Sermon sur la Nativité de la Vierge Marie (Curé d'Ars)

Dans son Sermon sur la Nativité de la Vierge Marie, le saint curé d’Ars fait l’éloge de la Vierge Marie et nous exhorte à l’aimer sans mesure et à imiter ses vertus.


« De quà natus est Jesus ». « C'est de Marie qu'il nous est né un Sauveur » (S. Matth., 1, 16)

Voilà, mes très chers frères et sœurs, en deux mots, l'éloge le plus complet que l'on puisse faire de Marie, en disant que c'est d'elle que nous est né Jésus Fils de Dieu. Oui, Marie est la plus belle créature qui soit jamais sortie des mains du Créateur. Dieu Lui-même la choisit, pour être le canal par lequel Il devait faire couler ses Grâces les plus précieuses et les plus abondantes sur tous ceux qui auraient confiance en Elle. Dieu nous La représente comme un beau miroir où Il se reflète comme un modèle accompli de toutes les vertus. Aussi voyons-nous que l'Église la considère comme sa Mère, sa Patronne et sa puissante Protectrice contre ses ennemis ; qu'elle s'empresse de célébrer avec la plus grande pompe le jour heureux où ce bel astre commença à briller sur la terre. La naissance des grands du monde nous inspire des craintes et des alarmes, parce que nous ne savons pas s'ils seront justes ou pécheurs, sauvés ou réprouvés ; nous ne savons pas, dis-je, s'ils rendront leurs peuples heureux ou malheureux. Mais pour Marie nous n'avons nulle crainte.

Elle naît pour être Mère de Dieu, et, par sa naissance, nous apporte toutes sortes de biens et de bénédictions. Dieu nous la propose pour Modèle, dans quelque état et dans quelque condition que nous puissions être. Livrons-nous donc, mes très chers frères et sœurs, avec toute l'Église, à une sainte joie, et admirons dans cette Vierge sainte le Modèle des vertus les plus parfaites ; considérons Marie comme ayant été destinée de toute éternité à être la mère du Fils de Dieu et la nôtre ; enfin, contemplons avec reconnaissance les dons et les grâces renfermés dans la Médiatrice que Dieu a préparée aux hommes. Mais prêtez-moi votre attention ; car, vous parler de Marie, n'est-ce pas intéresser vos cœurs en vous entretenant de l'objet de votre confiance et de votre amour.

I. – Mes très chers frères et sœurs, s'il était nécessaire pour vous inspirer une tendre dévotion à Marie, de vous montrer combien est grand le bonheur de ceux qui ont confiance en Elle ; combien sont nombreux les secours, les grâces et les avantages qu'elle nous peut obtenir ; s'il était nécessaire, dis‑je, de vous montrer l'aveuglement et le malheur de ceux qui n'ont que de l'indifférence et du mépris pour une Mère si bonne et si tendre, si puissante et si portée à nous faire éprouver les effets de sa tendresse, je n'aurais qu'à interroger les patriarches et les prophètes, et vous verriez dans toutes les grandes choses que l'Esprit-Saint leur a fait dire sur Marie, un sujet de confusion à la vue des bas sentiments dont vous n'êtes que trop souvent remplis pour cette bonne Mère. Ensuite, si je vous faisais le récit de tous les exemples que les Saints en ont tirés nous ne pourrions que déplorer notre aveuglement et ranimer notre confiance envers Elle. D'abord, rien n'est plus capable de nous inspirer une tendre dévotion à la Sainte Vierge, que le premier trait que nous lisons dans l’Écriture Sainte, où nous voyons Dieu Lui-même annoncer le premier, la Naissance de Marie.

