
La statuette de la Vierge des Anges, au Costa Rica
Notre Dame des Anges est vénérée depuis 1635, année où une jeune fille découvrit une statuette mariale en pierre à Cartago (vallée de Guarco, Costa Rica). Malgré plusieurs tentatives pour déplacer l’objet, l’on constata que celui-ci réapparaissait toujours mystérieusement au même endroit. Reconnu par les autorités ecclésiastiques, ce prodige donna naissance à un sanctuaire devenu cœur de la piété nationale costaricaine, où la Vierge est priée avec ferveur sous le vocable « Vierge des Anges ». Ainsi, à partir de la découverte mystérieuse d’une humble statuette par une jeune métisse, s’est formée, dans un recoin d’une vallée, l’une des plus grandes manifestations religieuses d’Amérique centrale.
Les raisons d'y croire
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Au-delà de la légende populaire, des sources documentaires fiables permettent de fonder une étude historique : les archives officielles coloniales comprennent les procès-verbaux et des documents ecclésiastiques administratifs du XVIIIe siècle, qui contiennent des informations détaillées sur la découverte de l’image et les débuts du sanctuaire.
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La statuette découverte par la jeune fille est emportée (à son domicile, puis dans un tiroir fermé à clef), mais elle réapparaît systématiquement à l’endroit où elle a été trouvée, même lorsque le clergé prend la statuette pour la mettre dans l’église paroissiale de Cartago. Ces apparitions répétées sont interprétées comme un signe surnaturel pour conserver la statuette à son emplacement d’origine.
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La Vierge choisit pour médiatrice une jeune fille qui appartient à une communauté marginalisée et vivant dans un quartier populaire (la Puebla de los Pardos). Ce choix rappelle l’Évangile : Dieu élève les humbles, ce qui confère à l’événement une signification théologique profonde. La dévotion que suscite la statue au Costa Rica reflète la capacité du christianisme à manifester l’amour de Dieu dans des cultures diverses.
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La composition de la statue est très particulière : il est géologiquement impossible de trouver ensemble du graphite, du jade et de la roche volcanique, et les techniques nécessaires (fusion, pressage, liants synthétiques) n’existaient pas pour créer artificiellement cette roche.
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Chaque année, le 2 août, près de deux millions de pèlerins accomplissent une « romeria », certains, pour parvenir au sanctuaire de Cartago, parcourant des dizaines de kilomètres à pied, voire à genoux, en signe de foi, de pénitence ou de reconnaissance. La dévotion, ininterrompue depuis 1635, témoigne d’un lien spirituel vivant entre la communauté chrétienne costaricaine et la Vierge Marie.
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De multiples grâces reçues (cas documentés de cancer stabilisé ou de polio inversée, conversions, protection…) sont signalées auprès de la statue et par l’intercession de Notre Dame des Anges, notamment après une démarche de vœu, de pénitence, ou une « romeria ».
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On peut donner l’exemple contemporain de Gabriela Boza Castillon, avocate et femme de vingt-huit ans, à qui l’on découvre en août 2022 qu’une « tumeur géante au poumon » bloque la trachée. Des biopsies sont prélevées, et elle est hospitalisée. Le diagnostic est grave et médicalement confirmé : un sarcome pulmonaire d’une si grande taille est rarement traité avec succès. Il nécessite plusieurs chirurgies et il engage fortement le pronostic vital de la patiente. À la suite d’une opération chirurgicale qui a duré onze heures, Gabriela fait un choc septique et se retrouve en quasi-agonie. Pendant plusieurs jours, des prières ferventes et confiantes sont adressées par sa famille à la Vierge des Anges. Sans traitement oncologique supplémentaire, le diagnostic cancéreux se convertit en tumeur bénigne, ce que les médecins jugent « improbable » voire « inexpliqué ». Gabriela se rétablit au-delà de toutes les attentes, et retourne à une vie quotidienne active seulement quelques semaines plus tard. Elle-même et sa famille attribuent explicitement la guérison à l’intercession de la Vierge, voyant un miracle en rupture directe avec les pronostics médicaux initiaux. Leur témoignage, rendu public via un reportage du site Internet Teletica.com (principale chaîne de télévision au Costa Rica), a renforcé la crédibilité du récit.
