
Miracle aux urgences pédiatriques (2010)
Le 16 septembre 2010, à 13 h 48, à Washington, Bonnie Engstrom met au monde à domicile son troisième enfant. Hélas, c’est la catastrophe : bleu et cyanosé, le bébé s’est étranglé avec le cordon ombilical… Tandis que l’on appelle les urgences et que Travis Engstrom administre en urgence le baptême à son fils, Bonnie, inlassable, répète une prière, reprise par ceux qui l’entourent : « Fulton Sheen, faites quelque chose ! », demandant l’intercession du vénérable évêque de Rochester, décédé en 1979 et pour lequel les jeunes parents nourrissent une grande dévotion. Hélas, à la clinique, après plus d’une heure d’effort pour ranimer le nouveau-né, les médecins, impuissants, s’apprêtent à signer le constat de décès quand l’impossible se produit : le cœur de James se remet à battre. Ce cas a été reconnu miraculeux et retenu le 5 juillet 2019 pour la béatification de Mgr Sheen.
Les raisons d'y croire
Nous sommes parfaitement documentés, tant par les témoins que par le dossier médical, sur les circonstances dramatiques de la naissance de James Fulton Engstrom. Il ne fait aucun doute que le bébé est né sans vie, cyanosé, étranglé par un nœud de son cordon ombilical. Toutes les tentatives pour lui permettre de respirer sont vaines.
À l’arrivée des secours, mère et enfant sont transportés en urgence à la clinique Saint-Francis. Dans l’ambulance, les réanimateurs font l’impossible pour arracher un signe de vie au bébé, sans résultat. Cela fait trente minutes que James est venu au monde, mort-né. Cliniquement, il n’y a rien à faire : le cœur s’est arrêté de battre, l’électrocardiogramme et l’encéphalogramme sont plats, le cerveau n’a jamais été oxygéné. Le petit corps est un cadavre.
Cela est confirmé par une analyse de sang effectuée à l’arrivée à la clinique : non oxygéné, le sang du bébé est « comparable à celui d’une personne décédée depuis une semaine. » Il n’y a rien à faire.
Pourtant, contre tout bon sens, l’équipe médicale des urgences pédiatriques de cet établissement catholique lutte encore pour ranimer le bébé, soutenue par la prière continue de la maman et des proches.
Cela fait alors exactement soixante et une minutes que l’enfant ne présente aucun signe de vie. Tous les médecins réanimateurs savent que, passé vingt minutes, il n’y a plus rien, humainement, à espérer : l’absence d’oxygénation entraîne des destructions au niveau des organes, irrécupérables, à commencer par le cerveau.
Désolé, le médecin déclare l’enfant Engstrom mort-né à 14 h 50. Mais, à l’instant où il va officialiser le décès, l’impossible se produit : le cœur du bébé se met à battre au rythme normal de celui d’un nouveau-né en parfaite santé. James respire seul pour la première fois, tandis que disparaissent les traces de son asphyxie prénatale. Il est conduit aux urgences de la maternité sous surveillance constante.
Bien que l’équipe médicale de cet établissement catholique croie aux miracles et qu’elle ait la conviction d’en avoir vu un se produire sous ses yeux, personne n’ose rassurer les parents. L’hypothèse la plus probable est que le petit garçon succombe très vite à un dysfonctionnement général de ses organes vitaux. Or, cela ne se produit pas.
Lorsqu’ils constatent que, contre toute explication, le bébé survit, les pédiatres annoncent aux Engstrom qu’ils ne doivent pas se réjouir car la suite sera fatalement catastrophique. Privé d’oxygène plus d’une heure, le cerveau du bébé a subi des dommages irréversibles et James restera très lourdement handicapé. On annonce à ses parents qu’il sera aveugle et incapable de marcher, de se nourrir seul, de parler et de communiquer avec son entourage.
Les Engstrom ont placé leur union et leurs enfants sous la protection de Mgr Fulton Sheen, ancien évêque de Rochester, devenu internationalement célèbre pour avoir été le premier télévangéliste du monde. Bien que le prélat soit décédé en 1979, le jeune couple a pu visionner sur Internet toutes ses émissions, qui l’ont profondément marqué. Comme beaucoup d’autres fans, ils espèrent qu’un miracle permettra la béatification de celui dont Jean-Paul II a reconnu les vertus héroïques, le déclarant vénérable.
Sans savoir pourquoi, pendant cette troisième grossesse, leur dévotion envers Mgr Sheen augmente, au point qu’ils installent un coin prière en son honneur et s’y recueillent chaque jour. Ils décident d’ajouter le prénom de l’évêque, Fulton, à celui de James, choisi pour leur bébé à naître.
