
Les jésuites miraculés de Hiroshima
Lors de l’explosion de la bombe atomique lâchée sur Hiroshima le 6 août 1945, la structure du couvent jésuite du centre-ville – une maison typiquement japonaise, en bois – est épargnée. Le couvent est pourtant situé à un kilomètre du centre de l’explosion. Les quatre religieux qui y habitent sont pour deux d’entre eux blessés par les éclats de verre des fenêtres soufflées, mais ils n’éprouvent aucun autre mal grave, ni sur le coup ni par la suite : ils demeureront tous les quatre indemnes de toute contamination radioactive, jusqu’à leur mort naturelle survenue bien des années après. Il en est de même des quatre autres jésuites du noviciat. Or, tous étaient dévots à la Sainte Vierge, et la priaient chaque jour particulièrement par la récitation du rosaire.
Les raisons d'y croire
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En effet, le 6 août 1945, en une seconde, une fière cité peuplée avant la guerre de près d’un demi-million d’habitants – septième plus grande ville de l’Empire – est rayée de la carte du Japon. Il n’en reste plus rien qu’un « désert atomique », si bien que le nom même de la ville devient synonyme de destruction complète. Sur les 255 000 habitants résidant à Hiroshima au moment de l’attaque – selon une estimation du corps du génie de l’armée américaine, datée de 1946 –, la même source fait état de 66 000 morts et 69 000 blessés graves, soit un total de 135 000 victimes (plus de la moitié de la population).
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Le récit d’un témoin oculaire, le père John A. Siemes, professeur de philosophie moderne à l’université catholique de Tokyo, qui résidait alors au couvent du noviciat de Nagatsuke, à la périphérie de Hiroshima, fournit des chiffres plus importants : « Combien de personnes furent sacrifiées à cette bombe ? Ceux qui avaient vécu la catastrophe estimaient le nombre de morts à au moins 100 000. Hiroshima comptait 400 000 habitants. Les statistiques officielles font état de 70 000 morts au 1er septembre, sans compter les disparus… et de 130 000 blessés, dont 43 500 grièvement. Nos estimations, basées sur des groupes que nous connaissons, montrent que le chiffre de 100 000 morts n’est pas excessif. »
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Des incendies, produits par la chaleur dégagée par l’explosion, de plusieurs milliers de degrés, naissent puis s’étendent dans la ville. Ils détruisent complètement une surface de 11 kilomètres carrés, sur laquelle vit les trois quarts de la population. Hormis certains bâtiments en béton armé, un dense ensemble de petits ateliers en bois nichés au milieu de maisons japonaises, tous fort inflammables, constitue l’essentiel des constructions du centre-ville de la cité. La première explosion est suivie par le bruit des bâtiments qui s’effondrent et des incendies qui les ravagent. Un grand nuage de poussière et de fumée jette peu à peu un voile d’obscurité sur la ville. Qu’est devenue la ville ? « Un désert de ruines calcinées et balayées, avec seulement quelques solides charpentes [en béton fortement armé] encore debout, offrait un spectacle terrifiant » (The Atomic Bombings of Hiroshima and Nagasaki, The Manhattan Engineer District, 29 juin 1946).
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Or, l’habitation des jésuites de la Mission centrale de Hiroshima (le couvent du centre-ville) est une maison typiquement japonaise : ces maisons sont construites en bois, ou sont composées d’une ossature de bois dont les vides sont garnis de plâtre. La couverture est en tuiles. Y logeaient le père supérieur Hugo Lassalle, le père Schiffer et les pères Cieslik et Kleinsorge. Dans son récit des événements, le père John A. Siemes, professeur de philosophie moderne à l’université catholique de Tokyo, qui résidait alors au couvent du noviciat de Nagatsuke, attribue la résistance de la maison aux mérites du constructeur, le frère Gropper. Mais c’est inexact : les spécificités et les effets dévastateurs de la bombe A sont encore inconnus de ceux qu’elle a frappés. La maison aurait dû être soufflée comme le furent les autres bâtiments de la Mission centrale : l’église et l’école.
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La maison aurait aussi probablement dû prendre feu instantanément (comme l’église et l’école, ce qui ne fut pas le cas). En effet, le rapport du Génie militaire américain de 1946 précise : « La combustion instantanée de la surface des objets, en particulier des objets en bois, s’est produite à Hiroshima jusqu’à un rayon de 2 900 mètres autour de X [l’hypocentre]. » Or, la Mission centrale se trouve qu'à un kilomètre de l’hypocentre.
