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Histoires providentielles
Lyon
Nº 401
9 août 1940

Du chemin des vaches à la communauté du Chemin Neuf (1940)

Louise Isaac, lyonnaise, fille de Daniel Isaac, probablement d’origine juive, s’est mariée avec André Fabre, journaliste marseillais catholique. Un contexte difficile pour les débuts de leur mariage, marqués non seulement par le début de la guerre et une séparation, André étant soldat et mobilisé à Nice en face des Italiens, mais aussi par une très grave maladie des reins de Louise, qui ne pesait plus que trente kilogrammes après sa première grossesse. Les médecins interdisent un nouvel enfant : « Faites bien attention ! ». Mais elle part rejoindre son mari sur le front et passe la nuit avec lui dans un hôtel proche de l’église où ils s’étaient donné rendez-vous.

De retour à Lyon, elle se rend compte qu’elle est enceinte, ce qui la plonge dans les pleurs et le désarroi : « J’ai encore fait une bêtise. Je ne suis pas rétablie. » On lui conseille fortement l’avortement (les médecins parlaient déjà en 1939 « d’avortements thérapeutiques ») mais après avoir longuement prié, elle refuse catégoriquement : « Sûrement pas. Ou je vivrai avec l’enfant, ou je mourrai avec l’enfant. » Elle décide de se confier à Dieu et d’aller communier tous les jours, à une demi-heure de chez elle, par « le chemin des vaches », pendant les neuf mois de grossesse. Finalement, contre toute attente médicale, l’infection des reins disparaît et un petit Laurent naît le 9 août 1940. Cinq autres frères et sœurs suivront !

Plus tard, Louise aura la joie extraordinaire de vivre les débuts et le développement de la communauté du Chemin Neuf, fondée par Laurent, devenu prêtre jésuite, de s’y engager avec André et d’y mourir, finalement âgée de cent deux ans. C’est seulement à l’âge de soixante-dix-huit ans que le père Laurent Fabre apprend les circonstances de sa naissance. Depuis, il lui arrive de dire avec humour aux nombreux membres de la communauté que « le Chemin Neuf commence par le chemin de vaches, ce n’est pas ma faute » ! Comme le lui avait indiqué une parole étonnante reçue juste avant son mariage avec André, le chemin de Louise a été « marqué de joies exceptionnelles et aussi de souffrances », mais il semble que c’est à juste titre qu’elle se soit toujours sentie « accompagnée par le Seigneur ».


Les raisons d'y croire

  • Bien des situations bloquées semblent impossibles à dénouer. Ce fut le cas lorsque Louise apprit la grossesse inattendue qui mettait sa vie en danger, mais, comme elle en a fait l’expérience, la prière sincère et les larmes ne restent jamais sans réponse de Dieu.

  • La décision qu’elle a prise de se confier au Seigneur et d’aller tous les jours communier à l’Église d’Irigny en empruntant le « chemin des vaches », malgré la distance et les difficultés de la montée, était une manière très concrète de s’en remettre à lui, croyant en l’efficacité de la présence réelle de Jésus dans l’eucharistie. C’est en effet ce que montre l’expérience concrète de tant de chrétiens à travers les siècles.


En savoir plus

Louise Isaac s’est mariée avec André Fabre, journaliste catholique, juste avant la Seconde Guerre mondiale. Ils s’étaient rencontrés à Lyon dans une soirée dansante chez des amis. André n’aimait pas danser, mais ils ne se sont plus quittés. Deux semaines après, André lui avait donné rendez-vous après une interview qu’il devait réaliser avec le cardinal-archevêque de Paris, qui revenait du Sénégal et passait par Lyon. Louise, qui voulait le revoir et mieux le connaître, est allée prendre « la ficelle » de Fourvière (le funiculaire). Arrivée au dernier moment, juste avant que la porte ne se referme, elle entre, s’installe dans une des deux voitures et le funiculaire démarre. Alors, un homme habillé en séminariste, très jeune et inconnu, se met en face d’elle et lui dit : « Mademoiselle, si vous poursuivez votre projet, vous connaîtrez de très grandes choses, mais aussi de très dures. » Assez bouleversée par cette rencontre et ces paroles dont elle se souviendra toute sa vie, elle se disait « accompagnée par le Seigneur ». « C’était comme s’il m’avait dit : "C’est votre chemin. Ce ne sera pas un chemin facile. Il y aura des joies exceptionnelles, mais aussi des souffrances." »

Les débuts de son mariage ne sont pas faciles. Après la naissance de sa première fille, Véronique, Louise est malade, affaiblie par une grave infection des reins. Elle maigrit et ne pèse plus que trente kilogrammes. Les médecins lui interdisent toute nouvelle grossesse : « Faites bien attention ! » Le début de la guerre sépare aussi douloureusement les époux puisqu’André est mobilisé à Nice, loin de Lyon. Un jour, cependant, bravant les interdictions, elle rejoint André à Nice dans un hôtel. C’est là que sera conçu leur deuxième enfant. Quand elle l’apprend, Louise pleure pendant deux jours : « J’ai encore fait une bêtise. Je ne suis pas rétablie. » Mais au bout d’un moment, elle ressent une consolation : « Comme j’ai beaucoup pleuré, le Seigneur est venu à mon secours. Je l’ai compris le troisième jour. Je suis montée à la messe du village à 7 h 30 et j’ai promis de le faire tous les jours pour cet enfant. Et tous les matins, je marchais pendant une bonne demi-heure, par le "chemin des vaches", un petit chemin tortueux plein de cailloux. Et après la messe, je redescendais par le même chemin. »Au cours de sa grossesse, elle passe deux mois à la clinique protestante de Lyon, à la Croix-Rousse, et est poussée à l’avortement : « Il suffit de faire partir d’enfant, et ça ira, vous vous en sortirez. L’infection s’en ira. » Mais sa double cousine, infirmière, Marie Nova, vient la soutenir et passer une nuit sur place avec elle : « On a prié toute cette nuit et, au matin, j’ai dit : "Sûrement pas. Ou je vivrai avec l’enfant, ou je mourrai avec l’enfant" Et voilà ! L’enfant a survécu, l’infection est partie après deux mois et Laurent est finalement né en bonne santé le 9 août 1940 ! » L’infection des reins a complètement disparu et cinq enfants suivront !

Parmi les autres joies exceptionnelles qu’elle a vécues, il y a l’aventure de la communauté du Chemin Neuf, où Louise s’engagera avec André et où elle finira sa vie, à cent deux ans, en 2016. Son fils, le père Laurent Fabre, était séminariste jésuite quand il a entendu parler du renouveau charismatique aux États-Unis. Pendant un week-end décisif en montagne dans le chalet familial de La Batie (non loin de Saint-Bernard du Touvet) avec deux protestants épiscopaliens américains, de passage à Lyon, et deux autres jeunes jésuites, Laurent demande qu’on prie pour lui : cela a changé sa vie et conduit à la fondation de cette communauté fondée en 1973, qui compte aujourd’hui 2 400 membres dans trente pays, dont 400 consacrés et 120 prêtres, et qui est parmi les plus dynamiques et florissantes issues de France. Louise remerciait Dieu pour ce cadeau : « Jamais je n’aurais pensé à tout ce qui est arrivé. Laurent, je croyais qu’il serait un bon ingénieur»

Olivier Bonnassies


Au delà

  • Se tourner dans les moments difficiles vers le Seigneur avec persévérance et sincérité est certainement toujours la bonne attitude.


Aller plus loin

Entretien avec le père Laurent Fabre sur KTO , à l’occasion du jubilé d’or du renouveau charismatique.


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