
Première lecture
Moïse disait au peuple : « Vois ! Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Ce que je te commande aujourd’hui, c’est d’aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements, ses décrets et ses ordonnances. Alors, tu vivras et te multiplieras ; le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession. Mais si tu détournes ton cœur, si tu n’obéis pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux et à les servir, je vous le déclare aujourd’hui : certainement vous périrez, vous ne vivrez pas de longs jours sur la terre dont vous allez prendre possession quand vous aurez passé le Jourdain. Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c’est là que se trouve ta vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. »
Psaume
Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur.
Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit !
Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu’il entreprend réussira. Tel n’est pas le sort des méchants.
Mais ils sont comme la paille balayée par le vent, Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra.
Évangile
Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie. Convertissez-vous, dit le Seigneur, car le royaume des Cieux est tout proche. Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »
Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? »
Méditer avec les carmes
« Choisis la vie, dit Moïse, en s’adressant à la fois au peuple d’Israël et à chaque membre du peuple de Dieu. C’est une consigne pressante, c’est une exigence de Dieu, mais sur la toile de fond d’une promesse. Car Moïse, dans le Deutéronome, se trouve au pays de Moab au moment où il harangue son peuple. De ces monts de Moab on devine, au loin vers l’ouest, les collines de Judée et la plaine de Jéricho, la Terre promise, où Moïse n’entrera pas, mais dont le peuple va prendre possession : c’est une certitude, c’est promis.
« Choisis la vie » ; fais le choix que Dieu a fait pour toi : c’est le testament de celui qui parlait à Dieu. Et Moïse de préciser ce qu’il entend par vivre :
« Choisis la vie, afin que tu vives, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix et en t’attachant à lui, car ta vie est là ! »
Aimer, écouter le Christ, s’attacher à lui, tout est là, en effet, pour nous. Au cœur de nos tâches journalières, au cœur même du bonheur que nous construisons, il nous faut viser cette vie-là, la vie avec le Christ, comme l’aiguille revient obstinément sur le nord.
Vivre, c’est le Christ, le Christ dans le cœur à cœur de la prière, car il faut que le cœur vive, le Christ dans l’intelligence, car nous ne serons jamais rassasiés de la gloire qui rayonne sur sa Face, le Christ servi en toute gratuité dans ses sœurs ou ses frères, car nous ne pouvons rêver de mission universelle si notre amour ne s’authentifie pas dans le quotidien.
La vie est là dans l’amour que Dieu nous offre et dans l’amour qu’il attend de nous ; et finalement l’échec serait non pas de vivre sans créer, mais de vivre sans aimer. Notre vie peut être pauvre de choses mesurables, mais nous ne pouvons pas nous résigner à être pauvres d’amour. C’est pourquoi si souvent nous arrivons devant Dieu les mains ouvertes, pour qu’il nous donne de savoir donner.
« Choisis la vie », dit Moïse. « Accepte la croix », ajoute Jésus. Il ne dit pas : « choisis ta croix ; fais-toi une croix à ta mesure » ; mais bien plutôt : « laisse-toi mesurer par la croix que tu rencontres quand tu décides vraiment de me suivre ».
La croix, pour le Christ, a été tourment, rejet, ignominie ; et souvent notre croix de disciples est faite de choses qui ne devraient pas être, de situations illogiques ou injustifiables, de pesanteurs que nous sommes incapables d’éliminer tout seuls, de ces mille contretemps qui se mettent en travers de notre projet de vie, et qui risquent parfois de dévaluer à nos yeux le quotidien, de masquer les véritables urgences ou de parasiter plus ou moins profondément notre existence de baptisés par des sentiments de déception, de lassitude, d’échec ou de tristesse.
« Celui qui veut marcher à ma suite, dit Jésus, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive ! » Choisir la vie, c’est choisir de perdre sa vie pour le Christ.
Pour le Christ, par amour pour le Christ, pour suivre le Christ, sinon cela n’aurait pas de sens. Et perdre sa vie pour le Christ, cela ne signifie pas faire les choses à moitié, à l’envers, ou sans goût ; ce n’est pas renoncer au dynamisme, ni tuer la beauté ou la sagesse des choses ; c’est accepter, dans la fidélité, de vivre une existence traversée, imprévisible, insécure, errante sur place, de porter, s’il le faut, pour Jésus et avec Jésus, le poids de la solitude, du service obscur ou de l’incompréhension.
Assumer la croix pour le Christ, c’est vouloir aller jusqu’au bout avec lui, jusqu’au bout de son appel, jusqu’au bout de notre réponse, jusqu’au bout des solidarités que lui-même nous demande. Assumer la croix, ce n’est pas choisir de manquer sa vie, mais c’est vouloir la réussir en Jésus et pour Jésus, en le suivant sur sa route de liberté.
La croix, telle que Jésus l’envisage pour nous, ce n’est pas la croix prévue une fois pour toutes, comme on fait la part du feu, mais c’est la croix chaque jour ; ce qui revient, parce que l’on aime, à décider d’y mettre chaque jour le prix.
« Choisis la vie », dit Moïse. « Choisis l’audace », ajoute Jésus.