
Première lecture
Frères, moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous exhorte à vous conduire d’une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous.
Psaume
Voici le peuple de ceux qui cherchent ta face, Seigneur.
Au Seigneur, le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants ! C’est lui qui l’a fondée sur les mers et la garde inébranlable sur les flots.
Qui peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ? L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles.
Il obtient, du Seigneur, la bénédiction, et de Dieu son Sauveur, la justice. Voici le peuple de ceux qui le cherchent ! Voici Jacob qui recherche ta face !
Évangile
Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Père, Seigneur du ciel et de la terre, tu as révélé aux tout-petits les mystères du Royaume ! Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Quand vous voyez un nuage monter au couchant, vous dites aussitôt qu’il va pleuvoir, et c’est ce qui arrive. Et quand vous voyez souffler le vent du sud, vous dites qu’il fera une chaleur torride, et cela arrive. Hypocrites ! Vous savez interpréter l’aspect de la terre et du ciel ; mais ce moment-ci, pourquoi ne savez-vous pas l’interpréter ? Et pourquoi aussi ne jugez-vous pas par vous-mêmes ce qui est juste ? Ainsi, quand tu vas avec ton adversaire devant le magistrat, pendant que tu es en chemin mets tout en œuvre pour t’arranger avec lui, afin d’éviter qu’il ne te traîne devant le juge, que le juge ne te livre à l’huissier, et que l’huissier ne te jette en prison. Je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier centime. »
Méditer avec les carmes
Quand une communauté fait confiance à une sœur au point de lui proposer une tâche de formatrice ou de responsable, c’est qu’elle lui reconnaît une certaine intuition, une certaine capacité de discerner chez une jeune des signes de vocation, ou plus largement, dans la vie quotidienne, la faculté de discerner à temps si c’est le bon vent d’ouest qui arrive sur la communauté, porteur de fraîcheur et d’espoir pour les récoltes, ou si le vent du désert s’est levé, qui va accabler les sœurs et ensabler la maison.
« Vous savez reconnaître l’aspect de la terre et du ciel », dit Jésus. Et vous pourriez renchérir, en disant : « Nous sommes en quête, justement, de critères plus fins, de repères plus objectifs, d’itinéraires plus souples ; nous acceptons maintenant de voir, sans les occulter, des symptômes de lassitude ou de tassement dans les personnes ou les communautés ; nous savons mieux deviner les richesses qui se cachent sous des dehors ingrats ; nous essayons d’entendre ce qui veut se dire au creux même des silences ou des mots maladroits. Vraiment notre « météo » commence à bien fonctionner ; Seigneur Jésus, aie confiance en nous ! »
Mais Jésus nous arrête d’un mot inattendu, apparemment injuste et désolant, un mot heureusement au pluriel : « hypocrites ! »
Où est donc l’hypocrisie ? Où est la comédie, où est le mensonge ? C’est que notre météo s’arrête à l’enveloppe de notre personne, à la bulle de notre microclimat.
« Quel temps fait-il dans ta bulle ? » Voilà la question du Seigneur, une question libératrice, parce qu’elle entame d’un seul coup bien des leurres. Notre microclimat personnel réclame, lui aussi, un discernement adulte, c’est-à-dire à la fois vrai et paisible. Il s’agit, selon saint Paul, de percevoir en nous et de nommer des tensions, des impuissances, des captivités de l’intelligence ou du cœur :
vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir ;
je découvre en moi une autre loi qui combat contre la loi que ratifie mon intelligence ;
je me sens prisonnière de la loi du péché.
« Malheureuse que je suis ! Qui me délivrera ! » (Rm 7, 18-24).
La réponse, chez Paul, est immédiate, et c’est déjà une prière : « Grâces soient rendues à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ! » Il m’offre la liberté, sa liberté de Fils, au moment même où devant lui je reconnais mes servitudes.
Et c’est bien cela que l’Esprit Saint nous amène à discerner : si nous savons reconnaître « l’aspect de la terre et du ciel », sachons reconnaître le temps que nous vivons, le kaïros que nous traversons, le « moment favorable » que Jésus nous offre. Sachons Le discerner dans notre vie, Lui, l’unique, en acte de guérison et de salut.
Accueillons ces temps forts de réflexion, enrichissants et déstabilisants, appauvrissants et restructurants, comme les étapes d’un Exode vers la liberté des filles de Dieu, comme le noviciat de véritables servantes du Seigneur.
Reconnaissons, « rien que pour aujourd’hui », ce temps de l’Eucharistie, comme le moment fertile entre tous, au cœur de la journée, celui où notre désir d’authenticité et notre soif de liberté intérieure se greffent sur le passage pascal de Jésus Fils de Dieu, et redisons, sûrs d’être entendus, la prière inépuisable que nous suggérait à l’instant le Psalmiste :
« Seigneur, apprends-moi à bien juger, à bien saisir, apprends-moi tes volontés. Que m’advienne ta tendresse, et je vivrai ! »