
Première lecture
La nuit, au cours d’une vision, moi, Daniel, je regardais : des trônes furent disposés, et un Vieillard prit place ; son habit était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête, comme de la laine immaculée ; son trône était fait de flammes de feu, avec des roues de feu ardent. Un fleuve de feu coulait, qui jaillissait devant lui. Des milliers de milliers le servaient, des myriades de myriades se tenaient devant lui. Le tribunal prit place et l’on ouvrit des livres.
Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite.
Psaume
Je te chante, Seigneur, en présence des anges.
De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce : tu as entendu les paroles de ma bouche. Je te chante en présence des anges, vers ton temple sacré, je me prosterne.
Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole. Le jour où tu répondis à mon appel, tu fis grandir en mon âme la force.
Tous les rois de la terre te rendent grâce quand ils entendent les paroles de ta bouche. Ils chantent les chemins du Seigneur : « Qu’elle est grande, la gloire du Seigneur ! »
Évangile
Alléluia. Alléluia. Tous les anges du Seigneur, bénissez le Seigneur : à lui, haute gloire, louange éternelle !
Alléluia.
En ce temps-là, lorsque Jésus vit Nathanaël venir à lui, il déclara à son sujet : « Voici vraiment un Israélite : il n’y a pas de ruse en lui. » Nathanaël lui demande : « D’où me connais-tu ? » Jésus lui répond : « Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » Nathanaël lui dit : « Rabbi, c’est toi le Fils de Dieu ! C’est toi le roi d’Israël ! » Jésus reprend : « Je te dis que je t’ai vu sous le figuier, et c’est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. » Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. »
Méditer avec les carmes
Autant d’apôtres, autant de manières de répondre à l’appel de Jésus.
André a entendu le Baptiste lui dire : « Voici l’Agneau de Dieu. » Il a suivi Jésus et lui a demandé : « Où demeures-tu ? » Simon a été amené par son frère. Jésus l’a regardé, et lui a dit : « Tu t’appelleras Kèphas ». Philippe a entendu simplement : « Suis-moi ! » ; Jacques et Jean ont lâché leurs filets ; Matthieu s’est levé sans terminer son addition.
Mais tous ceux-là ont vu Jésus ; c’est pourquoi leur réponse a pu être immédiate, décisive. Nathanaël n’entend d’abord que le témoignage des premiers appelés : « Celui dont parlent la Loi et les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus, fils de Joseph, de Nazareth ! » Et Nathanaël ne s’en laisse pas compter. Mieux que les autres il connaît le pays, puisqu’il est du village d’a côté, et ce n’est pas à lui qu’on fera croire une pareille chose ; le Messie sortant de Nazareth, ce village insignifiant de quelques dizaines de feux !
« Viens et vois », lui répond Philippe.
C’est le type même de la parole de témoignage, qui ne contraint pas, mais propose. Philippe reconnu en Jésus le Messie d’Israël, mais il ne force pas la main de Nathanaël ; il ne l’oblige pas, par pression morale, à entrer dans sa propre certitude et dans sa propre joie. Il lui suggère simplement de poser à son tour un acte de liberté, de faire à son tour le pas et la découverte : « Viens et vois ! » De fait, même le plus vibrant des témoignages ne suffira jamais pour susciter la foi. Personne ne peut croire par procuration ; il faut faire soi-même la démarche, se risquer à la rencontre et au dialogue avec l’Envoyé de Dieu. Et de même, quand l’acte de foi a été posé, on ne peut se contenter d’habiter par habitude la foi de la communauté : c’est chaque jour qu’il faut réentendre l’appel à une relation vivante et irremplaçable.
« Viens et vois ! » À partir de cette invitation de Philippe, tout l’épisode va se centrer sur le regard.
Nathanaël va donc voir Jésus ; mais surtout il va prendre conscience que déjà il a été vu : « Quand tu étais sous le figuier, lui dit Jésus, je t’ai vu ! « Jésus a vu, dans le secret, Nathanaël sous le figuier méditant les Écritures.
En un éclair, Nathanaël se découvre précédé par le regard de Jésus. Et parce qu’il se sait reconnu, il reconnaît à son tour Jésus pour ce qu’il est : le Messie envoyé de Dieu et le roi attendu par Israël. Jésus l’a vu espérer, et parce que Jésus, dans son amour, a pris l’initiative, Nathanaël peut croire en le voyant : « Rabbi, c’est toi, le Fils de Dieu ! c’est toi, le roi d’Israël ! »
Mais Jésus lui répond : »tu verras des choses bien plus grandes ! « ... Oui, s’il garde les yeux ouverts en même temps qu’il ouvre son cœur, Nathanaël verra en Jésus mieux encore que cette lucidité qui le surprend, mieux encore qu’un lieutenant de Dieu sur la terre. Il verra se déployer tout le mystère du Fils de Dieu fait homme. Il comprendra qu’avec Jésus la pleine communion avec Dieu est offerte aux croyants, et que le Messie est, à lui seul, toute l’ouverture du cœur de Dieu.
À ce moment, pour la révélation solennelle qu’il veut faire, Jésus, au-delà de Nathanaël, s’adresse à tous ceux qui vont être les témoins de sa vie et de sa Pâque : « En vérité, en vérité je vous le dis : vous verrez, vous verrez le ciel ouvert ! »
La foi leur fera rejoindre, à travers la déchirure du ciel, le Dieu inaccessible. Mieux encore, ils assisteront à un dialogue inimaginable, celui de Dieu, au ciel, avec le Fils de l’Homme sur terre : « Vous verrez les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’Homme ». Le mouvement des anges, messagers de Dieu, tel que Jésus le décrit, traduit pour le regard ce que ce dialogue a de paradoxal pour l’intelligence et le cœur de l’homme. On s’attendrait que les messagers descendent d’auprès de Dieu, puis remontent vers lui ; en réalité ils montent de Jésus vers le Père :
le message part donc de Jésus, le Fils pleinement libre et tout obéissant,
le Fils totalement spontané qui passe tout entier dans sa réponse,
le Fils responsable et totalement autonome dans sa propre soumission ;
et les messagers redescendent d’auprès de Dieu sur Jésus à tout moment de sa mission. Ils sont porteurs d’une parole silencieuse, et pour nous inaudible : le oui de Dieu au monde qu’il aime, l’acquiescement du Père à son Bien-Aimé.
Frères et sœurs, nous qui passons des heures, heureuses ou arides, sous le figuier de la prière et de la Parole, cette même Parole nous appelle à nous lever chaque jour pour chercher du regard le regard du Christ.
Déjà lui nous a vus, et il nous donne d’entrevoir, des yeux de la foi, au-delà de son humanité sainte, son échange d’amour avec le Père, qui est un autre nom de la gloire.
« Viens et vois, Nathanaël ! »