Je m'abonne
Les saints
Italie
Nº 644
1380 – 1444

Les prodigieux sermons de Bernardin de Sienne (+1444)

Né en 1380, frère franciscain et prédicateur de renom, Bernardin de Sienne propage dans les cités du centre et du nord de l’Italie la dévotion au saint nom de Jésus. Ses prêches emportent l’adhésion de ceux qui l’écoutent, souvent des foules très nombreuses. Il parvient ainsi à ramener sincèrement à Dieu ses contemporains. En 1450, le pape Nicolas V le présente en modèle de sainteté à tous. Il est fêté le 20 mai.


Les raisons d'y croire

  • Quand une épidémie de peste frappe la ville de Sienne, dans les dernières années du XIVe siècle, Bernardin se consacre au service des malades, assumant la charge complète de l’hôpital siennois Santa Maria della Scala. Il n’a alors pas vingt ans et, bien que cet engagement héroïque affecte durablement sa santé, il se montre à la hauteur de la tâche. Cela fait alors plusieurs années que Bernardin est engagé dans la Confraternité de Notre-Dame, rattachée à l’hôpital.

  • Il entre chez les Franciscains, religieux mendiants, et prononce sa profession religieuse en 1403, par laquelle il s’engage à se donner à Dieu tout entier et pour toute sa vie, en suivant les conseils évangéliques de chasteté parfaite, de pauvreté et d’obéissance aux supérieurs légitimes.

  • Bernardin, issu d’une illustre famille siennoise, les Albizeschi, a auparavant distribué son patrimoine à tous ceux qui lui semblaient manquer du nécessaire. Le renoncement de Bernardin – son dépouillement personnel – est au bénéfice du prochain, qu’il comble par charité de ses propres biens.

  • Après son ordination sacerdotale, à vingt-cinq ans, Bernardin commence les prédications apostoliques, par lesquelles il accomplira tant de bien autour de lui et qui le rendront célèbre. Il prêche d’abord près du couvent. Puis, soutenu par ses frères en religion, qui ont perçu son talent et comprennent que ce dernier est appelé à être mis au service de Dieu, Bernardin prêche dans de nombreuses villes italiennes. C’est le début d’un périple apostolique dédié à la prédication populaire – art dans lequel Bernardin excelle par son parler simple, par l’emploi courant des images qui frappent les esprits et par son sens de l’humour.

  • Les premières années du XVe siècle sont celles de la première Renaissance, qui initia une déchéance de la piété et de la morale chrétiennes. La tentation de l’hédonisme a remplacé la méditation des grandes vérités de l’Évangile et les inspirations surnaturelles qui en sont le fruit. Aussi, la parole de Bernardin, qui prêche le plus souvent sur les places de marchés, où son audience atteint parfois les trente mille auditeurs, est-elle un apostolat de purification. Peu à peu, sous son influence, les mœurs turbulentes et luxurieuses des villes italiennes se rangent : ce sont les riformazioni di frate Bernardino. En vingt à trente ans, la société des cités italiennes se trouve heureusement régénérée.

  • Dans chaque ville, Bernardin est d’une telle efficacité que des bûchers de « vanités » accompagnent fréquemment la prédication du religieux : les auditeurs finissent par y jeter miroirs, parfums, perruques, jeux, bijoux, dés, qui étaient devenus des symboles d’une vie frivole et vaine.

  • Les succès de Bernardin comme prédicateur sont obtenus grâce aux dons de la nature, que tous constatent avec plaisir en l’écoutant, mais ce sont surtout des succès voulus par la grâce divine, c’est-à-dire avec l’aide puissante de Dieu, qui surélève les capacités naturelles de Bernardin afin d’y parvenir. Ces succès sont d’ailleurs confirmés publiquement par le pouvoir séculier lorsque, le 16 mai 1421, le duc de Milan Philippe Marie Visconti lui remet la chapelle ducale de Saint-Jacques de Pavie, puis l’église Sant’Angelo de Milan, qu’il donne toutes deux à la congrégation de l’Observance.

  • Prédicateur itinérant et mendiant, Bernardin semble prendre la relève de saint Vincent Ferrier, mort deux ans plus tôt, en 1419. De fait, il marche sur ses traces, sans toutefois s’éloigner de l’Italie centrale et du nord.

  • En 1411, quand Bernardin contracte la peste à Sienne, tous témoignent que c’est avec une fermeté sereine et avec une conscience claire de la pureté de sa vie qu’il affronte la situation et se prépare à la mort : c’est en s’appuyant sur la foi chrétienne, profonde et solide, qu’il a su rester fort et confiant. Les trois années de maladie sont pour lui l’occasion de faire silence en son âme, pour mieux chercher Dieu.

