
Première lecture
Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Éternel. Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel, car Dieu, pour toujours, te donnera ces noms : « Paix-de-la-justice » et « Gloire-de-la-piété-envers-Dieu ». Debout, Jérusalem ! tiens-toi sur la hauteur, et regarde vers l’orient : vois tes enfants rassemblés du couchant au levant par la parole du Dieu Saint ; ils se réjouissent parce que Dieu se souvient. Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal. Car Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu. Sur l’ordre de Dieu, les forêts et les arbres odoriférants donneront à Israël leur ombrage ; car Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, avec sa miséricorde et sa justice.
Psaume
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie.
Alors on disait parmi les nations : « Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! » Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
Ramène, Seigneur, nos captifs, comme les torrents au désert. Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie.
il s’en va, il s’en va en pleurant, il jette la semence ; il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes.
Deuxième lecture
Frères, à tout moment, chaque fois que je prie pour vous tous, c’est avec joie que je le fais, à cause de votre communion avec moi, dès le premier jour jusqu’à maintenant, pour l’annonce de l’Évangile. J’en suis persuadé, celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus. Dieu est témoin de ma vive affection pour vous tous dans la tendresse du Christ Jésus. Et, dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. Ainsi, serez-vous purs et irréprochables pour le jour du Christ, comblés du fruit de la justice qui s’obtient par Jésus Christ, pour la gloire et la louange de Dieu.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers : tout être vivant verra le salut de Dieu. Alléluia.
L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode étant alors au pouvoir en Galilée, son frère Philippe dans le pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias en Abilène, les grands prêtres étant Hanne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie.
Il parcourut toute la région du Jourdain, en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre des oracles d’Isaïe, le prophète : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu.
Méditer avec les carmes
À la manière biblique, saint Luc situe le ministère du prophète Jésus en se référant aux rois et aux princes contemporains. Mais ces données historiques, qui sont confirmées par des inscriptions et des chroniques de l’antiquité, servent surtout, ici, à préciser dans quel climat politique et spirituel vont retentir le message de Jean puis celui de Jésus.
Nous sommes en 27 ou 28 de notre ère. Depuis plus de vingt ans la Judée n’est plus qu’une province de l’empire romain. Tibère, l’empereur, est loin, mais le préfet Ponce Pilate administre le pays d’une main de fer. Quant au grand prêtre, Caïphe, qui est en place depuis dix ans déjà, c’est à sa diplomatie et à son astuce qu’il doit d’avoir gardé sa position, plus politique que religieuse.
En Galilée comme à Jérusalem, les flambées de nationalisme sont sévèrement réprimées, et les fils d’Israël, pressurés, humiliés par l’occupant, et sans avenir politique, ne peuvent mettre leur espérance qu’en Dieu. Une sorte de soif spirituelle grandit dans certains groupes de croyants. On entend même parler, à l’époque de Jean-Baptiste, de communautés presque monastiques, regroupant des hommes, des femmes et des jeunes, qui se sont créées çà et là non loin de la Mer Morte, et qui gardent les traditions ascétiques des Esséniens.
C’est alors, nous dit l’Évangile, que « la parole de Dieu fut sur Jean, fils de Zacharie », dans le désert où l’Esprit Saint l’avait poussé.
Jean quitte sa longue retraite dans le désert et se met à prêcher dans la région du Jourdain nouvellement peuplée ; et les foules viennent à lui pour se faire baptiser. Le rite du baptême n’était pas, à l’époque, une nouveauté absolue. Divers mouvements religieux le pratiquaient : par exemple, dans la communauté de Qumran, sur les bords de la Mer Morte, des bains quotidiens, réservés aux membres profès, exprimaient leur idéal de pureté morale dans l’attente d’une purification radicale à venir.
Mais par plusieurs traits le baptême proposé par Jean tranchait sur les usages courants. Tout d’abord il était offert à tous, et pas seulement aux membres les plus méritants d’une secte, et il n’était reçu qu’une fois, comme ultime préparation au baptême (plongée) dans l’Esprit Saint que seul le Messie pouvait apporter. Par ailleurs le baptême du Jourdain était donné par le jeune prophète lui-même, au nom de Dieu qui l’avait envoyé. Et surtout, à ses yeux, la conversion était le présupposé indispensable : les disciples ne devaient pas se contenter de proclamer leur idéal par des ablutions rituelles ; il leur fallait se détourner de leur vie pécheresse, s’orienter résolument vers Dieu pour accomplir sa volonté, et se préparer au pardon des péchés qui ne manquerait pas de venir dès que le Règne de Dieu ferait irruption dans le monde.
La force de conviction de Jean était telle qu’elle évoquait irrésistiblement une autre grande voix prophétique entendue cinq siècles auparavant, vers la fin de l’exil à Babylone, et qui criait, de la part de Dieu, un message d’espérance et de conversion : « Frayez dans le désert la route du Seigneur. Tracez droit dans la steppe une chaussée pour notre Dieu ! » (Is 40, 3).
Mais cette route dont parle le prophète, cette route qu’il faut niveler, remblayer, aplanir, où mène-t-elle ? Vers les exilés ? Non pas ; mais vers Jérusalem et la terre des ancêtres. Ce n’est pas une route que les pauvres déblayent pour que Dieu vienne à eux. C’est une chaussée que Dieu lui-même va emprunter avec ses pauvres. Dieu avec eux va traverser le désert ; Dieu avec eux va rentrer au pays, et sa gloire se révèlera. En frayant dans le désert la route de Dieu, les pauvres d’Israël trouveront la route de leur propre liberté.
Et c’est bien cela que Jean le Baptiste annonce à son tour. Il ne dit pas : « Convertissez-vous afin de décider le Messie à venir » ; il proclame : « Convertissez-vous car Il vient. C’est sûr, c’est imminent, et il faut se mettre en route avec lui.
C’est bien aussi le sens de cet Avent que nous vivons avec toute l’Eglise.
Nous préparons Noël, nous nous préparons à fêter le Fils de Dieu qui est venu et qui vient sans cesse parmi nous ; car « le Seigneur vient », et il ne cesse de venir. Mais accueillir Jésus, le Messie de Dieu, l’accueillir comme sauveur, c’est accepter de partir avec lui, c’est prendre avec lui le chemin du retour, car s’il vient parmi nous, c’est pour nous conduire au pays de la gloire, c’est-à-dire à l’amour du Père qui est le but du monde et de l’histoire des hommes.
Jésus, Fils de Dieu, vient parmi nous pour repartir avec nous, et notre route avec lui traversera le désert, désert de notre histoire collective ou désert de notre route personnelle. Tous les jours il faudra redresser, rem-blayer, aplanir ; si bien que notre conversion sera un cheminement, aussi long que le temps du désert pour Israël.
Une chose est sûre, qui déjà peut nous combler de joie, c’est que le Seigneur est là, déjà là, toujours là, dans le désert de la vie où nous essayons tant bien que mal de tracer une route pas trop indigne de Lui qui nous habite. Et l’Eucharistie chaque jour vient nous le rappeler, elle qui est le pain de la route : pour recevoir la force et la lumière il suffit d’ouvrir les mains et les yeux, car le Seigneur vient, et il marche avec nous.