
Première lecture
Job prit la parole et dit : « Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de manœuvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manœuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis : “Quand pourrai-je me lever ? ” Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent faute de fil. Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. »
Psaume
Bénissons le Seigneur qui guérit nos blessures !
Il est bon de fêter notre Dieu, il est beau de chanter sa louange : il guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures.
Il compte le nombre des étoiles, il donne à chacune un nom ; il est grand, il est fort, notre Maître : nul n’a mesuré son intelligence.
Le Seigneur élève les humbles et rabaisse jusqu’à terre les impies. Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce, jouez pour notre Dieu sur la cithare !
Deuxième lecture
Frères, annoncer l’Évangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! Certes, si je le fais de moi-même, je mérite une récompense. Mais je ne le fais pas de moi-même, c’est une mission qui m’est confiée. Alors quel est mon mérite ? C’est d’annoncer l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, et sans faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile. Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour y avoir part, moi aussi.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Le Christ a pris nos souffrances, il a porté nos maladies. Alléluia.
En ce temps-là, aussitôt sortis de la synagogue de Capharnaüm, Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André. Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.
Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait. Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. » Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »
Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons.
Méditer avec les carmes
Dès le premier jour où Jésus, après son baptême, est revenu chez lui, en Galilée, il a été happé par sa mission.
De toute la région on venait à lui, soit pour l’entendre quand il prêchait dans les synagogues avec une autorité toute nouvelle, soit pour se faire guérir ou lui amener des malades.
Ce que saint Marc nous décrit aujourd’hui est un peu une journée type de Jésus, et encore ce jour-là a-t-il été plutôt calme, car après la prédication à la synagogue, la petite troupe des disciples a respecté le repos sacré pour le jour du Seigneur.
Souvent les guérisons commençaient tard : on amenait les malades après la journée de travail, et l’on attendait que le soleil fût couché pour ne pas les transporter en pleine chaleur. Quand les derniers repartaient, guéris, la nuit était parfois fort avancée.
Comment Jésus équilibrait-il cette vie surmenée ? – par la prière. Souvent les disciples l’entendaient se lever, bien avant le jour, et ils se disaient : « Jésus s’en va prier ». Il s’éloignait dans un lieu solitaire, et là, dans le silence, il parlait à son Père avec ses mots d’homme ; il le louait avec les Psaumes d’Israël, il accueillait dans sa volonté d’homme le vouloir de Dieu.
Mais ce matin-là, tout au début de la mission de Jésus, les disciples n’avaient pas encore pris l’habitude de voir le Maître gagner la solitude, et, une fois réveillés, Simon-Pierre en tête, ils partent à sa poursuite. L’ayant enfin trouvé, ils lui disent : « Tout le monde te cherche ! »
La réponse de Jésus va les surprendre : « Allons ailleurs ! »
Les Apôtres arrivaient pour lui dire, en somme : « Tu as réussi ! C’est fait ! Les gens t’ont compris ! Ils veulent t’entendre de nouveau ! » Et Jésus leur déclare : « Allons dans les bourgs voisins, afin que j’y prêche aussi, car c’est pour cela que je suis sorti ».
C’est pour cela qu’il avait quitté Nazareth. C’est pour cela qu’il était venu d’auprès de Dieu. C’est comme si Jésus leur disait : « Savez-vous ce qu’est ma mission ? Savez-vous ce que c’est que la mission ? »
Comme les disciples, nous serions tentés parfois de dire à Jésus : « C’est fait, Seigneur ; notre groupe t’a trouvé ; ensemble nous t’avons écouté ; nous sommes bien ensemble, et bien avec toi. Chez nous, tout le monde te cherche ! Viens parmi nous. Reste chez nous ! »
Dans la vie personnelle de prière, - et pour nous dans la vie d’oraison continuelle – un désir semblable pourrait nous monter au cœur, qui nous ferait dire à Jésus : " Enfin, Seigneur, je t’ai trouvé, retrouvé ! Enfin j’expérimente ta présence ! Reste avec moi, puisque je te cherche ! " Et le Seigneur nous dit : « Allons ailleurs ! Allons vers ceux qui ne me connaissent pas ! Allons, moi avec vous et vous avec moi, pour que l’amour dont mon Père m’a aimé soit connu jusqu’aux confins de la terre. »
Pour un ami, rappelé à Dieu après de grandes souffrances :
Jésus, qui apportait la vie de Dieu, n’a jamais cessé de lutter contre la maladie et la mort. Et non seulement il a associé ses disciples à cette lutte de tous les jours, mais il nous a laissé à tous son regard et son souci des malades, comme un exemple et comme une consigne.
Le recul de la maladie et de la mort était à ses yeux des signes que le Règne de Dieu avait fait, avec lui, irruption dans le monde ; et jamais il n’a séparé, dans son action de Messie, l’annonce de la parole de Dieu et la pitié, une pitié forte pour tous ceux et toutes celles qu’il voyait souffrir.
S’approcher de Jésus, être sauvé par Jésus, c’est devenir un frère universel, c’est ouvrir les yeux aux dimensions de la mission du Christ, c’est se laisser blesser par le tourment du salut de tous les hommes. Il n’est pas nécessaire pour cela de s’expatrier, ni d’entreprendre des projets retentissants. Il suffit souvent de s’enfouir en terre profonde, là où Il nous a semés, la terre profonde qu’a choisie notre ami, la terre où lèvent les moissons de Dieu, moissons de louange et moissons de charité.
Sans quitter le cadre journalier d’une vie d’époux et de frère, les sujétions d’un métier exigeant et les devoirs d’une amitié ouverte et souriante, notre ami a trouvé le Dieu de l’Alliance et de sa jeunesse, parce qu’il l’a recherché de tout son cœur, de tout son être. Et même quand la détresse est venue sur lui, son réflexe a été de s’interdire toute révolte et de revenir plus fidèlement que jamais à son Seigneur pour écouter sa voix ; sa réponse a été d’ouvrir son cœur plus grand que jamais aux souffrances proches ou lointaines.
D’où lui venaient ce cœur missionnaire, cette indulgence inlassable et cette force pour porter l’angoisse, sinon de son contact vrai, adulte, filial, avec le Dieu de miséricorde, avec le Christ, son Pain de vie et la lumière de ses pas ?
« Allons ailleurs, nous dit Jésus, allons au-delà, allons plus loin, allons jusqu’aux extrémités du monde, car c’est pour cela que je suis sorti du Père. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ».
Notre ami est allé jusqu’au bout de sa route ; il est allé plus loin encore, là où le Christ accueille ses bons serviteurs, pour qu’ils continuent, près de lui, à aimer, à servir, à sourire.