Persuadés qu’ils doivent à Mgr Sheen, appelé au secours, la survie de leur fils, les Engstrom gardent confiance, car ils savent que Dieu ne fait pas les choses à moitié. Leur foi est récompensée. Déjouant les pronostics pessimistes des médecins, James Fulton ne présente aucune séquelle consécutive aux circonstances de sa naissance. C’est aujourd’hui un adolescent de quatorze ans, normal et en excellente santé.
En 2011, un an après la naissance de James Fulton – quand tous les examens médicaux ont prouvé que l’enfant allait bien et grandissait normalement –, les Engstrom ont informé le diocèse de Peoria en charge de la cause de béatification de Mgr Sheen du miracle obtenu par son intercession.
Transmis à Rome et passé au crible des exigences du dicastère pour la cause des saints en matière de miracle, le dossier a été retenu pour la béatification de Mgr Sheen, aucune explication médicale n’ayant pu être avancée pour expliquer le retour à la vie en parfaite santé d’un enfant reconnu mort à la naissance.
En savoir plus
Peter John Fulton Sheen est né à El Paso, dans l’Illinois, le 8 mai 1895. Il est ordonné prêtre en 1919. Après de brillantes études universitaires à Washington, puis à Louvain, en Belgique, il retourne aux États-Unis, et devient professeur de philosophie à l’université catholique de Washington. Excellent conférencier, tantôt drôle, tantôt touchant, il se voit proposer en 1930 d’animer chaque semaine une émission sur la chaîne de radio NBC, « The catholic hour », qui réunit plus de quatre millions d’auditeurs.
Fort de ce succès médiatique, Sheen se voit offrir, en 1940, d’animer sur le même principe une émission de télévision, « Life is worth living » (« La vie mérite d’être vécue »), qui rassemble trente millions de téléspectateurs en un temps où la télévision est encore loin de se démocratiser et d’entrer dans tous les foyers. Il invente ainsi, avec son style très particulier, son humour, sa gentillesse, sa foi très vive et son sens de la répartie, la technique que reprendront les télévangélistes protestants. L’émission reste au sommet jusqu’en 1957.
Fulton Sheen, après une interruption de plusieurs années, justifiée par sa nomination à la tête de l’œuvre pour la propagation de la foi aux États-Unis, sa nomination comme évêque auxiliaire de New York en 1951, sa participation au concile Vatican II et d’autres lourdes responsabilités, revient à l’antenne entre 1961 et 1968 avec une autre émission à succès, « Fulton Sheen Program ». Des milliers de personnes lui attribuent leur conversion au catholicisme. En 1966, il devient évêque de Rochester ; il le reste jusqu’en 1969, époque où, atteignant soixante-quinze ans, il démissionne. Il s’éteint à New York en 1979, le 9 décembre.
Pionnier de l’évangélisation par les médias, celui que l’on surnommait « l’invité du dimanche » laisse dans le monde anglophone une trace déterminante, encore accentuée par Internet et la possibilité d’accéder à ses émissions, qui touchent ainsi de nouvelles générations, comme celle des Engstrom. Le pape François, après la reconnaissance de ce miracle, annonce en juillet 2019 la prochaine béatification de Fulton Sheen, mais elle n’a pas encore été proclamée, en raison de différends entre les diocèses de Peoria et de New York autour de la dépouille mortelle du prélat, et de dossiers de prêtres pédophiles dans le diocèse de Rochester, qui ont obligé à s’assurer que Mgr Sheen n’avait pas couvert des coupables. Bien que ces accusations semblent désormais erronées – les faits s’étant produits du temps de son successeur –, sa béatification est toujours en suspens, la mort du postulateur de la cause, Mgr Sauseman, emporté par le Covid, ayant encore compliqué les procédures…
Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.
Aller plus loin
Bonnie Engstrom, 61 Minutes to a Miracle, Fulton Sheen and a True Story of the Impossible, Our Sunday Visitor, 2019
En complément
Mgr Fulton. J. Sheen, The Autobiography of Fulton J. Sheen, Doubleday, 1980.
Thomas C. Reeves, Americas’s bishop, The Life and Times of Fulton.J. Sheen, Encounters Books, 2001.
Kathleen L. Riley, Fulton J. Sheen, An American Catholic Response to the Twentieth Century, Alba House, 2004.
Les nombreux ouvrages de Mgr Sheen sont disponibles en anglais ; quelques-uns le sont en français aux éditions Saint-Rémy, entre autres La Vie du Christ, Du haut de la Croix, Le Chemin du bonheur, La Route du Ciel.
Les émissions télévisées de Mgr Sheen sont disponibles en ligne en anglais. Sous ce lien , l’épisode 1 de « Life is worth living ».