Le mysticisme gnostique allemand

Dans un contexte marqué par des courants mystiques mêlant occultisme et rationalité dévoyée, la Vierge Marie se révèle comme la femme de l’Alliance, dont la réponse libre à l’appel divin incarne une relation vivante et personnelle avec Dieu, offrant ainsi une voie authentique face aux dérives spirituelles. Sa redécouverte, notamment dans les milieux luthériens, ouvre une perspective précieuse pour préserver la profondeur de la mystique chrétienne tout en évitant ses excès.


Nous résumons H. Jaeger, attaché de recherches au centre national de recherches scientifiques (CNRS).

Luther avait encouragé la foi jusqu’au fidéisme, et la population restait avec un désir insatisfait de connaissance. La réaction fut l’apparition des courants illuministes, théosophiques, où se trouvent mêlés l’alchimie, l’astrologie, la parapsychologie et l’occultisme, en grande vogue au XVIe et XVIIe siècle avec Paracelse, Weigel et Théophraste et qui préparèrent la voie à Jacob Boehme (1575-1624), le père de la philosophie teutonique. Il s’agit d’une gnose qui parle un langage biblique sans plonger réellement ses racines dans la Bible[1]. À cela s’ajoute une adaptation chrétienne de la cabale juive, chargée d’éléments irrationnels et sexuels.

On comprend dans ce contexte que Karl Barth finisse par rejeter en bloc toute mystique, comme un océan d’excès et de désordre ![2]

Un tel mysticisme donnera lieu à une mystique biologique où « l’esprit » est simplement un élan vital et où le jugement moral est réduit au jugement de l’histoire (K. F. von Savigny 1779-1861).

Il conduira finalement à un monisme, où fusionnent Dieu, l’homme, et l’univers - anthroposophie de Rudolph Steiner (1861-1925)[3].

Ouverture mariale.

Alors que le monisme recherche la fusion du « Je » et du « TU » divin, l’attitude biblique découvre l’Alliance entre le « Je » et le « TU » divin. La Vierge Marie est par excellence la femme de l’Alliance, dont la personnalité n’a pas été écrasée par l’irruption du divin au moment de l’Annonciation, au contraire, l’ange attendit sa réponse. La redécouverte dans les milieux luthériens de Marie, mère de Dieu, pourrait bien être une chance capable, en évitant les dérives, de préserver le meilleur de la mystique de Luther.

[1] H. JAEGER, « Mystique protestante et anglicane », dans Aa Vv, La mystique et les mystiques, DDB, Paris 1965, p. 257-407, p. 300-303

[2] Ibid., p. 304

[3] Ibid., p. 333


Synthèse F. Breynaert

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