
Première lecture
Frères, vous avez appris de nous comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ; et c’est ainsi que vous vous conduisez déjà. Faites donc de nouveaux progrès, nous vous le demandons, oui, nous vous en prions dans le Seigneur Jésus. Vous savez bien quelles instructions nous vous avons données de la part du Seigneur Jésus. La volonté de Dieu, c’est que vous viviez dans la sainteté, en vous abstenant de la débauche, et en veillant chacun à rester maître de son corps dans un esprit de sainteté et de respect, sans vous laisser entraîner par la convoitise comme font les païens qui ne connaissent pas Dieu. Dans ce domaine, il ne faut pas agir au détriment de son frère ni lui causer du tort, car de tout cela le Seigneur fait justice, comme nous vous l’avons déjà dit et attesté. En effet, Dieu nous a appelés, non pas pour que nous restions dans l’impureté, mais pour que nous vivions dans la sainteté. Ainsi donc celui qui rejette mes instructions, ce n’est pas un homme qu’il rejette, c’est Dieu lui-même, lui qui vous donne son Esprit Saint.
Psaume
Que le Seigneur soit votre joie, hommes justes !
Le Seigneur est roi ! Exulte la terre ! Joie pour les îles sans nombre ! Ténèbre et nuée l’entourent, justice et droit sont l’appui de son trône.
Les montagnes fondaient comme cire devant le Seigneur, devant le Maître de toute la terre. Les cieux ont proclamé sa justice, et tous les peuples ont vu sa gloire.
Une lumière est semée pour le juste, et pour le cœur simple, une joie. Que le Seigneur soit votre joie, hommes justes ; rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous pourrez vous tenir debout devant le Fils de l’homme. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes : les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile. Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Au milieu de la nuit, il y eut un cri : ‘Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre. ’ Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et se mirent à préparer leur lampe. Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes : ‘Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. ’ Les prévoyantes leur répondirent : ‘Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter. ’ Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent : ‘Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! ’ Il leur répondit : ‘Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas. ’ Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
Méditer avec les carmes
La parabole des dix jeunes filles prend place, dans l’Évangile de Matthieu, à l’intérieur du grand discours eschatologique sur les événements qui marqueront le retour du Seigneur.
L’époux vient chercher sa promise pour la conduire chez lui : c’est l’image du Christ, Époux-Messie et Juge des derniers temps, qui viendra chercher sa communauté pour l’introduire dans sa propre gloire. Les demoiselles d’honneur qui doivent accueillir puis escorter l’époux symbolisent la communauté de Jésus, tous ses fidèles qui attendent la Parousie.
Mais attendre ne suffit pas : il faut se préparer, pour être à tout moment en état d’accompagner le Christ. Vigilance d’autant plus urgente que l’heure de son retour n’est pas prévisible. Aucun signe annonciateur ne permettra de trouver des expédients de dernière heure : au moment du cri : « Voici l’époux ! », il sera déjà trop tard.
Cette nécessité de la vigilance nous aide à comprendre le refus de partager l’huile au moment où l’époux arrive. Au premier abord, on serait tenté d’y voir un manque d’entraide ou un signe d’égoïsme ; en réalité Jésus, dans sa parabole, souligne qu’un devoir plus pressant doit mobiliser à ce moment toutes les énergies : il faut, en priorité, que l’époux soit éclairé et fêté sur tout son parcours jusqu’à l’entrée dans la salle des noces. Les insouciantes ne peuvent s’en prendre qu’à elles-mêmes.
D’où la réponse sévère de l’époux derrière la porte close : il fallait être là au bon moment, et donc prévoir des réserves suffisantes pour durer ! La rencontre décisive avec le Seigneur ne s’improvise pas. Pour être prêt à l’heure, il faut se préparer à toute heure, et maintenir éveillée la flamme de la foi au Christ. C’est le sens de la réserve d’huile : dans le judaïsme, l’huile symbolisait les bonnes œuvres, mais aussi la joie de l’accueil ; ici, dans la parabole, l’huile gardée en réserve mesure la qualité de l’amour de celles qui acceptent de veiller.
De cette parabole lumineuse de Jésus, emportons simplement quatre thèmes, qui pourront nourrir notre méditation durant cette semaine.
Inlassablement, le Christ tourne nos regards vers le terme, mais toujours d’une manière tonique et dynamisante ; car ce terme, terme de l’existence ou terme de l’histoire, sera le début d’une communion décisive avec la vie de Dieu. Bien plus, il nous est donné d’anticiper cette communion dans la prière et le service du Maître. C’est le sens de notre fidélité ; c’est tout l’enjeu de notre vigilance : une lampe à moitié vide ne tiendra pas la soirée, une vie à moitié donnée tiendra-t-elle jusqu’à la venue du Seigneur ? Personne ne peut veiller à notre place, car il y va de la qualité du cœur. On aime ou l’on ne sait pas aimer. On attend ou l’on ne sait plus attendre ; mais l’amour ne s’achète pas chez le marchand.
Autre enseignement de notre Évangile : le Christ des Béatitudes n’a pas craint de se présenter avec insistance comme le Seigneur qui jugera ; et l’on ne peut éliminer cette dimension du jugement sans tronquer le message de Jésus. Encore faut-il bien entendre ce que Jésus veut rappeler. Pour lui, comme pour les prophètes, toute allusion au jugement, donc tout appel à un usage authentique de notre liberté, fait partie d’une pédagogie d’amour et de salut. Notre foi est ramenée par là au réalisme de l’Evangile : ni crainte obsessionnelle devant Dieu, ni désinvolture devant l’urgence du Royaume, mais vigilance active. Comme Jésus le suggère dans la suite de ce chapitre de saint Matthieu, la mise en œuvre fidèle des talents reçus du Seigneur, et le souci des plus petits parmi les frères du Christ, voilà la réserve d’huile qui permettra à la flamme de repartir, même après une somnolence.
En troisième lieu, Jésus nous présente la vie à sa suite comme une vigilance qui prépare la fête. C’est une existence à la fois sérieuse et joyeuse, à la fois responsable et spontanée, où les exigences accompagnent les promesses. Il n’y aura pas de fête s’il n’y a pas de veille, mais veiller pour le Christ est déjà une fête.
Enfin la parabole de Jésus nous rappelle une dimension essentielle de l’Eucharistie. Si en effet l’Eucharistie est bien mémorial des œuvres de Dieu en Jésus-Christ, si elle est accueil de la vie de Dieu dans l’aujourd’hui des hommes, chaque messe est aussi une annonce prophétique du retour du Seigneur : « nous attendons ta venue dans la gloire. » Chaque messe vient réveiller l’espérance du peuple de Dieu ; et pour nous qui aimons le Seigneur, c’est un moment béni de vigilance.