
Première lecture
Ainsi parle le Seigneur : Malheur à la rebelle, l’impure, Jérusalem, la ville tyrannique ! Elle n’a pas écouté l’appel, elle n’a pas accepté la leçon, elle n’a pas fait confiance au Seigneur, de son Dieu elle ne s’est pas approchée.
Alors, je rendrai pures les lèvres des peuples pour que tous invoquent le nom du Seigneur et, d’un même geste, le servent. D’au-delà des fleuves d’Ethiopie, ceux qui m’adorent, mes enfants dispersés, m’apporteront mon offrande. Ce jour-là, tu n’auras plus à rougir de tes méfaits, de tes crimes contre moi, car alors j’extirperai de toi ceux qui se vantent avec insolence, tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur. Ce reste d’Israël ne commettra plus d’injustice ; ils ne diront plus de mensonge ; dans leur bouche, plus de langage trompeur. Mais ils pourront paître et se reposer, nul ne viendra les effrayer.
Psaume
Un pauvre crie ; le Seigneur entend.
Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Je me glorifierai dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient en fête !
Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses.
Le Seigneur regarde les justes, il écoute, attentif à leurs cris. Le Seigneur entend ceux qui l’appellent : de toutes leurs angoisses, il les délivre.
Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu. Le Seigneur rachètera ses serviteurs : pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge.
Évangile
Alléluia, Alléluia.
Viens, Seigneur, ne tarde plus, délivre ton peuple de ses fautes !
Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : ‘Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.’ Celui-ci répondit : ‘Je ne veux pas.’ Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla. Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : ‘Oui, Seigneur !’ et il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. »
Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »
Méditer avec les carmes
Cette courte parabole, Jésus l’adresse aux responsables de la nation, les (anciens) grands prêtres et les notables du peuple. Il y met en scène deux fils : l’un qui est mauvaise tête, mais qui a du cœur, l’autre qui ne fait jamais d’histoires, mais n’entre jamais dans les vues de son père.
Derrière les deux fils se profilent deux catégories d’hommes, si souvent opposées au temps de Jésus
les « pécheurs », ou réputés tels, c’est-à-dire tous les blasés, les indifférents, ceux qui mènent leur vie sans référence à la Loi de Dieu et sans lien véritable avec le peuple de l’Alliance ;
les « justes », ou ceux qui se disent justes, qui s’appuient sur la religion officielle et surtout se targuent d’entrer vraiment dans l’expérience de la foi et dans l’obéissance à Dieu.
Comme à son habitude, Jésus, à travers la parabole, nous propose un programme de réflexion, à la fois sur nous-mêmes et sur le cœur de Dieu.
À ses deux fils, le père dit : « mon enfant », et chacun s’entend offrir la même tâche : « Va donc aujourd’hui travailler à ma vigne ».
De même Dieu, qui est en droit de donner des ordres, ne fait pas de discrimination entre ses fils. II ne regarde pas l’extérieur des choses ni l’écorce des cœurs, et il sait rejoindre nos gestes de fidélité au-delà de nos réactions maladroites. À ses yeux, aucun homme n’est classé définitivement, et chacun peut trouver, aujourd’hui, du travail dans la vigne, dans le champ de l’Évangile.
Écoutons et comprenons la réponse des deux fils.
Le premier déclare : « Je ne veux pas » ; puis il regrette, et finalement se rend à la vigne. Ainsi font les pécheurs, qui si souvent ont dit non à Dieu, mais qui maintenant entendent la voix de Jésus et se convertissent.
Le second répond : « Oui, seigneur ! », et ne se dérange pas le moins du monde. Allusion transparente à l’attitude des responsables du peuple : ils s’en tiennent à un oui tout extérieur, ne voulant pas entrer en conflit avec Dieu, mais ils n’entrent pas pour autant dans son projet. Simple respect, sans obéissance.
Et Jésus de tirer lui-même la leçon de la parabole.
Il le fait d’abord presque solennellement : « En vérité, en vérité, je vous le dis : les collecteurs d’impôts et les prostituées vous précèdent dans le Règne de Dieu ». Non seulement ils précéderont les soi-disant justes au dernier jour, mais dès maintenant ils passent devant, parce que, les premiers, ils acceptent de se repentir.
Puis Jésus insiste sur la conversion nécessaire, en rappelant ce qu’a vécu Jean le Baptiste
« Il est venu à vous sur un chemin de justice (comprenons : il s’est totalement ajusté au vouloir de Dieu) et vous ne l’avez pas cru.
Les collecteurs d’impôts et les prostituées, au contraire, lui ont fait confiance ».
Les chefs du peuple ont contesté le Précurseur comme ils récusent maintenant le Messie. Les filles de joie et les péagers, eux, ne s’y sont pas trompés : déjà avec Jean Baptiste ils ont saisi l’occasion du repentir, la chance de leur vie.
Tel est bien le paradoxe de l’Évangile : la réponse de foi vient de ceux qui paraissent lointains, et les habitués passent à côté de la grâce. Proches ou lointains, les vrais fils de Dieu sont ceux qui acceptent la repentance.
Mais en même temps qu’un appel à la conversion la parabole de Jésus est pour nous l’offre d’une espérance, car elle révèle plusieurs des habitudes de Dieu.
Dieu ne se trompe pas sur nos intentions, car il nous rejoint et nous sollicite à la racine même de notre liberté. Il sait que notre oui est souvent superficiel : l’habitude dit oui à notre place, et nous nous rassurons à bon compte en nous mettant dans le camp du Seigneur
Il sait également que notre non n’est jamais définitif : c’est souvent le non de la tristesse, de l’agacement, de la fatigue ou du désarroi, et ce premier refus est vite effacé par notre réponse de soumission, à l’image de Jésus qui, dans son obéissance, est allé « jusqu’à la mort et la mort sur une croix ».
Dieu, inlassablement, oublie nos refus ; il nous offre d’agir en fils, et il donne toutes ses chances même au plus rétif et au plus indocile.