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Les saints
Russie et France
Nº 601
1891 – 1945

Mère Marie Skobtsova, une moniale hors du commun (+1945)

Après avoir connu les tourments révolutionnaires russes du début du XXe siècle, mère Marie Skobtsova fuit son pays, puis émigre à Paris en 1923. Devenue moniale en 1932, à l’âge de quarante et un ans, elle se donne corps et âme pour tous les rejetés de la société. Sa biographie est bouleversante : mère, poétesse, moniale, membre de la Résistance... Pour cela, elle est déportée en Allemagne et meurt au camp de concentration de Ravensbrück, un Samedi saint, le 31 mars 1945. Mère Marie est morte comme elle a vécu, suivant le Christ jusqu’au Golgotha pour ses bien-aimés.


Les raisons d'y croire

  • Mère Marie Skobtsova est quasiment notre contemporaine et il serait difficile de mystifier sa vie et son œuvre.

  • Alors qu’elle se trouve elle-même dans une situation difficile (pauvreté, exil, deuil…), elle fait passer les besoins des autres avant les siens. Seul un amour sincère pour le Christ peut susciter un tel amour du prochain, selon la parole de l’apôtre Paul : « Je ne vis plus mais c’est le Christ qui vit en moi. »

  • Déportée à Ravensbrück pour avoir aidé des juifs à se cacher, elle meurt dans une chambre à gaz de ce camp de concentration, en prenant volontairement la place d’une femme juive. Son absence de peur vis-à-vis de la mort démontre qu’elle vivait en ayant déjà un pied dans l’éternité, n’ayant aucun doute sur la réalité de la vie après la mort.

  • Les seules reliques dont nous disposons d’elle sont des objets liturgiques et une icône, brodés de ses mains, que l’on peut trouver dans l’église orthodoxe Saint-Séraphin (Paris, France). Cette église a été ravagée par un incendie le 17 avril 2022 et ces trois reliques sont les seules à avoir échappé aux flammes.


En savoir plus

Élisabeth Pilenko est née le 8 décembre 1891 à Riga, dans la famille d’un magistrat de l’Empire russe. Dans sa jeunesse, elle est particulièrement attirée par la poésie et les arts et entretient une amitié avec le célèbre poète russe Alexandre Blok. Ayant terminé ses études secondaires, elle se marie avec Dimitri Kouzmine-Karavaïev, mais son mariage ne s’avère pas heureux. Pour surmonter cette déception, elle se plonge dans la littérature religieuse et devient la première femme à suivre des cours à l’académie de théologie de Saint-Pétersbourg. En 1913, elle se sépare de son époux, bien qu’elle vienne de donner naissance à son premier enfant, Gaïana.

Élisabeth s’installe ensuite dans le sud de la Russie, dans son domaine familial. Mais la révolution éclate en 1917 et elle se trouve prise au piège : sous la domination bolchevique, elle est élue maire de la ville d’Anapa, puis la ville est reprise par les Russes blancs. Élisabeth est alors emmenée devant le tribunal : acquittée, elle est à nouveau nommée maire, cette fois-ci par les Russes blancs. La région change encore brièvement de mains et Élisabeth décide de fuir son pays. Elle se marie avec Daniel Skobtsov et part en Géorgie en 1919, où elle met au monde son deuxième enfant, Georges (Yuri). Elle fuit ensuite vers Constantinople, en passant par la Serbie, et s’installe finalement à Paris en 1923.

Malgré la misère de la vie d’immigrée, elle trouve la force et les moyens d’aider ses compatriotes en ouvrant un foyer pour les jeunes femmes isolées. Il deviendra l’un des plus grands foyers d’accueil de l’immigration russe. Le 16 mars 1932, avec la bénédiction de Mgr Euloge Georgievksi, elle devient moniale. Dans la paroisse Saint-Serge, rattachée à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge (Paris, XIXe arrondissement), elle prend le nom de Marie, en référence à sainte Marie l’Égyptienne. Elle n’a jamais vécu dans un monastère, mais a continué ses activités d’aumônerie, en lien avec les meilleurs intellectuels orthodoxes russes de France.

Pendant l’occupation de Paris par les forces nazies, Marie rejoint la Résistance en cachant les juifs et en leur procurant des faux papiers. Lors du triste épisode du Vélodrome d’Hiver, en 1942, elle arrive à évacuer quelques enfants dans des bacs à ordures. Le 8 février 1943, la Gestapo arrête son fils Yuri et, le lendemain, mère Marie subit le même sort : elle est déportée à Ravensbrück en tant que membre de la Résistance.

Elle affirme : « Lors du jugement dernier, je ne serais pas questionnée à propos des exercices ascétiques : Dieu ne va pas me demander combien de prosternations j’ai faites lors des prières, mais il va me demander si j’ai nourri l’affamé, si j’ai habillé le nu et si j’ai rendu visite à un malade et un prisonnier. » Elle suivra ses convictions jusqu’au bout : le 31 mars 1945, deux semaines avant l’arrivée des forces armées soviétiques, elle prend volontairement la robe numérotée d’une jeune femme juive et va dans la chambre à gaz à sa place. « Il n’y a pas de quoi avoir peur, c’est la vie qui a le dernier mot, et non la mort. »

Elle est canonisée par le patriarcat de Constantinople le 16 janvier 2004, ainsi que son fils Yuri et d’autres membres proches de son œuvre.

Yustina Panina, théologienne orthodoxe et animatrice radio.


Au delà

Sainte Marie de Paris est l’une des saintes orthodoxes les plus vénérées en France. Elle est aussi reconnue « Juste parmi les nations » en 1985.


Aller plus loin

Un site Internet franco-russe lui est dédié.


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