
Première lecture
Toute la terre avait alors la même langue et les mêmes mots. Au cours de leurs déplacements du côté de l’orient, les hommes découvrirent une plaine en Mésopotamie, et s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons ! fabriquons des briques et mettons-les à cuire ! » Les briques leur servaient de pierres, et le bitume, de mortier. Ils dirent : « Allons ! bâtissons-nous une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux. Faisons-nous un nom, pour ne pas être disséminés sur toute la surface de la terre. » Le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et le Seigneur dit : « Ils sont un seul peuple, ils ont tous la même langue : s’ils commencent ainsi, rien ne les empêchera désormais de faire tout ce qu’ils décideront. Allons ! descendons, et là, embrouillons leur langue : qu’ils ne se comprennent plus les uns les autres. » De là, le Seigneur les dispersa sur toute la surface de la terre. Ils cessèrent donc de bâtir la ville. C’est pourquoi on l’appela Babel, car c’est là que le Seigneur embrouilla la langue des habitants de toute la terre ; et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la surface de la terre.
Psaume
Ô Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !
Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Revêtu de magnificence, tu as pour manteau la lumière !
Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur ! Tout cela, ta sagesse l’a fait ; la terre s’emplit de tes biens. Bénis le Seigneur, ô mon âme !
Tous, ils comptent sur toi pour recevoir leur nourriture au temps voulu. Tu donnes : eux, ils ramassent ; tu ouvres la main : ils sont comblés.
Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre.
Deuxième lecture
Frères, nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance ; voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment peut-on l’espérer encore ? Mais nous, qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. Bien plus, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Viens, Esprit Saint ! Emplis le cœur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour ! Alléluia.
Au jour solennel où se terminait la fête des Tentes, Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui. En effet, il ne pouvait y avoir l’Esprit, puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié.
Méditer avec les carmes
La fête des Huttes se célébrait en septembre, durant huit jours, à l’époque des vendanges. On y rappelait la fidélité de Dieu au cours de l’Exode, on remerciait Dieu pour les récoltes présentes, et l’on redisait l’espérance d’Israël concernant le temps du Messie et les bénédictions qu’il apporterait.
L’un des rites les plus parlants et les plus joyeux de cette fête des Huttes était la procession de l’eau. Les hommes, rassemblés, descendaient dans la vallée jusqu’à la source de Gihôn, puis, en dansant, il remontaient jusqu’au Temple, tenant en mains un cédrat et un bouquet de verdure, fait de branches de saule, de myrte et de palmier. Arrivés au Temple, chacun venait frapper l’autel avec sa poignée de verdure comme pour appeler de belles pluies d’automne, et un prêtre versait sur l’autel l’eau de Gihôn apportée dans un broc d’argent. Le chant traditionnel de cette procession était celui que nous reprenons chaque dimanche : « Dieu, le Seigneur, nous illumine. Rameaux en mains, formez vos cortèges jusqu’aux coins de l’autel » (Ps 118, 27). Bien évidemment le triple symbolisme de l’eau, de la verdure et des fruits trahit l’origine agricole de la fête. Même les huttes étaient primitivement des cabanes de feuillage où les vignerons s’abritaient durant quelques nuits.
On comprend que Jésus ait choisi cette fête de la joie, de l’action de grâces et de l’espérance, pour une révélation toute nouvelle qu’il voulait faire à la foule des pèlerins.
Au jour le plus solennel de la fête, dans les parvis du Temple, tout à coup Jésus se mit à crier : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi ; qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture :’De son sein couleront des fleuves d’eau vive ! »
Autrement dit : « Vous voulez de l’eau, vous cherchez l’eau, vous fêtez l’eau, vous demandez à Dieu l’eau vive ? c’est moi qui vais vous la donner ! » ; et l’invitation de Jésus dessine déjà toute un itinéraire spirituel.
Au point de départ : la soif. Il faut avoir soif, il faut retrouver la soif, il faut préserver en soi cette richesse de la soif, non pas parce qu’elle est une souffrance, mais parce qu’elle est un appel. Nous nous plaignons parfois au Seigneur de ne plus ressentir cette soif de lui qui a été si forte au moment de nos grandes promesses ; mais nous ne cessons pas de boire à toutes les fontaines immédiates, fontaine du succès, fontaine du pouvoir, fontaine de l’influence, fontaine de la parole bavarde qui ne désaltère jamais personne, fontaine de l’écoute gourmande qui dévalue toute parole et qui fausse les liens de la fraternité.
Quand, au contraire, la soif est bien présente au point de départ, on vient au Christ, on se met en marche vers lui. Le Christ devient ou redevient l’urgence première, son amour de nouveau rassemble tous les désirs, la source qu’il promet devient l’unique nécessaire. On vient au Christ, et c’est cela, la foi.
« Celui qui croit en moi, dit Jésus, qu’il boive » ; qu’il boive pour vivre, qu’il boive de cette eau qui lui a trop manqué et qui va rendre à tout son être la santé et la fraîcheur.
Or ce que le Christ donne à boire, c’est son Esprit, l’eau vive, l’eau insaisissable, l’eau toujours en mouvement, l’Esprit, force efficace de Dieu, force tellement divine qu’elle est, en Dieu, une personne. Bien sûr l’Esprit a été à l’œuvre pour le bonheur des hommes depuis qu’il y a des hommes qui cherchent le bonheur ; et pourtant, selon Jean, au moment où Jésus crie cela dans le Temple, « il n’y avait pas encore d’Esprit », l’Esprit n’avait pas encore inauguré son rôle d’autreParaclet, parce que Jésus, premier Paraclet, était encore en ce monde, lui qui était pas de ce monde. Le coup de lance n’avait pas encore percé le côté de Jésus, la passion glorifiante n’avait pas encore achevé l’œuvre du Fils, et l’humanité du Christ, qui manifestait déjà la gloire du Père, était encore assujettie aux limites de notre terre.
Et c’est pourquoi l’évangéliste parle au futur : « Jésus désignait ainsi l’Esprit que devaient recevoir (plus tard) ceux qui croiraient en lui ». Ce futur, inouï, est devenu notre quotidien. Parce que Jésus est mort et ressuscité, nous vivons les merveilles de l’Esprit, qui nous murmure ce que Jésus a crié, qui nous remémore ce que Jésus, sur terre, a révélé, qui nous conduit, à partir de la parole de Jésus, jusqu’à la vérité tout entière, et qui fait vivre en nous le message du Père, pour lequel Jésus est mort.
En buvant l’eau vive, voici que nous remontons à la source. En buvant l’Esprit, nous voici en communion avec le Fils qui nous l’envoie d’auprès du Père, avec le Père qui nous le donne au nom du Fils.
Nos yeux ne voient pas, nos mains ne touchent pas le Verbe de vie, mais l’Esprit est là, qui poursuit l’œuvre du Fils et achève toute sanctification pour tous ceux qui ont soif.