Le grand silence de Nazareth
Dans le silence de Nazareth, Joseph porte avec fidélité un secret d’une valeur inestimable : la présence du Messie parmi eux, un mystère qu’il garde avec une justice et une discrétion exemplaires. Homme juste et protecteur, il incarne la vertu de celui qui sait préserver la foi au cœur des attentes humaines, révélant ainsi la profondeur spirituelle de son rôle unique aux côtés de Marie et de Jésus.
Les « Trois » de Nazareth sont dépositaires d’un grand secret.
A ne livrer à personne et sous aucun prétexte.
Quelle que soit la tentation… ! Et celle-ci doit exister. Tout le monde attend le Messie à l’époque du Christ. À Nazareth comme ailleurs, d’autant qu’on y compte des descendants de David, soit des gens à particule.
L’optique générale est, évidemment, à un messianisme temporel, selon la plupart des prophéties prises à la lettre : l’abondance à nos portes. C’est ainsi que parle le rabbin lorsqu’il commente les Écritures, ainsi qu’on parle à la fontaine, sur le banc de pierre de la synagogue… et comme qui dirait aujourd’hui au bistrot.
Joseph entend tout cela et l’envie lui vient sans doute de corriger l’interprétation matérialiste de ses amis et voisins. Peut-être s’y essaye-t-il parfois, mais alors avec beaucoup de discrétion de peur d’aller trop loin. La plupart du temps il se taira ou seulement émettra quelque doute… On l’interroge pourtant « Et toi, Joseph, qu’est-ce que tu en penses ? »
Il ne pense pas seulement, il sait : Que le Messie est déjà là, qu’il s’agit de ce bébé, de cet enfant, de cet adolescent qui l’aide dans son atelier ou joue dans la cour avec les autres… Un secret à garder coûte que coûte.
Celui qui en est capable 30 ans durant, comment l’appellerez-vous ? Y a-t-il pour lui dans le dictionnaire un seul qualificatif adéquat ?
Interrogez là-dessus ceux qui auront eu à garder pour eux quelque chose d’importance, à cacher un fugitif, à taire un projet de défense nationale, à faire eux-mêmes le métier d’espion, etc. Peut-être ils trouveront, eux, le terme qui convient. L’Évangile, en tout cas, parlant il est vrai d’autres aspects du personnage, emploie l’adjectif de « juste » : Joseph, l’homme juste… De quoi nous inviter à scruter, sans doute plus que nous le faisons d’ordinaire, un mot si banal d’apparence. Il est vrai que saint Jacques appelle pour son compte « homme parfait » celui qui sait garder sa langue (Jc. 3,2).
À côté de ses titres habituels, Époux de Marie, Père virginal du Christ, Protecteur de la Famille, etc., à côté de ses qualités d’humilité, de pureté, de courage et autres, gardons pour le grand silencieux de Nazareth le beau terme d’homme du secret, riche de tant de vertus.
Texte d’après Père Francis Volle, « À la découverte d’un prince discret - Saint Joseph »