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Les quatre pères de la Mission centrale auraient dû être brûlés par l’éclair de l’explosion, c’est-à-dire par le rayonnement instantané de chaleur produit par l’explosion. Ce phénomène est propre à l’explosion atomique et ne s’observe pas dans le cas d’explosifs conventionnels. En effet, le même rapport indique : « En général, l’incidence des brûlures était directement proportionnelle à la distance de X… La distance maximale par rapport à X à laquelle les brûlures par éclair ont été observées est d’un intérêt primordial. On estime que les patients brûlés à Hiroshima se trouvaient tous à moins de 2 300 mètres du centre de l’explosion au moment du bombardement. »
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Les parois de bois n’ont pas pu les protéger adéquatement du rayonnement atomique. Le rapport du Génie indique encore : « On peut toutefois affirmer qu’à une distance raisonnable, disons environ 800 mètres du centre de l’explosion, la protection des personnes contre les radiations peut être assurée par une couche de béton ou d’un autre matériau dont l’épaisseur n’empêche pas une construction raisonnable. »
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De plus, le récit du père Siemes rapporte qu’après l’explosion, les pères du couvent du noviciat de Nagatsuke, situé à deux kilomètres du centre-ville, se rendent au secours de leurs confrères de la Mission centrale. Comment les quatre religieux de la Mission centrale, exposés gravement aux rayons pendant l’explosion, et les pères Siemes, Stolte, Erlinghagen et Kopp, du noviciat, exposés plusieurs heures après l’explosion, ont-ils échappé aux effets radioactifs à court terme comme à long terme (cancers, leucémies, etc.) ? Cette préservation est scientifiquement inexplicable.
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Car les pères ne souffrent pas des effets des radiations tels qu’ils seront connus par la suite : perte de cheveux, manifestations hémorragiques externes et des organes internes, lésions de la bouche et de la gorge, vomissements, diarrhée et fièvre, émaciation rapide puis mort. C’est pourquoi le père Siemes considère, à tort, d’après sa propre expérience et celle de ses confrères, qu’affirmer que les radiations ont un effet sur le sang est erroné : « On a fait savoir que les ruines de la ville émettaient des rayons mortels, que les ouvriers venus aider au déblaiement étaient morts et que le centre-ville serait inhabitable pendant un certain temps. J’ai des doutes quant à la véracité de ces propos, et moi-même, ainsi que d’autres personnes qui ont travaillé dans la zone en ruine pendant quelques heures peu après l’explosion, n’avons pas subi de tels effets néfastes. » Cette phrase prouve surtout que les rayons n’ont pas eu sur eux les effets attendus.
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Le père Schiffer mourra à Francfort, en Allemagne, le 27 mars 1982. Il sera examiné plus de deux cents fois par des médecins. Ses compagnons décéderont aussi de leur mort naturelle, sans aucun lien avec les radiations atomiques, bien des années après la guerre.
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Rétrospectivement, les Jésuites comprennent avoir reçu une sorte de « bouclier de protection » de la Sainte Vierge contre les rayonnements et leurs effets sur le court et long terme. Notre Dame n’avait-elle pas promis à saint Dominique, puis au bienheureux Alain de la Roche : « Celui qui se confie en moi par le rosaire ne périra pas » ? Ne leur avait-elle pas assuré : « Ceux qui propageront mon Rosaire seront secourus par moi dans toutes leurs nécessités » ? « La prière est plus puissante que la bombe atomique », écrira en 1953 le père Schiffer.
En savoir plus
La bombe porte l’équivalent d’environ 15 000 tonnes d’explosifs (15 kT de TNT) – selon les données radio transmises par des instruments parachutés depuis un avion volant en formation avec celui qui a largué la bombe –, soit quatre fois le tonnage qui a détruit la ville allemande de Dresde du 13 au 15 février précédent. Elle explose en altitude, à environ 600 mètres du sol : son effet est donc essentiellement porté vers le bas. Cet effet est voulu car la ville est essentiellement plate.
