
La Vierge Marie se manifeste en Bretagne
Du 15 août 1652 au début du mois suivant, Jeanne Courtel (1641 – 1703), fille d’une humble famille de paysans du hameau de Querrien (Côtes-d’Armor), situé à une quarantaine de kilomètres au sud de Saint-Brieuc, voit la Vierge une quinzaine de fois, au pré où elle a l’habitude de garder les moutons de son père. Lors de la première apparition, la fillette, sourde et muette de naissance, recouvre instantanément l’usage des sens. Sur indication de la Mère de Dieu, une statuette (une Vierge à l’Enfant) est découverte à proximité d’une source. Informé des faits, l’évêque diocésain, Mgr Denis de La Barde (✝1675) diligente une enquête qui se conclut de façon positive. Le prélat fait ériger une chapelle à l’endroit où a été trouvée la statuette. Un pèlerinage est né.
Les raisons d'y croire
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Parmi les sources de première main figure le journal d’Olivier Audrain, qui consigna ce qu’il avait lui-même observé et ce qu’il avait recueilli comme témoignage à Querrien du 15 août à octobre 1652. Conservé aux archives diocésaines de Saint-Brieuc, ce document est historiquement fiable, car il ne s’agit ni d’une fiction littéraire ni d’une interprétation personnelle des faits, mais d’une description brute et exhaustive des phénomènes.
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Dans les semaines qui ont suivi les apparitions, vingt-quatre guérisons miraculeuses ont été enregistrées par les autorités épiscopales, en lien avec la statue.
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La première de ces guérisons est celle de Jeanne Courtel elle-même, qui, sourde et muette, recouvre l’usage de ses sens le 15 août. Tous les habitants de La Prénessaye en sont témoins. Il est évident que sa condition ne peut avoir été feinte, puisque c’est depuis sa naissance que Jeanne est sourde et muette.
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À partir de sa guérison miraculeuse, Jeanne ne peut plus faire un pas sans être suivie. Or, la statuette est découverte cinq jours plus tard, le 20 août. De plus, pendant ces cinq journées, le pré des Fontenelles où apparaissait Marie est étroitement surveillé. Par conséquent, l’existence d’une machination impliquerait que la statuette ait été enfouie avant le 15 août, par anticipation. Mais ni la fillette ni personne à Querrien ne possède un objet tel que la statue. Elle n’a pas pu l’acheter avec son argent car elle n’en avait pas. Rappelons aussi que la fillette est bel et bien sourde et muette jusqu’au 15 août 1562 : on conçoit mal qu’elle parvienne dans ces conditions à manigancer toute cette opération sans se faire prendre… Enfin, personne dans les environs n’a vu Jeanne accompagnée d’une autre personne pouvant être identifiée comme son complice.
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La provenance de cette statue est tout à fait extraordinaire : en 574, saint Colomban et douze camarades irlandais débarquent sur le littoral breton. L’un d’eux, saint Gal, parvient à Querrien, où il fait jaillir une source et sculpte de ses mains une statuette de la Vierge à l’Enfant, qu’il place dans un modeste oratoire en bois. Au fil des années, ce lieu est abandonné ; la statuette, tombée sur le sol et oubliée, est submergée par la boue près de la source… En 1652, seuls une vingtaine de foyers vivent à proximité de ce point d’eau, dont la famille Courtel.
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Une preuve indubitable de l’authenticité des faits de Querrien tient donc à la découverte de la statuette dans un endroit auquel personne n’aurait pu penser. C’est grâce à l’indication exclusive de l’apparition, transmise dans un message à Jeanne Courtel, qu’elle a été localisée.
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Concernant les apparitions, l’hypothèse selon laquelle Jeanne Courtel souffrirait de troubles psychiques ne repose sur rien. Si la fillette avait souffert d’hallucinations visuelles et auditives, pourquoi celles-ci auraient-elles débuté un 15 août, jour de la fête de l’Assomption, pour finir subitement, sans jamais recommencer au cours de son existence ? De plus, jamais une hallucination morbide n’a produit d’excellents fruits humains et spirituels, comme l’ont fait et continuent de le faire les apparitions de Querrien : guérisons inexplicables, conversions, retour à la pratique sacramentelle, prière, paix, pèlerinage, etc.
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De facture très évangélique, les messages recueillis lors des apparitions sont extrêmement clairs et d’une précision morale et spirituelle indéniable : prière, paix, pardon.
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Mgr de La Barde, évêque de Saint-Brieuc, n’a rien d’un homme crédule, et moins encore d’un illuminé. Docteur en théologie, il porte le titre de chanoine de la cathédrale Notre-Dame de Paris et remplit plusieurs missions diplomatiques pour le compte de Louis XIII et du cardinal de Richelieu. Son enquête relative aux apparitions de Querrien est un modèle de rigueur et de discernement, et elle se conclut positivement. Le 29 septembre 1652, l’évêque de Saint-Brieuc vient bénir en personne la première pierre de la chapelle de Querrien lors d’une célébration qui rassemble déjà 1 500 pèlerins.
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Malgré les aléas de l’histoire, les pèlerinages à Notre-Dame de Querrien n’ont pas cessé depuis le XVIIe siècle. Cette pérennité et les fruits spirituels qui y sont recueillis attestent depuis plus de trois siècles et demi de l’extraordinaire intervention de Marie en ce coin de Bretagne.
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La suite de la vie de Jeanne Courtel témoigne aussi en faveur des faits miraculeux de Querrien. Devenue une mère de famille exemplaire, elle mène une existence effacée, humble, toute dévouée à sa famille et aux pauvres qu’elle rencontre autour d’elle.
