
Marie Immaculée, victorieuse de « Fat Man »
Au moment où la première bombe atomique, surnommée « Fat Man », explose sur Nagasaki, le 9 août 1945, les franciscains de l’Immaculée se trouvent dans leur couvent appelé Mugenzai no Sono (« le Jardin de l’Immaculée »), fondé par saint Maximilien-Marie Kolbe en 1931. Ce couvent, situé sur les pentes du mont Hikosan, à l’écart du centre-ville et protégé par la montagne, est épargné par l’explosion. Alors que la ville de Nagasaki et sa communauté catholique sont dévastées, le couvent franciscain et les frères qui l’occupent sont épargnés, avec pour seuls dégâts quelques vitres brisées. C’est le choix éclairé du saint concernant l’emplacement du monastère qui permit de préserver la vie des religieux. Nombreux sont ceux qui attribuent cela à la protection divine, et en particulier à celle de la Sainte Vierge, à qui le couvent est dédié.
Les raisons d'y croire
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En 1931, Maximilien Kolbe choisit délibérément un emplacement isolé derrière une montagne pour sa « Cité de l’Immaculée », allant contre les conseils locaux qui préconisent un site plus proche de la ville. « Il avait eu une vision selon laquelle Urakami [quartier du nord de la ville de Nagasaki, où la bombe atomique a explosé] serait bientôt détruite par une grande boule de feu. »
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Le choix de Kolbe pour la localisation du couvent est le fruit d’une providence divine anticipée. L’emplacement du couvent sauve les franciscains du souffle de l’explosion de la bombe et des fortes doses de radiations, la montagne ayant servi de bouclier naturel face à l’explosion. De plus, le relatif éloignement du couvent ne le rend pas inaccessible : il n’a pas empêché les religieux de rejoindre rapidement l’épicentre de l’explosion pour apporter leur aide.
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Les récits et témoignages soulignent que, après la guerre, les frères franciscains ont mené des vies relativement longues et saines, sans développer les maladies typiques des hibakusha (survivants des bombes atomiques). Cette absence significative de symptômes graves liés à l’irradiation n’est pas explicable scientifiquement, comme l’indique la Radiation Effects Research Foundation (RERF).
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Les franciscains attribuent ces grâces à la Vierge Marie Immaculée qu’ils priaient lors de l’explosion. En effet, la « Cité de l’Immaculée » est entièrement consacrée à la Vierge Marie : l’activité principale des religieux est de publier et de diffuser le plus largement possible la revue mariale Le Chevalier de l’Immaculée, poursuivant ainsi la mission d’évangélisation et de promotion de la dévotion mariale initiée par leur fondateur.
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La survie de ce lieu de prière offre un puissant symbole d’espérance et montre que Dieu peut faire surgir le bien en toute chose. Au milieu de la dévastation, ce lieu devient un refuge spirituel et matériel pour les survivants et les orphelins, et les frères qui ont été épargnés peuvent être présents et disponibles pour venir en aide à tous, ce qui aurait été impossible si le site avait été touché.
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Plusieurs faits montrent encore combien la Sainte Vierge protège ceux qui aiment son Fils Jésus : alors que le docteur Nagai est mourant et dans le coma, après avoir été gravement blessé lors de l’explosion, une voix l’incite à prier le père Kolbe pour sa guérison. Personne au Japon ne sait que ce dernier est déjà mort, et encore moins martyr, mais Takashi Nagai s’exécute. Peu après, il sort du coma, et la blessure qui mettait sa vie en danger est inexplicablement guérie. Ses collègues médecins disent que c’est un miracle. Toute sa vie, ce médecin converti n’aura de cesse de témoigner, par sa foi exemplaire, de ne pas avoir peur de tourner les yeux vers le Ciel – en somme, de croire en Dieu.
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Urakami, le quartier où la bombe explose, est le quartier chrétien. La communauté chrétienne de Nagasaki a su véhiculer, au cœur de cette catastrophe nucléaire et malgré la douleur, un message de paix et d’espérance.
En savoir plus
L’ampleur de l’explosion et de ses dégâts doit être rappelée afin de réaliser de quelle protection divine les franciscains ont bénéficié :
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La bombe au plutonium 239 explose avec une force équivalente à celle de 22 000 tonnes d’explosifs conventionnels.
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Lors de l’explosion, la boule de feu atteint un million de degrés et sa brillance dure environ dix secondes. Ce sont les infrarouges émis lors des trois premières secondes qui causent les brûlures que l’on observe sur les parties non couvertes du corps, et ce jusqu’à quatre kilomètres du point d’impact. Ces brûlures sont mortelles chez les personnes qui ne sont pas à l’abri, et l’on estime à 20 ou 30 % le nombre de morts causées par ces brûlures.