  • La paix est aussi un mot d’ordre pour saint Bernardin. Il suit en cela le modèle du Christ : « La paix soit avec vous ! » ( Jn 20,19 et 21 ). Guelfes et gibelins (c’est-à-dire partisans du pape et partisans de l’empereur du Saint-Empire romain germanique) s’opposent et les cités italiennes se déchirent : Bernardin engage les deux partis à décrocher les armoiries des factions des murs des églises et des palais, et à inscrire à la place les lettres IHS, qui forment le début imparfaitement décalqué, en grec, du nom Iesus. Ces lettres sont aussi l’acronyme de l’expression Iesus hominum Salvator (« Jésus Sauveur des hommes »). Bernardin porte lui-même ce monogramme quand il prêche pour inviter le peuple à vénérer le nom de l’homme-Dieu venu sauver les hommes.

  • Quand Bernardin meurt à L’Aquila, en 1444, les notables de la ville refusent que la dépouille soit ramenée à Sienne. Ils organisent des funérailles splendides, puis l’ensevelissent dans l’église des conventuels. Tous prient alors le saint et les miracles se multiplient. Dans sa Vita sancti Bernardini, saint Jean de Capistran, son premier biographe et contemporain, parle d’une « forêt de miracles » : entre ceux réalisés de son vivant et ceux à titre posthume, l’auteur lui attribue plus de deux mille cinq cents guérisons miraculeuses de 1424 à 1455.


En savoir plus

Bernardin naît le 8 septembre 1380 à Massa Maritima, ville alors dépendante de la république de Sienne (Toscane). Orphelin de mère à l’âge de trois ans et de père à six ans, il est recueilli par sa tante Diana, qui le prend chez elle. Après des études élémentaires à Massa, Bernardin est accueilli par son oncle, à Sienne, en 1391. Ce dernier n’a pas d’enfant et l’élève comme son fils. Il suit pendant deux ans les cours du maître Martino di Ferro, notaire de Casole, puis des maîtres Onofrio di Loro et Jean de Spolète, qui lui enseignent les arts libéraux, c’est-à-dire le corpus en cours depuis l’Antiquité et durant le Moyen Âge, qui comprend le trivium (grammaire, dialectique et rhétorique) et le quadrivium (arithmétique, musique, géométrie et astronomie).

Suivront à partir de 1397 trois années à l’université, où Bernardin apprend le droit canon. Il rejoint ensuite la Confraternité de Notre-Dame, attachée à l’hôpital Santa Maria della Scala, qui se trouve en face de la cathédrale. Les années de dévouement passées auprès des malades de la peste le préparent certainement à un plus grand renoncement encore. Le 8 septembre 1402, il reçoit l’habit des frères mineurs de Saint-François de Sienne, puis rejoint peu de temps après le monastère de l’Étroite Observance de Colombaio sull’Amiata (actuel couvent de la basilique de l’Observance), qui se trouve hors de la ville, dans la campagne. Les Franciscains de l’Observance voulaient vivre la règle de saint François dans toute sa rigueur. L’année suivante, Bernardin est ordonné prêtre. Commence alors une vie apostolique de prédication dans toute l’Italie, qui sera marquée par de très nombreux et importants fruits de conversion.

Bernardin prêche dans le voisinage immédiat de Sienne, avant de se rendre en 1410 à Pavie, ville que le condottiere Facino Cane a mise à sac. En 1413, puis de nouveau en 1416, Bernardin prêche à Padoue, puis à Mantoue, mais sans remporter beaucoup de succès. Après un séjour en Toscane, à Fiesole, il retourne pendant la peste de 1417 à Ferrara (en Lombardie). Pour la prédication de l’Avent, il visite la république de Gênes. Ses pas le conduisent ensuite en Ligurie , puis dans le Piémont, et enfin en Lombardie : il prêche à Mantoue pour le chapitre général des frères en mai 1418, puis à Milan. En 1419, il se rend à Côme et dans le Tessin.

