
Thérèse Couderc remet tout entre les mains de Marie (+1885)
Thérèse Couderc est née en 1805 dans une humble famille de paysans ardéchois. La communauté religieuse dans laquelle elle entre se scinde en deux branches, dont l’une se consacre à la catéchèse et à l’assistance spirituelle, sous l’impulsion de mère Thérèse Couderc, donnant ainsi naissance à la congrégation Notre-Dame du Cénacle. Humble et discrète, mère Thérèse accepte sans tristesse le dépouillement de n’être plus à la tête de son œuvre, même lorsque ses supérieurs, se rendant compte qu’ils se sont montrés injustes en la déposant, souhaitent la rétablir dans ses fonctions. Elle mène jusqu’à sa mort, le 26 septembre 1885, une vie cachée, partagée entre la prière et l’œuvre des retraites spirituelles dont elle a eu l’inspiration.
Les raisons d'y croire
Thérèse Couderc met ses talents au service de la congrégation Notre-Dame du Cénacle, convainquant le fondateur, le père Terme, de scinder l’œuvre en deux afin de lui permettre de déployer son intuition propre, qu’elle sait venir de Dieu. Nul ne peut nier son rôle de cofondatrice, ni la part qu’elle prend dans la réussite de l’entreprise. Elle peut, légitimement, en être fière. Il est humainement très difficile, voire impossible, de se détacher de soi-même d’une telle entreprise. C’est pourtant ce que Thérèse fait ce jour de l’Assomption 1837, révoquant ses responsabilités et les remettant entre les mains de Notre Dame. Pareil geste d’abnégation est si étranger à notre nature qu’il faut en attribuer l’inspiration à Dieu.
Il ne s’agit pas d’un geste de dérobade lâche en une période difficile, ni d’un refus d’assumer les problèmes. Depuis la mort du père Terme, en 1834, elle a toujours fait face aux soucis sans se plaindre ni envisager de déserter. Son abdication du supériorat au profit de Marie est donc un geste de confiance et d’humilité, un acte de parfait abandon à la volonté divine.
Le geste de Thérèse n’a pas qu’une portée symbolique. Dans son esprit, il s’agit bel et bien de confier ses fonctions à Notre Dame, ce qui prouve sa piété mariale. Comme souvent dans la vie des saints, le Ciel prend son geste au sérieux. Puisqu’elle a démissionné secrètement de sa charge au profit de Marie, elle va, en effet, être relevée de ses fonctions. La dépossession spirituelle devient donc réelle, tangible, et Thérèse se retrouve à la dernière place.
Une autre, en se retrouvant sous les ordres d’une personne moins compétente, regimberait, crierait à l’injustice et réclamerait d’être rétablie dans ses fonctions. Thérèse ne le fait pas : au contraire, elle se voue au retrait et à l’anonymat, au sous-emploi au sein de sa propre œuvre. Sans en retirer aucun bénéfice, sœur Thérèse tente, autant que possible, de réparer les bévues de la nouvelle supérieure, qui finit par se décharger sur Thérèse de tout ce qu’il y a de délicat et de pénible. Pareille humilité vient de Dieu et d’un puissant désir de sanctification.
Ses dernières années sont marquées par la maladie et de très grandes souffrances physiques, qu’elle offre pour le salut des âmes. Elle vit alors une expérience mystique, unie à l’agonie du Christ en Croix et à son sentiment d’avoir été abandonné du Père. Cette épreuve est le sceau divin déposé sur sa vie et son œuvre.
Pendant la guerre, les religieuses de Grayshott (Angleterre, Hampshire) avaient l’habitude de distribuer des images de mère Thérèse Couderc à tous les soldats, qui venaient au couvent en grand nombre. Un jour, l’un d’eux revint en disant qu’elle lui avait sauvé la vie quelque temps plus tôt, en mai 1917. Il remet à la religieuse qui le reçoit, sœur Joséphine Jobson, l’image de mère Thérèse – image déchirée par l’éclat d’un shrapnel, qui s’apprêtait vraisemblablement à lui traverser le cœur s’il n’avait miraculeusement été détourné et arrêté, ne lui faisant qu’une légère blessure.
Mère Thérèse Couderc est proclamée sainte en 1970, après une longue enquête qui comprend notamment la reconnaissance de plusieurs miracles physiques obtenus par son intercession. Les miracles étudiés, puis reconnus comme véritables, sont la guérison de sœur Marie-Jean, religieuse augustine de Mons (Belgique) et de sœur Madeleine Delattre, religieuse du Cénacle. Le site Internet de la congrégation Notre-Dame du Cénacle retrace les différentes étapes de la cause et donne accès à beaucoup de documentation à ce sujet.