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L’effet de souffle de la bombe donne naissance à une onde de choc – un mur d’air à haute pression se propageant à la vitesse du son, voire davantage. Les morts et les blessures graves causées par l’onde de choc proviennent principalement d’objets volants et de l’effondrement de bâtiments. Dans un rayon de 1,3 kilomètre autour de l’épicentre, 20 % des décès sont attribués à l’effet de souffle. La chaleur et les incendies aggravent la situation et de nombreuses personnes sont brûlées vives sous des bâtiments effondrés.
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En plus des dommages précédents, la bombe atomique apporte le fléau, inconnu pour des bombes conventionnelles, de l’exposition aux radiations. Les radiations tuent un grand nombre de personnes ayant subi une exposition totale dépassant les 4 sieverts, si elles ne sont pas calcinées auparavant du fait de la chaleur, de l’onde de choc et des incendies. Les survivants, eux, continuent de souffrir mentalement et physiquement de l’effet combiné des radiations et des autres blessures.
Le Jardin de l’Immaculée, bien que protégé par une colline et se trouvant à moins de cinq kilomètres de l’épicentre de l’explosion, bénéficie d’une protection surnaturelle évidente par la Vierge Marie.
Nagasaki est le centre du catholicisme au Japon. Sa cathédrale d’Urakami, dédiée à l’Immaculée Conception, est construite en 1895 par les descendants des « chrétiens cachés », après la fin de leur longue persécution. À la fin des années 1860, les chrétiens cachés redécouverts sont de nouveau arrêtés, emprisonnés et torturés, les autorités cherchant à les convertir de force à la religion Shinto dominante. L’histoire chrétienne de Nagasaki s’écrit dans le sang des martyrs. Et cela continue plus tard : un lien fort existe entre la vie du père franciscain Maximilien Kolbe et le Japon chrétien. Dans le livre Sachiko, d’Endo, il est relaté que le père Kolbe rêve de Nagasaki alors qu’il travaille dans le camp de concentration : « Quand il fermait les yeux, il pouvait voir des scènes de Nagasaki projetées sur ses paupières. » Le 14 août 1941, dans le terrible camp de la mort d’Auschwitz, après avoir donné sa vie pour sauver celle d’un autre, Kolbe reçoit une injection d’acide carbonique parce qu’il ne succombe pas assez rapidement à la déshydratation. Mais nous découvrons par l’événement dramatique de la bombe A que, du haut du Ciel, son martyre porte très vite du fruit avec la préservation miraculeuse du couvent.
La vie du docteur Takashi Paul Nagai est aussi mêlée à celle des franciscains et est en elle-même une preuve tangible de la main de Dieu dans l’histoire de Nagasaki. Cet homme se convertit au catholicisme en 1934 en rencontrant sa future femme, Midori, une descendante des chrétiens persécutés au Japon. Sa carrière comme médecin est guidée : il se spécialise en radiologie de façon providentielle et, plus tard, ses connaissances lui permettront de soigner les victimes de la bombe atomique. Takashi Paul Nagai devient très vite un pilier pour la communauté chrétienne de la ville par son exemple et ses exhortations à donner un sens profond et divin à ce qu’ils vivent, malgré l’effroyable souffrance. Il perd lui-même sa femme dans l’explosion et laisse plus tard ses deux enfants orphelins à cause d’une leucémie contractée lors de ses travaux sur les rayons X et aggravée par les effets de la bombe.
Le 23 novembre 1945, on lui demande de parler aux catholiques démoralisés, boiteux et défigurés par les brûlures qui s’étaient rassemblés à côté des décombres de la cathédrale à l’occasion d’une messe de requiem pour leurs morts. Le sens qu’il donne alors à leur souffrance dépasse l’entendement humain mais révèle une foi profonde : « Au matin du 9 août, une session du Conseil de guerre suprême était en cours au quartier général impérial à Tokyo pour décider si le Japon capitulait ou continuait à faire la guerre. À ce moment-là, le monde se trouvait devant un dilemme. Une décision devait être prise : la paix ou la poursuite d’un carnage cruel et sanglant. Au même moment, à 11 h 02, une bombe atomique explosait au-dessus de notre faubourg. En un instant, 8 000 chrétiens furent appelés à Dieu et, en quelques heures, les flammes réduisirent en cendres ce vénérable sanctuaire de l’Orient. À minuit, ce soir-là, notre cathédrale prit soudain feu et fut consumée. À cet instant même, au palais impérial, Sa Majesté l’Empereur fit connaître sa décision sacrée d’en finir avec la guerre. Le 15 août, l’édit impérial qui mettait fin aux combats fut officiellement promulgué et le monde entier aperçut la lumière de la paix.
