
Première lecture
Bien-aimés, nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier. Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère.
Celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. Car tel est l’amour de Dieu : garder ses commandements ; et ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Or la victoire remportée sur le monde, c’est notre foi.
Psaume
Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront.
Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice. Qu’il gouverne ton peuple avec justice, qu’il fasse droit aux malheureux !
Il les rachète à l’oppression, à la violence ; leur sang est d’un grand prix à ses yeux. On priera sans relâche pour lui ; tous les jours, on le bénira.
Que son nom dure toujours ; sous le soleil, que subsiste son nom ! En lui, que soient bénies toutes les familles de la terre ; que tous les pays le disent bienheureux !
Évangile
Alléluia, Alléluia. Le Seigneur m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération. Alléluia.
En ce temps-là, lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche.
Méditer avec les carmes
« Aujourd’hui » : c’est le premier mot et le mot-clé de la première homélie de Jésus dans la synagogue de son enfance. La communauté s’était rassemblée pour un sabbat tout ordinaire, et le texte d’Isaïe que Jésus lecteur avait proclamé était depuis longtemps dans les mémoires ; mais le commentaire de Jésus éveille tout de suite l’attention de ces hommes et de ces femmes qui le connaissaient tous comme le fils de Joseph.
« Aujourd’hui, dit Jésus, cette écriture est accomplie dans vos oreilles », accomplie pour vous qui l’entendez et au cœur même de votre écoute. Et comment s’accomplit-elle ? Parce que Jésus s’applique à lui-même la parole du prophète : « l’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a conféré l’onction » pour une œuvre de liberté, de lumière et de miséricorde.
Quelle foi il aurait fallu ce jour-là aux gens de Nazareth pour accepter pareille révélation, pareille identification de Jésus au Messie attendu, et pour repartir chez eux en se disant : « le fils du charpentier est habité par l’Esprit de Dieu ; le fils de Joseph a inauguré aujourd’hui la libération d’Israël ! »
« Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Tous lui rendaient témoignage », et donc le regardaient déjà avec sympathie, « et ils s’étonnaient de la grâce qui sortait de sa bouche » : c’était bien en effet la grâce de Dieu qu’il annonçait à tous.
Mais ils en resteront, ce jour-là, au stade de l’étonnement ; puis, très vite, la colère grondera en eux, quand Jésus parlera d’offrir son message et ses miracles également aux païens, comme au temps d’Élie et d’Élisée.
Quel acte de foi le Christ-Messie nous demande, lorsqu’il redit, au cœur de notre liturgie : « L’Esprit du Seigneur est sur moi », et lorsqu’il affirme : « Aujourd’hui cette écriture est accomplie en vos oreilles » !
Si « aujourd’hui » est pour nous aussi le jour du salut, si aujourd’hui encore la parole de Jésus doit trouver son accomplissement, cela signifie qu’il faut nous identifier, à notre tour, non pas, comme Jésus, au Prophète porteur de l’Esprit, mais aux auditeurs visés par le prophète, aux croyants visités par Jésus : les pauvres, les captifs, les aveugles et les opprimés.
Aujourd’hui, en effet, Jésus nous trouve pauvres d’espérance et de joie, las d’attendre et de demander, et il vient à nous, rayonnant de gloire, avec une bonne nouvelle : il envoie d’auprès du Père l’Esprit Paraclet, pour qu’il soit à jamais avec nous.
Aujourd’hui nous montrons à Jésus les chaînes de notre cœur, tout ce qui nous rive à un passé pourtant déjà révolu et pardonné, tout ce qui paralyse notre amour dans le quotidien, tout ce qui retient l’élan de notre confiance face à l’avenir personnel et communautaire.
Aujourd’hui nous tâtonnons, comme des aveugles, dans notre propre vie de louange et de service, mais le Ressuscité « illumine les yeux de notre cœur » et nous donne l’Esprit « pour nous faire connaître les dons que Dieu nous a faits ».
Aujourd’hui enfin nous plions sous le joug de nos propres passions ou nous nous sentons communautairement esclaves de notre passé, parce que le pardon tarde, parce que la miséricorde s’arrête à mi-chemin, parce que nous n’osons plus espérer avec ceux qui nous ont blessés.
Et Jésus nous apporte sa liberté de Fils heureux dans la maison du Père. Il nous fait don de son amour sans frontières, sans reprises, sans lassitude, et il nous offre une joie que personne ne pourra nous ravir.
En retour, il ne nous demande qu’une chose, toute simple mais porteuse de certitude et de paix : garder « les yeux fixés sur lui » qui baptise dans l’Esprit, garder ensemble les yeux sur lui seul :
Lui, lui, rien que lui, son mystère et son œuvre.