Le souffle de l’explosion est tel qu’au point d’explosion de la bombe (appelé hypocentre en français et ground zero en anglais, point à partir duquel se mesure le rayonnement radioactif libéré par l’explosion),tout est complètement détruit sur un mile alentour (1,6 kilomètre) : aucune construction ne demeure debout, hormis la structure de la cinquantaine de bâtiments en béton fortement armé du centre-ville, construits pour résister aux secousses telluriques. Il est donc impossible que quoi que ce soit survive : « Les quartiers centraux des villes touchées par les explosions furent presque entièrement détruits. Seules subsistèrent les charpentes de quelques bâtiments en béton armé, résistants à l’explosion. La plupart de ces bâtiments subirent d’importants dégâts dus à des incendies intérieurs : fenêtres, portes et cloisons furent arrachées, et tous les éléments extérieurs à la charpente furent brûlés ou emportés par le vent. Près de cent pour cent des victimes furent recensées dans les bâtiments situés près du centre de l’explosion. À Hiroshima, des incendies se déclenchèrent simultanément dans toute la vaste zone plate du centre-ville. Ces incendies se conjuguèrent rapidement pour former une immense "tempête de feu" (vents violents soufflant vers l’intérieur, en direction du centre d’un vaste incendie), semblable à celles provoquées par des raids incendiaires massifs. Le terrible incendie qui en résulta consuma presque tout ce qui n’avait pas déjà été détruit par l’explosion dans une zone circulaire de 11 kilomètres carrés autour du point situé directement sous l’explosion… Dans les deux villes, l’explosion a totalement détruit tout dans un rayon de 1,6 kilomètre autour du centre, à l’exception de certaines structures en béton armé, comme indiqué précédemment. L’explosion atomique a presque entièrement détruit l’identité urbaine de Hiroshima. Plus d’un quart de la population a été tué d’un seul coup et un quart supplémentaire grièvement blessé » (The Atomic Bombings of Hiroshima and Nagasaki, The Manhattan Engineer District, 29 juin 1946). Plus de 60 000 des 90 000 bâtiments ont été détruits ou gravement endommagés par la bombe. Les usines, construites en partie en briques, se trouvent aux périphéries de la ville et n’ont que peu été affectées par le souffle de l’explosion.
Ce rapport confirme le récit oculaire du père Siemes, qui s’exprime en termes semblables.
Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.
Au delà
La protection divine accordée aux religieux n’est pas la seule leçon à retenir de l’événement. C’est au milieu des ruines que les huit jésuites se dévouent pour extraire les blessés des amas de matériaux avant que le feu ne les atteigne, et les emmener à l’abri.
Le père Rektor, qui était médecin avant d’entrer dans les ordres, soulage tous ceux qu’il rencontre : « Nous avons pris en charge, rapporte le père Siemes, cinquante réfugiés qui avaient tout perdu. La plupart étaient blessés et beaucoup souffraient de graves brûlures. Le père Rektor a soigné les blessures du mieux qu’il a pu avec le peu de médicaments que nous avons pu, non sans peine, rassembler. Il a dû se contenter de nettoyer les plaies purulentes. Même les personnes présentant les brûlures les plus légères sont très faibles et souffrent toutes de diarrhée. Dans les fermes des environs, presque partout, il y a aussi des blessés. Le père Rektor effectuait des tournées quotidiennes et agissait en médecin consciencieux et en bon Samaritain. Notre œuvre a été, aux yeux de la population, un plus grand élan pour le christianisme que tout ce que nous avions accompli au cours des longues années précédentes. Trois des personnes gravement brûlées de notre maison sont mortes dans les jours qui ont suivi. Soudain, leur pouls et leur respiration ont cessé. Le fait que si peu de personnes soient mortes témoigne certainement de la qualité de nos soins. Dans les postes de secours et les hôpitaux officiels, un bon tiers, voire la moitié, des personnes amenées sont mortes. Elles gisaient là, presque sans soins, et un très grand pourcentage a succombé. Tout manquait : médecins, assistants, pansements, médicaments, etc. Dans un poste de secours d’une école d’un village voisin, un groupe de soldats n’a rien fait pendant plusieurs jours, si ce n’est amener et incinérer les morts derrière l’école. »
Là encore, l’attitude des prêtres témoigne du bon sens et de la compassion qui accompagne l’authentique foi chrétienne : nul fatalisme, nulle passivité, nul repli égoïste sur soi, mais une action raisonnée et efficace parce que guidée par l’amour du prochain pour l’amour de Dieu.
Aller plus loin
Hubert F. Schiffer, S.J., The Rosary of Hiroshima, Washington, « Blue Army », 1953. Peut être consulté en ligne . L’auteur raconte l’événement tel qu’il l’a vécu, puis expose toutes les entreprises de charité réalisées au cours des semaines et des années suivantes pour venir en aide à la population et particulièrement aux orphelins.
En complément
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The Atomic Bombings of Hiroshima and Nagasaki, The Manhattan Engineer District, 29 juin 1946. Ce rapport a été rédigé par le Génie militaire américain. Il est disponible en ligne et suivi du récit du père John A. Siemes, professeur de philosophie moderne à l’université catholique de Tokyo, qui se trouvait le matin du drame au couvent du noviciat de la Compagnie de Jésus, à Nagatsuke, situé à deux kilomètres de Hiroshima. Avec les autres prêtres du noviciat, il est allé au secours de ses confrères du couvent du centre-ville et leur a permis de fuir l’incendie qui détruisit Hiroshima.
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Une vidéo résume les faits.
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L'article de l'Encyclopédie Mariale : « Hiroshima, 6 août 1945 : le miracle de Notre-Dame ».