
Première lecture
En ces jours-là, sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. À coups de fouet et de nerf de bœuf, le roi Antiocos voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite. L’un d’eux se fit leur porte-parole et déclara : « Que cherches-tu à savoir de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les lois de nos pères. » Le deuxième frère lui dit, au moment de rendre le dernier soupir : « Tu es un scélérat, toi qui nous arraches à cette vie présente, mais puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. » Après cela, le troisième fut mis à la torture. Il tendit la langue aussitôt qu’on le lui ordonna et il présenta les mains avec intrépidité, en déclarant avec noblesse : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise, et c’est par lui que j’espère les retrouver. » Le roi et sa suite furent frappés de la grandeur d’âme de ce jeune homme qui comptait pour rien les souffrances. Lorsque celui-ci fut mort, le quatrième frère fut soumis aux mêmes sévices. Sur le point d’expirer, il parla ainsi : « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie. »
Psaume
Au réveil, je me rassasierai de ton visage, Seigneur.
Seigneur, écoute la justice ! Entends ma plainte, accueille ma prière. Tu sondes mon cœur, tu me visites la nuit, tu m’éprouves, sans rien trouver.
J’ai tenu mes pas sur tes traces, jamais mon pied n’a trébuché. Je t’appelle, toi, le Dieu qui répond : écoute-moi, entends ce que je dis.
Garde-moi comme la prunelle de l’œil ; à l’ombre de tes ailes, cache-moi, Et moi, par ta justice, je verrai ta face : au réveil, je me rassasierai de ton visage.
Deuxième lecture
Frères, que notre Seigneur Jésus Christ lui-même, et Dieu notre Père qui nous a aimés et nous a pour toujours donné réconfort et bonne espérance par sa grâce, réconfortent vos cœurs et les affermissent en tout ce que vous pouvez faire et dire de bien.
Priez aussi pour nous, frères, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course, et que, partout, on lui rende gloire comme chez vous. Priez pour que nous échappions aux gens pervers et mauvais, car tout le monde n’a pas la foi. Le Seigneur, lui, est fidèle : il vous affermira et vous protégera du Mal. Et, dans le Seigneur, nous avons toute confiance en vous : vous faites et continuerez à faire ce que nous vous ordonnons. Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Jésus Christ, le premier-né d’entre les morts, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles.
Alléluia.
En ce temps-là, quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; de même le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants. Finalement la femme mourut aussi. Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? »
Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »
Méditer avec les carmes
Cet épisode de l'Évangile se situe vers la fin de la vie de Jésus. De tous côtés on essaie de le prendre au piège de ses propres paroles, et tous ses adversaires se liguent contre lui :
- les pharisiens, maîtres à penser des classes moyennes,
- les politiciens partisans du roi Hérode,
- les sadducéens dont nous parle le texte d'aujourd'hui.
Qui étaient-ils, ces sadducéens ? C'étaient les descendants d'une très vieille famille sacerdotale, celle de Sadoq. (...) Ils revendiquaient la plus haute charge religieuse de la nation, celle de grand prêtre, qui comportait un pouvoir politique. Par exemple le sadducéen Caïphe, qui condamnera Jésus, était à la fois grand prêtre et chef de l'état, sous la tutelle de l'occupant romain. (...).
L'idée de la résurrection des morts, il faut le souligner, était, à l'époque, relativement récente, puisqu'elle n'était apparue clairement, pour la première fois, qu'au deuxième siècle avant le Christ, dans le livre de Daniel et le livre des Martyrs d'Israël (Dn 12,1-3 ; 2 Ma 7,9-11.23.29).
Les pharisiens admettaient la résurrection corporelle ; les sadducéens y étaient farouchement opposés, et c'est pourquoi ils arrivent auprès de Jésus avec une histoire montée de toutes pièces. Ils voudraient démontrer à la foule que l'idée de la résurrection est impensable, et par là ils espèrent discréditer l'enseignement de Jésus.
L'exemple, bien sûr, est totalement inventé, pour poser le problème de la résurrection d'une manière embarrassante : « À la résurrection, de qui cette femme sera-t-elle l'épouse ? La Loi ne peut aboutir à des situations aussi absurdes; donc la résurrection n'existe pas ! »
Jésus n'entre pas dans le jeu de ses ennemis, mais il répond successivement sur deux points :
Tout d'abord il rappelle le comment de la résurrection.
(...) selon Jésus, lorsque nous ressusciterons, nous ne deviendrons pas des anges, mais « comme » des anges. Nous aurons un corps de gloire, mais nos désirs ne seront plus les mêmes. Ce qui comptera dans la vie future, ce sera d'être fils et filles de Dieu. Certes, les époux de la terre se retrouveront, mais pour vivre en plénitude ce qu'ils auront cherché à deux sur la terre : l'amour de Dieu. La vie de Dieu sera tellement fascinante et le rayonnement de sa joie tellement intense que les époux, dans la gloire, n'auront de regard que pour Lui et de bonheur qu'en Lui. De même qu'ici-bas la prière inspirée par l'Esprit est au-delà de tous les mots et les contient tous, de même la communion des élus avec Dieu sera au-delà de toutes les amitiés et les contiendra toutes. (...)
Puis Jésus réaffirme solennellement la certitude de la résurrection ; et il va droit à l'essentiel.
Nous ressusciterons parce que la puissance de Dieu nous ressuscitera. (...) « Dieu n'est pas un Dieu de morts, mais de vivants ». Si donc, lors de l'épisode du Buisson ardent, Dieu déclare à Moïse : « Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob », c'est que ces hommes, bien que morts, sont gardés en vie et en dialogue avec Lui, prêts pour la résurrection.
De plus quand Dieu nous ressuscitera, il ne nous rendra pas la même vie, précaire et limitée, qu'auparavant, mais une vie entièrement nouvelle, qui sera une participation à la vie du Christ ressuscité, et donc une communion totale et définitive avec le Dieu vivant.
La question des sadducéens, loin de désarçonner Jésus, lui a donc permis de jeter une lumière nouvelle sur la mort et la vie. Pour Jésus, la vie future de l'homme est d'avance enclose dans la vie de Dieu, et c'est parce que Dieu est vivant que nous vivrons avec lui. Dès lors, pour notre foi la résurrection est certaine, même si ses modalités sont encore entourées de mystère. Nous savons que tout l'homme vivra de la vie nouvelle inaugurée par la victoire du Premier-né, et quand des interrogations montent en nous touchant l'au-delà, notre seul recours est de regarder le Christ qui est venu et d'attendre le Christ qui viendra et qui vient ; notre seul réflexe doit être d'écouter de nouveau la parole de Jésus à Marthe :
« Je suis la résurrection. Qui croit en moi, fût-il mort, vivra ;
et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais.
Crois-tu cela ? » (Jn 11,26-26)