L’accouchement virginal dans les apocryphes
Le récit du protévangile de Jacques révèle la naissance miraculeuse de Jésus, où Marie, pleinement vierge, devient mère dans un mystère divin qui transcende les lois naturelles, symbolisé par la nuée lumineuse qui enveloppe la grotte de Bethléem. Cette naissance virginale, attestée par des témoins et soutenue par une riche tradition théologique, manifeste l’incarnation du Fils de Dieu, lumière venue habiter parmi les hommes par le don unique de Marie.
Dans le protévangile de Jacques , l’accouchement à Bethléem conjugue deux composants contradictoires pour donner le sens de la grandeur de l’événement : une naissance extraordinaire qui appartient à la sphère du divin, avec la suspension du mouvement de la nature ; une histoire réelle arrivée dans le temps qui cependant laisse intacte la mère et lui permet de garder le titre de vierge. Le fait est incontestable. Une accoucheuse et son amie Salomé témoignent que Marie est vierge-mère. L’auteur XVIII-XX reconnaît l’enseignement théologique défendu par la grande église, mais il en dépasse les propositions.
La présence du divin se révèle avec le symbole de la nuée lumineuse dans la grotte. Un approfondissement est possible en réfléchissant sur l’épisode de la transfiguration[1]. De la nuée se fait entendre une voix qui proclame Fils de Dieu Jésus, qui est alors une source lumineuse. La nuée se dissipe, la luminosité disparaît et Jésus est présent en toute son humanité au regard stupéfait des trois apôtres. À la naissance de Jésus, le Père personnifié et voilé par la nuée, en se retirant, laisse à Marie son Fils, lumière pure, qui est déjà devenu homme :
« Une nuée lumineuse couvrait la grotte. Et la sage-femme dit : Mon âme a été exaltée aujourd’hui, parce qu’aujourd’hui mes yeux ont vu des choses extraordinaires : le salut est né pour Israël. Et aussitôt la nuée se retira de la grotte et une grande lumière apparut dans la grotte, au point que les yeux ne pouvaient la supporter. Et, petit à petit, cette lumière se retirait jusqu’à ce qu’apparut un nouveau-né. » [2]
L’ Ascension d’Isa?e :
« Et Joseph ne s’approcha pas de Marie, et la garda comme une vierge, bien qu’elle fût grosse. (...) 7 Et, après deux mois, Joseph était à la maison, ainsi que Marie sa femme, mais tous les deux seuls ; 8 et il arriva, tandis qu’ils étaient seuls, que Marie regarda soudain et vit un petit enfant, et elle fut effrayée. 9 Et, après avoir été effrayée, son ventre se trouva comme auparavant, avant qu’elle eût conçu. 10 Lorsque son mari Joseph lui dit : « Qu’est-ce qui t’a effrayée ? », ses yeux s’ouvrirent et il vit l’enfant, et il glorifia le SEIGNEUR, car le Seigneur était venu dans son lot. 11 Et une voix se fit entendre d’eux : Ne dites cette vision à personne. 12 Mais une rumeur se répandit à Bethléem au sujet de l’enfant ; 13 il y en avait qui disaient : La vierge Marie a enfanté, alors qu’il n’y avait pas deux mois qu’elle était mariée ; il n’est pas montré de sage-femme, et nous n’avons pas entendu les cris des douleurs. » [3]
Dans les Odes de Salomon :
« Elle devint enceinte et accoucha sans douleur ; et comme rien n’arrive sans raison, ainsi elle n’eut pas besoin d’une accoucheuse qui l’assistât. » (Ode XIX).
Le message de ces trois auteurs est évident : l’accouchement virginal est le signe, avec la conception virginale, du Dieu avec nous, ou de l’humanisation de Dieu.
[1] cf. Mt 17,1-9 ; Mc 9,2-12 ; Lc 9,28-36 [2] Protévangile de Jacques 19 ; texte dans Ecrits apocryphes chrétiens, sous la direction de F. BOVON et P. GEOLTRAIN, La Pléiade, Paris 1997, p. 99 [3] Ascension d’Isa?e chapitre 11, texte dans Ecrits apocryphes chrétiens, sous la direction de F. BOVON et P. GEOLTRAIN, La Pléiade, Paris 1997, pp. 541-543
A. Gila