
Première lecture
La parole du Seigneur fut adressée de nouveau à Jonas : « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne, proclame le message que je te donne sur elle. » Jonas se leva et partit pour Ninive, selon la parole du Seigneur. Or, Ninive était une ville extraordinairement grande : il fallait trois jours pour la traverser. Jonas la parcourut une journée à peine en proclamant : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! » Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu. Ils annoncèrent un jeûne, et tous, du plus grand au plus petit, se vêtirent de toile à sac. La chose arriva jusqu’au roi de Ninive. Il se leva de son trône, quitta son manteau, se couvrit d’une toile à sac, et s’assit sur la cendre. Puis il fit crier dans Ninive ce décret du roi et de ses grands : « Hommes et bêtes, gros et petit bétail, ne goûteront à rien, ne mangeront pas et ne boiront pas. Hommes et bêtes, on se couvrira de toile à sac, on criera vers Dieu de toute sa force, chacun se détournera de sa conduite mauvaise et de ses actes de violence. Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne se repentira pas, s’il ne reviendra pas de l’ardeur de sa colère ? Et alors nous ne périrons pas ! »
En voyant leur réaction, et comment ils se détournaient de leur conduite mauvaise, Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacés.
Psaume
Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ?
Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière !
Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne.
Oui, près du Seigneur, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! Alléluia.
En ce temps-là, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut. Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
Méditer avec les carmes
Les vacances sont le temps de l’hospitalité : on vit chez les autres, ou bien l’on accueille les autres chez soi. Et dans la liturgie de ce dimanche, c’est un peu comme si le Seigneur disait : « Et moi ? Est-ce que je peux m’inviter ? Et si Je m’invite, comment serai-je accueilli ? »
En tout cas deux textes nous parlent d’hospitalité.
Dans le premier, c’est le patriarche Abraham qui voit trois voyageurs passer au plus chaud du jour, et qui, immédiatement, selon la belle tradition du désert, leur offre de quoi se rafraîchir et se restaurer, de l’eau pour se laver les pieds, et un repas dont nous apprenons même le menu : des galettes de pain, du lait caillé, et une escalope de veau.
En fait, sans le savoir, il avait invité trois messagers de Dieu, et, en réponse à sa générosité, Dieu lui fait connaître son plan généreux, incroyable pour un vieux foyer sans enfant : « Je reviendrai chez toi l’an prochain ; alors ta femme Sara aura un fils ».
Dans l’Évangile, ce sont deux femmes, Marthe et Marie, qui invitent Jésus. Deux sœurs qui ont tout en commun, et qui, à force de vivre ensemble, en viennent à se trouver réciproquement insupportables. Heureusement leur frère Lazare était là, au moins de temps en temps, pour rendre l’atmosphère un peu moins électrique.
Mais ce jour-là, elles ont un invité : Marthe a convié Jésus à prendre chez elle son repas. Vous connaissez les faits : Marthe part immédiatement dans ses casseroles, tandis que Marie, assise aux pieds du Seigneur, écoute sa parole.
Un moment, Marthe n’y tient plus : " Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse ainsi servir toute seule ? Dis-lui donc de m’aider ! " Mais Jésus ne dit rien à Marie, et c’est à Marthe qu’il s’adresse pour lui faire, amicalement, deux reproches : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour beaucoup de choses ! ». C’est le premier reproche : Marthe perd la paix, tout en voulant loyalement servir son Seigneur. Jésus connaît et approuve son dévouement, mais il la voudrait libre de cœur dans son service
Le second reproche pourrait se traduire ainsi : « Tu n’as pas compris comment je souhaite être invité. Si tu veux faire ma joie, commence par m’écouter ; si tu m’invites, laisse-moi te nourrir d’abord du pain de ma parole. »
Jésus aurait pu ajouter un troisième reproche : « Marthe, tu es jalouse ! Tu es dévouée comme pas une, mais tu es jalouse ! ». Cependant il préfère souligner que c’est Marie qui, des deux, a trouvé l’attitude juste : « Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas ôtée ». Elle a choisi d’écouter, de se laisser instruire et transformer : c’est la seule chose nécessaire, pour tout croyant.
On dénature parfois les paroles de Jésus dans cet épisode, et l’on perpétue la brouille des deux sœurs, par des considérations aventureuses sur Marthe et Marie. On dira, par exemple : « Marthe, c’est la vie active, le témoignage en plein monde ; Marie, c’est la vie contemplative, le retrait du monde pour une existence de prière et d’intercession. Ou bien l’on dira : « Il y a des Marie, il y a des Marthe. Que voulez-vous : moi qui suis une Marthe, qui ne suis qu’une Marthe, ce que j’ai dans le cœur passe par mes mains ; ne me demandez pas de m’arrêter pour la prière ! »
Mais nous sommes là bien loin de la pensée de Jésus. Certes, les vocations sont différentes au sein de l’Église, et le dosage des temps d’action et des temps de prière est différent dans la vie d’une carmélite et dans le quotidien d’une mère de famille ou d’un assistante sociale. Mais il n’y a pas d’un côté des Marthe, et de l’autre des Marie, d’un côté celles qui sont debout et actives, et de l’autre celles qui sont assises aux pieds du Seigneur. Car tout baptisé est à la fois Marthe et Marie ; tous et toutes, comme Lazare nous ressemblons à la fois à nos deux soeurs. Pour chacun de nous la meilleure part est l’écoute de Jésus et la réponse de foi et d’amour que nous lui donnons à la prière ; et chacun de nous doit faire place en priorité à cette écoute priante, même au moment des vacances où le temps du soleil empiète si facilement sur le temps du Seigneur. Chacun de nous puise la force de servir, de comprendre et de pardonner, dans le cœur à cœur avec Jésus, et c’est l’amour reçu de Jésus qui permet d’aimer tous ceux que Jésus aime. Comme disait sainte Thérèse d’Avila, commentant dans sa cinquième Exclamation cet épisode de Marthe et Marie : « Seul l’amour donne du prix à toutes choses, et l’unique nécessaire est d’aimer au point que rien n’empêche d’aimer ».