
Première lecture
Frères, la foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas. Et quand l’Écriture rend témoignage aux anciens, c’est à cause de leur foi.
Grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu : il partit vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait. Grâce à la foi, il vint séjourner en immigré dans la Terre promise, comme en terre étrangère ; il vivait sous la tente, ainsi qu’Isaac et Jacob, héritiers de la même promesse, car il attendait la ville qui aurait de vraies fondations, la ville dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte. Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge, fut rendue capable d’être à l’origine d’une descendance parce qu’elle pensait que Dieu est fidèle à ses promesses. C’est pourquoi, d’un seul homme, déjà marqué par la mort, a pu naître une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, une multitude innombrable. C’est dans la foi, sans avoir connu la réalisation des promesses, qu’ils sont tous morts ; mais ils l’avaient vue et saluée de loin, affirmant que, sur la terre, ils étaient des étrangers et des voyageurs. Or, parler ainsi, c’est montrer clairement qu’on est à la recherche d’une patrie. S’ils avaient songé à celle qu’ils avaient quittée, ils auraient eu la possibilité d’y revenir. En fait, ils aspiraient à une patrie meilleure, celle des cieux. Aussi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu, puisqu’il leur a préparé une ville.
Grâce à la foi, quand il fut soumis à l’épreuve, Abraham offrit Isaac en sacrifice. Et il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses et entendu cette parole : C’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom. Il pensait en effet que Dieu est capable même de ressusciter les morts ; c’est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une préfiguration.
Psaume
Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, car il a visité son peuple.
Il a fait surgir la force qui nous sauve dans la maison de David, son serviteur, comme il l’avait dit par la bouche des saints, par ses prophètes, depuis les temps anciens :
salut qui nous arrache à l’ennemi, à la main de tous nos oppresseurs, amour qu’il montre envers nos pères, mémoire de son alliance sainte,
serment juré à notre père Abraham de nous rendre sans crainte, afin que, délivrés de la main des ennemis, nous le servions dans la justice et la sainteté, en sa présence, tout au long de nos jours.
Évangile
Alléluia. Alléluia.
Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle.
Alléluia.
Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule. Le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque, et d’autres barques l’accompagnaient. Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »
Méditer avec les carmes
Après une série de paraboles (4, 1-34), adressée pour une part aux disciples, une série de quatre miracles (4, 35 - 5, 4), la tempête apaisée, la guérison du démoniaque, le rappel à la vie de la fille de Ya’ir et la guérison de la femme au flux de sang, rappellent que le pouvoir du Messie se manifeste autant par des actes que par des paroles. De plus ce pouvoir atteint aussi bien la nature que les démons ou la mort.
Le cadre, c’est le lac, que les disciples vont traverser vers l’est, puisque l’épisode suivant les situe en pays païen. Une tempête se lève, comme lorsque le vent venu de la mer rencontre les bourrasques du désert syrien, et Jésus dort, sur le coussin du timonier qu’il a mis sous sa tête.
Écoutons ce qu’expriment les disciples, puis Jésus, avant de nous demander l’importance, pour nous, de cet apaisement de la tempête.
Chez les disciples, c’est la peur, et ils reprochent presque à Jésus de s’en désolidariser : « Maître, cela ne te fait rien que nous périssions ! » Rien sur la confiance, rien sur la foi, sinon une vague impression que Jésus, s’il le voulait, y pourrait quelque chose. D’ailleurs les disciples ont pris l’initiative d’emmener Jésus « comme il se trouvait », suivi d’une flottille qui ne parvenait pas à se séparer de lui.
Jésus, d’abord passif et comme absent, est réveillé : c’est l’heure de sa puissance. Il commande à la mer démontée, comme Dieu a menacé le chaos primitif (Ps 104, 7), et il dit : « Silence ! Tais-toi ! », comme à l’esprit impur (1, 25). Sur le champ, la mer obéit, comme il est dit dans le Psaume : « II ramena la bourrasque au silence et les flots se turent. Il se réjouirent de les voir s’apaiser, il les mena jusqu’au port de leur désir » (Ps 107, 29-30). Et Jésus, à son tour, fait des reproches : « Vous avez eu si peur, parce que vous manquez de foi ! » Comme s’ils pouvaient courir un danger alors que Jésus est là, et qu’il dort. Et la « grande crainte » que les disciples éprouvent (cf. Jonas 1, 10) ne débouche que sur une question : « Qui donc est-il ? »
La vie spirituelle nous fait revivre souvent l’angoisse des disciples. Quand les dangers, les incertitudes ou les incompréhensions s’amoncellent autour de nous, notre premier réflexe est de craindre, comme si nous étions seuls, et condamnés à périr, comme si Jésus n’était pas en nous, pour nous fortifier et nous tirer de l’isolement. Ce qui nous surprend, c’est le calme qui se fait en nous quand Jésus a parlé et quand nous l’avons appelé au secours. Quand nous descendons en nous jusqu’au niveau de la foi, quand nous acceptons de voir les choses et les personnes comme Jésus les voit, quand nous décidons de nous en remettre à lui et d’adopter son langage, notre barque cesse de faire eau de toutes parts, le vent tombe, et nous nous reprenons à espérer.
Mais il est des tempêtes, subites ou habituelles, que nous ne pouvons affronter avec nos seules forces et dont Jésus veut se rendre maître. Il faut seulement que nous allions plus loin qu’une question, et qu’un acte de foi authentique vienne nous libérer.
Qu’est-ce qui pourrait lui faire obstacle, si le vent et la mer lui obéissent ?