Lorsque nos premiers parents eurent le malheur de tomber dans le péché, Dieu, touché de leur repentir, promit qu'un jour viendrait où naîtrait une Vierge qui enfanterait un Fils, pour réparer le malheur causé par leur péché (Gen.3, 15). Dans la suite, les prophètes, après lui, n'ont cessé d'annoncer de siècles en siècles, pour consoler le genre humain qui gémissait sous la tyrannie du démon, qu'une Vierge enfanterait un fils, qui serait le Fils du Très-Haut, et envoyé par le Père pour racheter le monde, perdu par le péché d'Adam (Is. VII, 14). Tous les prophètes annoncent qu'elle sera la plus belle créature qui ait jamais paru sur la terre. Tantôt ils l'appellent l'Étoile du matin, qui éblouit toutes les autres par son éclat et sa beauté, et qui, en même temps, sert de guide au voyageur sur la mer ; afin de nous montrer par-là, qu'elle serait un modèle accompli de toutes les vertus. C'est donc avec raison que l'Église dit à la sainte Vierge, dans un tressaillement d'allégresse : « Votre naissance, ô Vierge sainte Marie, remplit le monde entier d'une douce consolation et d'une sainte allégresse, parce que c'est de vous qu'il nous est né ce Soleil de justice, notre Jésus, notre Dieu, qui nous a tirés de la malédiction où nous étions plongés par le péché de nos premiers parents, et nous a comblés de toutes sortes de bénédictions ». Oui, c'est Vous, Vierge sans pareille, Vierge incomparable, qui avez détruit l'empire du péché et rétabli le règne de la Grâce. « Levez-vous, dit l'Esprit-Saint, sortez du sein de votre mère, Vous qui êtes ma plus chère, aussi bien que ma plus belle amante, venez, tendre colombe, dont la pureté et la modestie sont sans égales, montrez-vous sur la terre, paraissez au monde comme celle qui doit embellir le ciel et rendre la terre heureuse. Venez et paraissez avec tout l'éclat dont Dieu vous a ornée, car vous êtes le plus bel ouvrage de votre Créateur ». En effet, quoique la sainte Vierge fût dans les voies ordinaires, l'Esprit-Saint voulut que son âme fût la plus belle et la plus riche en grâces ; il voulut aussi que son corps fût le plus beau corps qui ait jamais paru sur la terre. L'Écriture la compare à l'aurore dans sa naissance, à la lune dans son plein, au soleil dans son midi (Cant. VI, 9). Elle nous dit encore qu'elle a une couronne de douze étoiles (Apoc. XII, 1), et est établie dispensatrice de tous les trésors du ciel. Depuis la chute d'Adam, le monde était couvert de ténèbres affreuses ; alors Marie paraît, et, comme un beau soleil dans un jour serein, dissipe les ténèbres, ranime l'espérance et donne la fécondité à la terre. Dieu, mes très chers frères et sœurs, ne devait-il pas dire à Marie, comme à Moïse (Exod. III) : « Va délivrer mon peuple, qui gémit sous la tyrannie de Pharaon ; va lui annoncer que sa délivrance est proche, et que j'ai entendu sa prière, ses gémissements et ses larmes. Oui, Marie, semble-t-il dire, j'ai entendu les gémissements, j'ai vu les larmes des patriarches, des prophètes et de tant d'âmes qui soupirent après l'heureux moment de leur délivrance. » En effet, mes très chers frères et sœurs, Marie, encore bien mieux que Moïse, annonce que bientôt nos malheurs vont cesser et que le ciel va se réconcilier avec la terre. Ô quels trésors apporte au ciel et à la terre la naissance de Marie ! Le démon frémit de rage et de désespoir, parce que, dans Marie, il voit celle qui doit l'écraser et le confondre. Au contraire, les anges et les bienheureux font retentir la voûte des cieux de chants d'allégresse en voyant naître une Reine qui doit donner à leur beauté un nouvel éclat.