En savoir plus
Née aux Sablières, en Ardèche, le 1er février 1805, quatrième des douze enfants d’un ménage d’humbles paysans, Marie-Victoire Couderc décide à dix-sept ans d’entrer chez les Sœurs de Saint-Joseph. Elle y prend en religion le nom de Thérèse. Bien qu’elle n’ait pratiquement pas reçu d’éducation, sinon religieuse, sœur Thérèse manifeste de grandes qualités d’intelligence ; elle est une organisatrice née qui met tous ses talents et compétences au service de la congrégation. Elle a vingt-trois ans lorsque le père Terme la nomme supérieure du foyer qu’il veut fonder pour l’accueil des pèlerines à Lalouvesc, le grand sanctuaire vivarois élevé sur la tombe de saint Jean-François Régis.
Dans son esprit, il s’agit de donner un toit à ces femmes venues seules vénérer l’apôtre de la région : Thérèse, si elle ne conteste pas cette œuvre charitable, la trouve cependant un peu courte et trop tendue vers les nécessités matérielles. Sensible à la spiritualité des jésuites, elle convainc le père Terme d’orienter l’œuvre vers la catéchèse des pèlerines et l’initiation aux exercices de saint Ignace. L’œuvre est scindée en deux : certaines religieuses, les Sœurs de Saint-Régis, restant aux services des dévotes de la basilique pour l’hébergement, et les autres, avec Thérèse, proposant une assistance d’ordre spirituelle dans la congrégation Notre-Dame du Cénacle.
Ces initiatives couronnées de succès vont valoir à Thérèse jalousies et inimitiés qu’elle paiera après le décès du père Terme, en 1834. Pendant trois ans, elle s’épuise à maintenir l’œuvre à flot, gérant les problèmes financiers mais aussi les querelles et les départs. Le 15 août 1837, au sanctuaire ardéchois de Notre-Dame d’Ay, une jeune religieuse est agenouillée aux pieds de la Vierge. Sœur Thérèse Couderc a trente-deux ans et elle est supérieure de la petite congrégation Notre-Dame du Cénacle, qu’elle a contribué à fonder dix ans plus tôt, avec le père Étienne Terme, maintenant décédé. En silence, dans un élan de prière fervente, Thérèse dépose entre les mains de la Vierge l’accumulation de difficultés, notamment financières, auxquels elle doit faire face seule, au point d’en être tombée malade, et lui remet le supériorat de sa congrégation. Ce geste de dépossession, s’il lui prépare de terribles épreuves, la lance aussi dans un chemin d’abandon et de renoncement qui la conduira à la sainteté.
Tombée malade de fatigue, elle est bientôt mise au repos, ce qui permet peu après de la relever de ses fonctions et de lui faire porter la responsabilité de ce qui paraît alors un échec. Elle transforme cette humiliation en tremplin vers le Ciel et parvient à redresser la barre, alors qu’elle n’exerce officiellement plus aucune fonction dans l’ordre. Ainsi commence-t-elle à développer sa spiritualité, qui pourrait se résumer en cette formule : « Se livrer [à Dieu], c’est adhérer à tout, accepter tout, se soumettre à tout. »
Thérèse voit son intuition des débuts se concrétiser et la congrégation prendre un essor international. S’apercevant qu’ils se sont montrés injustes en déposant mère Thérèse, les supérieurs vont lui offrir de la rétablir dans ses fonctions, ce qu’elle refuse. Cependant, elle accepte toujours de se charger des missions ingrates, pénibles, difficiles, sans en retirer aucun bénéfice. Seules une très grande vertu et une immense humilité expliquent pareil comportement. Elle reste de son plein gré dans son rôle effacé et humilié et se retire en 1867 à la maison lyonnaise du Cénacle, à Fourvière, qui n’existerait pas sans elle, et y mène une vie cachée, partagée entre la prière, les soins aux religieuses malades, l’œuvre des retraites, dont elle a eu l’inspiration, et la catéchèse.
En 1877, la nouvelle supérieure la fait officiellement reconnaître comme première religieuse de la congrégation et cofondatrice. Thérèse n’en tire aucune fierté et ne change rien à ses habitudes d’effacement. Elle meurt dans la maison de Fourvière le 26 septembre 1885, au terme de plusieurs années de souffrance et de maladie. Canonisée en 1970, elle repose dans la basilique de Lalouvesc.
Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.
Aller plus loin
Abbé Henry Perroy, Une grande humble, Marie-Victoire Thérèse Couderc, fondatrice du Cénacle, Beauchesne, 1928.
En complément
Abbé André Combes, Bienheureuse Thérèse Couderc, fondatrice du Cénacle, Albin Michel, 1956.
Le film de Jean-Daniel Jolly Monge, Thérèse Couderc, Dieu vous en dira plus que moi, Villiers diffusion, 1995.
Le site Internet de la Congrégation Notre-Dame du Cénacle, avec notamment le dossier relatif à sa cause de canonisation .
Sur la chaîne YouTube La caverne du Pèlerin, la vidéo : Vie de Sainte Thérèse Couderc, fondatrice de la congrégation de Notre-Dame du Cénacle .