
Première lecture
Ainsi parle le Seigneur : « Vous dites : ‘La conduite du Seigneur n’est pas la bonne’. Écoutez donc, fils d’Israël : est-ce ma conduite qui n’est pas la bonne ? N’est-ce pas plutôt la vôtre ? Si le juste se détourne de sa justice, commet le mal, et meurt dans cet état, c’est à cause de son mal qu’il mourra. Si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie. Il a ouvert les yeux et s’est détourné de ses crimes. C’est certain, il vivra, il ne mourra pas. »
Psaume
Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse.
Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve.
Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours. Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ; dans ton amour, ne m’oublie pas.
Il est droit, il est bon, le Seigneur, lui qui montre aux pécheurs le chemin. Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin.
Deuxième lecture
Frères, s’il est vrai que, dans le Christ, on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage avec amour, si l’on est en communion dans l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la compassion, alors, pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité. Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres.
Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : ayant la condition de Dieu, il ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.
Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ; moi, je les connais, et elles me suivent. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : ‘Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.’ Celui-ci répondit : ‘Je ne veux pas.’ Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla. Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : ‘Oui, Seigneur !’ et il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. »
Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »
Méditer avec les carmes
Poursuivons un moment la parabole de Jésus et imaginons que les mêmes faits se reproduisent plusieurs fois ou se soient reproduits souvent dans la jeunesse des deux enfants. Le père se dira : « Je ne sais pas ce que j’ai fait pour voir des fils si différents ; l’un dit toujours : « Oui, papa », et ne bouge pas ; l’autre dit toujours : « Non », et il fait le travail. Désormais le père saura à quoi s’en tenir sur les réactions de ses fils et sur leur cœur profond. Il continuera de les envoyer à la vigne, mais il nuancera sa pédagogie.
Au fond, les deux fils se méprennent sur l’amour de leur père. L’amour paternel est toujours à la fois bonté et exigence, parce qu’à la fois un père aime son fils et veut son bien. Dans la parabole, le premier fils, celui qui dit : « Je ne veux pas », bouscule la bonté de son père, mais finalement accepte son exigence. Le second fils, celui qui dit : « Oui, papa », ne heurte pas la bonté du père, mais n’accueille pas son exigence. En définitive, et c’est là que Jésus veut en venir, le véritable critère de l’amour filial, c’est l’obéissance. Le « dire » peut rester superficiel ; le « faire », lui, reflète la pente profonde du cœur.
Et Jésus propose une application directe de sa parabole et déclare sans ambages aux grands prêtres et aux anciens du peuple - donc aux autorités politiques et religieuses - « En vérité, je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu ». Non pas à cause de leur métier, bien sûr, mais parce qu’ils ont été capables de conversion. « Jean le Baptiste est venu à vous par une voie de justice », dit Jésus. Il est venu dire comment s’ajuster à Dieu et à sa volonté. Les publicains et les prostituées, eux, ont cru en Jean-Baptiste, ils se sont convertis, et par là se sont mis déjà en route vers le Royaume. Rejetés qu’ils étaient de la communauté des croyants, ils n’avaient pas sans cesse à la bouche les paroles de la foi, mais ils ont su mettre en œuvre leur conversion. Ils n’ont pas dit ; ils ont fait. Ils n’ont rien proclamé, ils ont obéi à Dieu. Et en obéissant à Dieu, ils ont retrouvé son projet, qui est toujours un projet de vie. Comme disait il y a un instant le prophète Ezéchiel au nom du Seigneur : « Lorsque le pécheur se détourne du péché qu’il a commis pour pratiquer le droit et la justice, il mérite de vivre » (Ez 18, 17). Les responsables du peuple, voyant que le cœur des pécheurs avait changé, auraient dû, à leur tour, se convertir. Mais ils n’en ont rien fait, et Jésus les a trouvés tout aussi rétifs au message du Royaume.
Quant à nous, il nous appartient d’interpréter pour nous-mêmes la parabole dans la direction que Jésus lui-même a esquissée. L’affirmation de base reste la même : Dieu est Père ; il connaît bien ses fils et ses filles, leur histoire personnelle et leur tempérament. Ce qui l’intéresse, c’est le fond de notre cœur, cette région secrète de nous-mêmes, que seul l’Esprit de Dieu peut sonder, et où s’élaborent les choix décisifs, les conversions et les engagements.
Parfois nous en restons au niveau du dire. Comme par habitude, nous disons : « Oui, Seigneur », « Oui, Père », mais le cœur ne suit pas, les œuvres ne viennent pas et le Seigneur ne nous retrouve pas dans sa vigne.
Parfois quelque chose se durcit ou se bloque dans notre relation à Dieu, et parce que la foi nous remet en Exode, parce que notre allégeance au Christ étonne autour de nous, ou encore parce qu’une souffrance rend le visage de Dieu méconnaissable, nous ne retournons agressivement contre lui : « Non, je n’irai pas la vigne, non je ne veux pas continuer à m’oublier ; non je ne veux plus servir dans ces conditions qui me sont faites.
Ce refus peut durer un jour, une semaine, s’étaler sur toute une tranche de vie, et la tristesse, alors, s’installe dans notre cœur. Mais le Père nous connaît ; il patiente, et pourvoit sans nous au soin de la vigne. Et quand le moment vient où nous prenons conscience de l’amour que nous avons blessé, nous revenons à la vigne où travaillent nos frères, et sans un reproche, Dieu nous dit : « Je t’attendais ».