Le 15 août est aussi la grande fête de l’assomption de Marie. Ce n’est pas un hasard, je pense, que la cathédrale d’Urakami lui ait été consacrée. Nous devons tous nous demander : cette convergence d’événements – la fin de la guerre et la célébration de cette fête – était-elle une simple coïncidence ou n’était-elle pas due à la providence mystérieuse de Dieu ? J’ai entendu dire que la bombe atomique était destinée à une autre ville. Des nuages épais rendirent cette cible impossible et l’équipage de l’avion américain se dirigea vers sa cible secondaire, Nagasaki. Puis il y eut un problème mécanique et la bombe fut lancée bien plus au nord qu’il n’avait été prévu, explosant ainsi juste au-dessus de la cathédrale… Je pense que ce n’est pas l’équipage américain qui choisit notre faubourg. C’est la providence de Dieu qui choisit Urakami et amena la bombe au-dessus de nos maisons. N’y a-t-il pas un rapport profond entre l’anéantissement de Nagasaki et la fin de la guerre ? Nagasaki n’était-elle pas la victime choisie, l’agneau sans tache, holocauste offert sur l’autel du sacrifice, tué pour les péchés de toutes les nations pendant la Seconde Guerre mondiale ? [...] Enfin le conflit terrible et mauvais s’est achevé, mais un simple repentir ne suffisait pas à ramener la paix ; il fallait que nous offrions un sacrifice prodigieux… Des villes entières avaient été rasées… mais cela ne suffisait pas…
Seul cet hansai à Nagasaki pouvait suffire et, à ce moment-là, Dieu inspira à l’empereur de signer la proclamation sacrée qui mit fin à la guerre. Le petit troupeau des chrétiens de Nagasaki fut fidèle à sa foi pendant trois cents ans de persécution. Pendant cette dernière guerre, il a prié sans cesse pour une paix durable. C’était là l’agneau tout pur qui devait être sacrifié en hansai, holocauste, sur l’autel… pour que des millions de vies fussent sauvées […]. Comme il était beau, quelle splendeur que cet holocauste, à minuit, le 9 août, quand les flammes ont jailli de la cathédrale, rejetant l’obscurité pour apporter la lumière de la paix. Du fond de notre douleur, nous apercevions quelque chose de beau, de pur et de sublime ! […] Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés. Nous devons avancer sur le chemin de l’expiation…ridiculisés, fouettés, punis pour nos crimes, mouillés de sueur et sanglants. Mais nous pouvons tourner les yeux vers Jésus qui porte sa Croix vers la colline du Calvaire… Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Béni soit le nom du Seigneur. Soyons reconnaissants que Nagasaki ait été choisi pour cet holocauste ! Soyons reconnaissants car, à travers ce sacrifice, la paix a été donnée au monde ainsi que la liberté religieuse au Japon… »
Ce témoignage poignant, qui permet de voir la providence de Dieu au travail, même dans les horreurs du 9 août, a un effet profond sur l’auditoire de Nagai, mais, bien plus largement aussi, sur les non-chrétiens à Nagasaki et dans tout le Japon. Ces mots, pour difficiles qu’ils soient à entendre, apportent une paix intérieure et une dimension toute nouvelle aux Japonais. Les sociologues et historiens remarquent d’ailleurs une différence notable entre l’état d’esprit qui règne à Hiroshima et celui de Nagasaki : « Hiroshima proteste, Nagasaki prie », dit le dicton.
Élisabeth de Sansal, diplômée de bioéthique à l’université pontificale Regina Apostolorum.
Au delà
Le monastère de Mugenzai no Sono est devenu un site de pèlerinage en hommage aux victimes de la bombe. Beaucoup de personnes croyantes et non croyantes viennent encore visiter la « Cité de l’Immaculée », fascinées par l’histoire du monastère, sa profondeur spirituelle, sa survie unique ainsi que par la vie du docteur Nagai.
Aller plus loin
Paul Glynn, Requiem pour Nagasaki, Nouvelle Cité, 1995, pour approfondir la vie du docteur Nagai et les effets de la bombe.
En complément
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L’article de EWTN : « La maison de la mission de Nagasaki construite par saint Maximilien Kolbe qui a survécu à la bombe atomique ».
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L’article de First Things : « Maximilian Kolbe: Saint of Nagasaki ».
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L’article et la vidéo de Peter Kersting : « The Atomic Bombing Of Nagasaki: The Day The World Must Never Forget ».
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Paul Nagai Les Cloches de Nagasaki, Casterman, 1954. Un extrait du journal est disponible en ligne .
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Maria Winowska, Le Fou de Notre-Dame. Le père Maximilien Kolbe, éditions Bonne Presse, 1950/1951.
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Le film de Keisuke Kinoshita sur la vie du docteur Nagai : Les Enfants de Nagasaki, 1983.
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L'article de l'Encyclopédie Mariale : « Nagazaki : le jardin de l'Immaculée, le père Kolbe ».