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Le 14 août 1950 eut lieu le couronnement de la statue de Notre-Dame de Toute-Aide. C’est là un acte officiel de l’Église qui met en avant l’authenticité surnaturelle des faits.
En savoir plus
Jeanne Courtel, née sourde et muette en 1641 dans une famille costarmoricaine de modestes travailleurs agricoles installée au hameau de Querrien, près du bourg de La Prénessaye, dans le diocèse de Saint-Brieuc, voit la Vierge Marie à une quinzaine de reprises entre le 15 août 1562 et le début du mois de septembre de la même année. Jusqu’alors, la fillette, âgée de onze ans, n’avait jamais vécu de phénomènes insolites. Ses parents, Jean et Jeanne Courtel, mariés vers 1625, sont certes des croyants, mais ignorent tout des expériences visionnaires et n’ont aucune attirance pour le merveilleux.
Lors de la première apparition, le jour de l’Assomption, Jeanne recouvre l’usage de tous ses sens de façon fulgurante. Ce jour-là, vers 18 heures, elle commence à prier le chapelet. Soudain, elle sent « un coup de vent dans son dos ». Elle se retourne et voit une belle dame inconnue d’elle, souriante, vêtue de blanc, avec une sorte d’auréole au-dessus de sa tête ; elle se tient debout sur un nuage, au-dessus du sol.
C’est alors que, pour la première fois de sa vie, Jeanne entend quelqu’un lui parler : « Charmante bergère, donne-moi l’un de tes moutons. — Ces moutons ne sont point à moi. Ils sont à mon père. S’il veut vous en faire présent, j’y consens volontiers. — Retourne voir tes parents et, pour moi, demande-leur un agneau. — Mais qui gardera mon troupeau ? — Moi-même, je garderai tes moutons ! »
De retour dans la maison familiale, Jeanne raconte son aventure à ses parents en pleurs. Lorsqu’elle se mettra à communiquer avec les autres villageois, ce sera une stupeur générale ! La rumeur d’un miracle grandit dans le canton, puis, rapidement, au-delà. La voyante est examinée par des médecins qui ne peuvent que constater le prodige sans l’expliquer.
Le lendemain, 16 août, Jeanne voit la Vierge pour la seconde fois. L’apparition lui dit qu’elle est la « Vierge Marie » et qu’elle désire que l’on construise une chapelle au milieu du village pour l’honorer.
Quelques jours plus tard, elle reçoit un message de l’apparition invitant les gens à creuser le sol à un endroit précis, à proximité d’une source très ancienne : « Pour preuve que le message dont je te charge vient du Ciel, on découvrira à quelques pas de la fontaine de Saint-Gal [...] une image qui fut anciennement honorée. »
Impressionnés par la guérison de Jeanne, les villageois creusent le 20 août 1652 au lieu indiqué, près de la mare dite de Saint-Gal, et découvrent une statuette de la Vierge en bois dont ils ignoraient tous l’existence. C’est une grâce exceptionnelle pour eux, cette découverte prouvant à leurs yeux l’authenticité du récit de Jeanne.
Le recteur de La Prénessaye informe bientôt ses collègues et alerte l’évêque de Saint-Brieuc, Mgr Denis de La Barde, docteur en théologie, diplomate au service de Louis XIII et du cardinal de Richelieu. Lorsqu’il entend le récit de la guérison de la voyante, celui-ci, en affichant une certaine prudence, comprend que quelque chose s’est passé à Querrien. Il ordonne une enquête et, à cet effet, charge deux prêtres de se rendre sur les lieux, de collecter les informations et d’interroger les témoins. Lui-même fera le déplacement à Querrien le 16 septembre et y questionnera Jeanne Courtel.
Après ces auditions, le prélat est convaincu de la vérité des faits et estime que la Vierge est bien apparue à Querrien, sous le vocable de Notre-Dame de Toute-Aide. Peu après, suivant en cela la demande de l’apparition, il fait construire une chapelle pour accueillir les pèlerins devenus très nombreux dans ce nouveau sanctuaire, puis il confie l’accueil des pèlerins à des chapelains. Le chœur de cet édifice est placé exactement à l’endroit où a été découverte la statuette.
Au fil des années, le pèlerinage connaît un bel essor et ne sera jamais remis en question, même pendant les périodes difficiles de l’histoire (Révolution française, guerres mondiales, etc.). Aujourd’hui, plus de 70 000 fidèles viennent à Querrien pour prier et vénérer Marie. On enregistre des affluences records lors des « pardons », si célébrés en Bretagne.
Quant à Jeanne, mariée en 1675 à Damien Saulnier, contremaître aux forges du duc de Rohan, elle met au monde cinq enfants, dont trois meurent en bas âge. Chaque perte d’un enfant est un coup très dur mais, dans la foi, elle garde en elle l’espérance que Jésus va l’accueillir. Elle rend son âme à Dieu le 8 octobre 1703. Elle est inhumée dans la chapelle du sanctuaire de Querrien, le « petit Lourdes breton ».
Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.
Au delà
Le sanctuaire accueille chaque année entre 70 000 et 80 000 pèlerins. Leur nombre est particulièrement important à chaque fête mariale.
Aller plus loin
Pierre de Couëssin, Apparitions de Marie en Bretagne : Notre-Dame de Toute-Aide, Salvator, 2007.
En complément
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René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, Fayard, 2007, p. 786-787.
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Abbé Le Texier, Histoire du pèlerinage de Notre-Dame de Toute-Aide de Querrien en La Prénessaye (Côtes-du-Nord), Saint-Brieuc, Presses Bretonnes, 1927 (cinquième édition en 1980).
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Charles Guimart, Histoire des évêques de Saint-Brieuc, L. Prud’homme, 1852.
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Le site Internet du sanctuaire .