Lors de ses prêches, il invite ses auditeurs à s’abstenir du blasphème et des conversations indécentes, et à éviter de s’adonner aux jeux de hasard. À Bologne, un peintre qui vend les jeux de cartes qu’il dessine et colore se voit ruiné à la suite des sermons de Bernardin contre le jeu. Le religieux l’engage à gagner sa vie en dessinant des tablettes illustrées des initiales IHS. L’engouement précédent se reporte sur les tablettes, si bien que l’homme se trouve rapidement et pour longtemps à l’abri du besoin. Bernardin fait également instance pour que l’on consacre à Dieu les jours de fête. Il dénonce la pratique de l’usure. Pour offrir une alternative à ce recours, il établit des sociétés de prêt sur gage, aussi connues sous le nom de mont-de-piété. Il prêche avec une entière liberté apostolique, n’hésitant pas à reprendre ouvertement les grands de ce monde, y compris le duc de Milan, car il sait que leur mauvais exemple entraîne au mal.

Toutefois, la popularité de Bernardin lui vaut des jalousies. Il doit supporter l’opposition et la persécution. Le dominicain Manfred de Vercelli l’accuse d’introduire une nouvelle dévotion de caractère profane et d’exposer ainsi le peuple au danger de l’idolâtrie. En 1427, convoqué à Rome pour s’expliquer, le pape Martin V lui défend de prêcher tant que son procès n’est pas clos. Le 8 juin de cette année, Jean de Capistran, religieux de l’Observance comme Bernardin et avocat de ce dernier, met en évidence la malveillance et la futilité des charges portées contre lui. Le pape, qui voyait le bien produit par la dévotion répandue par Bernardin mais ne voulait pas se prononcer avant son examen théologique, invite l’observant à prêcher à Rome. Il montre ainsi à tous son approbation et sa protection à son égard. Les adversaires de Bernardin renouvellent leurs attaques à la mort du pontife, mais une bulle pontificale de son successeur, Eugène IV, les réduit au silence en 1432.

L’année suivante, Bernardin accompagne à Rome l’empereur Sigismond de Luxembourg, qui doit y être couronné. Il se retire peu après à Capriola pour composer une série de sermons. Quand Bernardin est choisi pour l’évêché de Sienne, il décline cet honneur. Il agit de même lorsqu’on lui propose, respectivement en 1431 et 1435, les sièges épiscopaux de Ferrare et d’Urbino : « L’Italie est déjà mon diocèse », répond-il avec une joyeuse humilité. Il reprend ses prédications itinérantes en 1436, mais son élection, deux ans plus tard, à la charge du gouvernement des couvents des Observants, en Italie, l’oblige à les suspendre. En 1442, Eugène IV accède à la demande de Bernardin de résigner sa charge de supérieur général afin de se donner de nouveau entièrement à la prédication. En 1444, malgré son mauvais état de santé – il ne peut plus marcher longuement et est obligé de recourir à une monture –, Bernardin décide d’évangéliser le royaume de Naples. Mais la fièvre le prend après avoir traversé l’Ombrie. Il fait halte dans les Abruzzes , à L’Aquila, où il meurt la veille de l’Ascension, le 20 mai.

Il est canonisé six ans après sa mort, le 24 mai 1450, par le pape Nicolas V : cette rapidité inhabituelle à l’époque souligne combien Bernardin était estimé de tous. Le 14 mai 1472, le corps de Bernardin est solennellement transféré dans la nouvelle église que les Observants ont construite à L’Aquila pour le recevoir. C’est aujourd’hui la basilique Saint-Bernardin. Le roi de France Louis XI offre à cet effet une châsse d’argent, qui abrite toujours les reliques du saint.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Aller plus loin

Paul Thureau-Dangin, Un prédicateur populaire dans l’Italie de la Renaissance : saint Bernardin de Sienne, Paris, Plon, 1896. Consultable en ligne.


En complément

  • Louis Berthaumier, Histoire de Saint Bernardin de Sienne, Paris, Élie Gauguet, 1862.

  • Pierre Pourrat, La Spiritualité chrétienne, tome II : « Le Moyen Âge », Paris, Gabalda, 1946, ici p. 284-288.

  • Daniel Arasse, « Art, dévotion et société autour de la glorification de saint Bernardin de Sienne », dansMélanges de l’École française de Rome, no 1, 1977, p. 189-263. Disponible en ligne .

  • Philippe Jansen, « Un exemple de sainteté thaumaturgique à la fin du Moyen Âge », dans Mélanges de l’École française de Rome, t. 96, no 1, 1984, p. 129-151. Disponible en ligne .

  • L’émission de CNews, « Les Belles Figures de l’Histoire » : «  Saint Bernardin : l’homme qui parle au cœur  ».

  • La synthèse disponible dans le guide des saints d’Hozana : «  Saint Bernardin de Sienne : vie, rayonnement, héritage, prières  ».

Sur le même thème, la rédaction vous conseille :
Précédent
Voir tout
Suivant