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La statue est couronnée deux fois : une fois par le pape Pie XI, en 1826, et une autre fois par Jean-Paul II en 1983. C’est un geste hautement symbolique qui présente une portée à la fois spirituelle, liturgique et ecclésiale. C’est la reconnaissance de l’importance historique, spirituelle et pastorale du culte rendu à cette image spécifique.
En savoir plus
Le 2 août 1635 marque un jalon fondateur dans l’histoire religieuse, sociale et identitaire du Costa Rica. Ce jour-là, une petite statuette représentant une femme tenant un enfant dans ses bras est découverte près d’un ruisseau, au pied d’un rocher. Cet objet, mesurant environ vingt centimètres, est finement sculpté dans une pierre noire d’apparence lisse, probablement un mélange de jade et de matière volcanique.
La tradition orale et l’histoire ecclésiastique mentionnent que la découverte de la statue est faite par une « jeune mulata » ou « parda » de la Puebla de los Pardos, mais l’on n’en sait pas plus. C’est Mgr Victor Manuel Sanabria Martinez, au XIXe siècle, qui choisit d’attribuer arbitrairement le nom de « Juana Pereira » à cette figure, en se fondant sur le fait qu’il existait à l’époque dans la zone concernée de nombreuses femmes portant ce prénom et cet apellido (« nom de famille »). C’est un choix symbolique : Juana Pereira incarne la communauté autochtone marginalisée, métisse et afrodescendante.
Selon les récits transmis par la tradition locale, la statuette est emportée au domicile de la jeune fille, mais, dès le lendemain, celle-ci constate sa disparition. Retournée sur le lieu initial, elle l’y retrouve, intacte. L’épisode se répète à plusieurs reprises : chaque tentative de conserver la statuette à la maison échoue, celle-ci réapparaissant mystérieusement à son emplacement d’origine. La population locale interprète rapidement ces faits comme une manifestation divine. Le message semble clair : la Vierge souhaite demeurer sur le lieu de son apparition.
Alerté, le clergé local fait transférer la statuette dans l’église paroissiale de Cartago, mais, là encore, le phénomène se reproduit. Ces événements sont reconnus comme miraculeux, et la statue est identifiée comme une représentation de la Vierge Marie sous le vocable de Notre Dame des Anges. Une première chapelle est érigée à l’endroit de la découverte, délimitant l’entrée du sanctuaire. Mais les premiers édifices religieux construits sur le site sont souvent détruits par les fréquents tremblements de terre. La basilique actuelle, dont la construction débute en 1912, est édifiée dans un style architectural néo-byzantin mêlant influences romanes, gothiques et locales. Achevée dans les années 1920, elle est aujourd’hui un monument emblématique du Costa Rica. L’intérieur, richement décoré, abrite toujours la statuette originale dans une niche dorée.
Au fil des décennies, la dévotion à la Vierge connaît une expansion remarquable. Des récits de guérisons miraculeuses, de grâces obtenues et de protections attribuées à son intercession sont racontés dans toute la région. Le sanctuaire devient progressivement un centre de pèlerinage pour la nation entière, et pour celles environnantes. Dès le XVIIIe siècle, le pèlerinage annuel du 2 août, appelé romeria, s’institutionnalisa, rassemblant des fidèles de toutes origines et de toutes régions.
Solveig Parent
Au delà
En 1824, la Vierge des Anges est proclamée patronne du Costa Rica. Elle est devenue un symbole d’unité nationale. Dieu est une force agissant dans l’histoire des peuples.
Aller plus loin
Víctor Manuel Sanabria Martinez, prêtre et historien, a publié une enquête sur la découverte de la statue : Documenta historica Beatae Mariae Virginis Angelorum, Reipublicae de Costa Rica principalis patronae, 1945.
En complément
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Dans l’Encyclopédie mariale en ligne de l’Association Marie de Nazareth, l’article : « Catargo : Notre Dame des Anges ».
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Attilio Galli, Madre della Chiesa nei cinque continenti, Ed. Segno, Udine, 1997, p. 925-929.
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Le site Internet officiel du sanctuaire .
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L’article « La fe en la Virgen de los Angeles », tiré de El Jornal Costa Rica (en espagnol).