant d’abord d’un traumatisme crânien, Hubert n’en garde aujourd’hui aucune séquelle et a repris la voile.
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Échappant à la vigilance de ses parents, un enfant est retrouvé complètement inerte, noyé dans une piscine. Le papa se jette à genoux et prie Notre Dame de tout son cœur. « Trois jours après, l’enfant est sorti indemne de l’hôpital », raconte le sanctuaire. « Les médecins étaient stupéfaits et n’ont pas pu expliquer pourquoi l’enfant n’a eu aucune séquelle étant donné ce qui lui est arrivé. »
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Une dame, venue se recueillir à trois reprises devant Notre Dame de Rocamadour pour lui demander d’exaucer son désir d’enfant, est revenue quelque temps plus tard afin d’écrire dans le livre d’or au fond de la chapelle un mot de remerciement car elle venait d’avoir des triplés.
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Un bâtiment de la Marine nationale est en panne machine au milieu de l’océan Indien : depuis plusieurs jours, l’équipage essaie de réparer, mais les courants entraînent dangereusement le bâtiment, au point que le commandant appelle le chapelain du sanctuaire de Rocamadour pour demander ses prières. Quelques heures plus tard, les marins rappellent le sanctuaire pour indiquer que toutes les machines sont reparties… sans explication aucune.
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Une femme réchappe en janvier 2000 à un crash aérien au Costa Rica avec son mari et l’enfant qu’elle portait en elle.
Thomas Belleil, auteur de livres de spiritualité, diplômé en sciences religieuses à l’École Pratique des Hautes Études et en théologie au Collège des Bernardins.
Au delà
Au XXe siècle, un chef-d’œuvre musical, appelé les Litanies à la Vierge noire, est composé par le grand compositeur et pianiste français Francis Poulenc, en l’honneur de Notre Dame de Rocamadour. Après s’être s’éloigné de l’Église, Francis Poulenc renoue avec la spiritualité en 1936. Le compositeur se rend à Rocamadour, où il est impressionné par l’atmosphère du lieu de pèlerinage. Touché par la grâce, converti sur le champ à la foi catholique, Poulenc commence le soir même de sa venue à Rocamadour la composition des Litanies à la Vierge noire. Une invitation à découvrir le chef-d’œuvre musical de Poulenc, mais, surtout, à marcher sur ses traces en nous rendant, nous aussi, à Rocamadour.
Aller plus loin
Collectif, Les Miracles de Notre Dame de Rocamadour au XIIe siècle, Pérégrinateur, 2007.
En complément
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Philippe Andrès, Notre-Dame de Rocamadour. Du Moyen Âge à nos jours, Domuni Press, 2023.
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J.-Th. Layral et J. de Laumière, Histoire de Notre-Dame De Roc-Amadour, Le livre d’histoire, 2014.
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Le site Internet du sanctuaire présente un dossier historique sur le pèlerinage, le livre des miracles, la cloche, la Vierge noire…