Mais, comme Dieu voulait commencer à nous montrer que le ciel ne nous serait donné que par l'humilité, le mépris, la pauvreté et les souffrances, Il voulut que la Naissance de la Sainte Vierge n'eût rien d'extraordinaire. Elle naît dans un état de faiblesse, son berceau est arrosé de larmes comme celui des autres enfants, qui semblent prévoir, en naissant, les misères dont ils seront accablés pendant leur vie ; c'est en ce sens que l'Esprit-Saint nous dit par la bouche du Sage : « Que le jour de la mort est préférable à celui de la naissance » (Eccle. VII, 2). Marie naît dans un état d'obscurité. Quoique elle fût de la race de David, et qu'elle pût compter parmi ses ancêtres des patriarches, des prophètes et des rois : tous ces titres, si recherchés des gens du monde, étaient tombés dans l'oubli ; elle n'avait rien d'éclatant que la vertu, qui, aux yeux des hommes, n'est pas une grande distinction. Dieu l'avait ainsi permis, afin que cette naissance fût plus conforme à celle de son divin Fils, dont les prophètes avaient annoncé qu'il n'aurait pas où reposer sa tête. Mais si Elle vient au monde si pauvre des biens de la terre, Elle est riche des biens de Celui qui, de toute éternité, L'avait choisie pour être sa Mère. Saint Jean Damascène nous dit que les siècles se disputèrent à l'envi, qui d'entre eux aurait le bonheur de La voir naître. Voulons-nous, dit un de ses grands serviteurs, le saint évêque de Genève, savoir quelle est cette Vierge couronnée à son berceau ? Interrogeons les anges, ils nous diront qu'elle les surpasse infiniment en grâce, en mérites, en dignité et en toutes sortes de perfections. Saint Basile nous dit que, depuis la création du monde jusqu'à la venue de Marie, le Père Éternel n'avait point trouvé de créature assez pure et assez sainte, pour être la Mère de son Fils. Combien de fois les patriarches et les prophètes ne se sont-ils pas écriés dans leurs soupirs et dans leurs larmes : Ah ! Quand donc viendra l'heureux moment où cette Vierge sainte paraîtra dans le monde ? Oh ! Qu'ils seront heureux les yeux qui verront cette Créature, qui doit être la Mère du Sauveur des hommes ! »

II. – Il serait impossible, mes très chers frères et sœurs, de ne pas aimer Marie, si nous voulions réfléchir un instant sur sa tendresse pour nous, et sur les bienfaits dont Elle n'a cessé de nous combler. En effet, si Jésus-Christ a répandu son Sang précieux pour nous sauver, qui a produit ce Sang adorable, n'est-ce pas Marie ? Si nous suivons les traces de Sa vie mortelle, que de chagrins, que de douleurs, que d'angoisses n'a-t-Elle pas endurés ? Toutes les fois qu'elle portait ses tendres regards sur son divin Fils, Elle souffrait, nous disent les saints Pères, plus que tous les martyrs ensemble. – Et comment, me direz-vous ? – Dieu, pour accomplir cette prophétie, voulut Lui faire connaître d'avance toutes les souffrances, les outrages et les tourments que son divin Fils devait endurer avant de mourir (En effet, le Jour de la Purification, Saint Siméon annonça à Marie qu'un glaive de douleur transpercerait son âme. Luc. II, 33). Toutes les fois qu'elle touchait les pieds et les mains adorables de Jésus, Elle se disait à elle-même « Hélas ! Ces Pieds et ces Mains qui, pendant trente-trois ans, ne seront occupés qu'à porter les grâces et les bénédictions, seront un jour percés et cloués à un bois infâme ; Ses yeux d'amour seront couverts de crachats ; Son visage, plus beau que les cieux, sera tout meurtri par les soufflets qu'on Lui donnera. Tout ce Corps doit être flagellé avec tant de cruauté, qu'il sera presque impossible de Le reconnaître pour un homme ; cette Tête, toute rayonnante de gloire, sera percée d'une cruelle couronne d'épines. » Lorsqu'elle passait par les rues de Jérusalem, elle se disait : « Un jour viendra où je verrai ces pavés tout arrosés de son Sang précieux. Il sera étendu sur l'arbre de la Croix, j'entendrai les coups de marteau, et ne pourrai lui apporter du secours. » « Ô douleur incompréhensible ! Ô martyre ineffable, nous dit un saint Père, il n'y a que Dieu qui puisse en comprendre toute l'étendue ! » Oui, mes très chers frères et sœurs, nous disons que Jésus-Christ a fait éprouver en particulier à sa Mère chacune des douleurs de sa Passion ; car Marie avait continuellement à l'esprit les supplices qu'on devait faire endurer à son Fils. « Ah ! s’écrie saint Bernard, ce grand serviteur de Marie, que nous sommes aveugles et malheureux, de ne pas aimer une Mère si bienfaisante et si bonne ! Depuis longtemps, sans les prières de Marie, le monde n'existerait plus et serait tombé en ruines à cause de nos péchés. » En effet, il est rapporté que, du temps de Saint Dominique et de Saint François, Dieu était tellement irrité contre les hommes, qu'il avait résolu de les faire périr tous. Ces deux Saints virent la Sainte Vierge se jeter aux pieds de son divin Fils : « Mon Fils, lui dit-Elle, souvenez-vous que c'est pour ce peuple que Vous êtes mort ; j'enverrai mes deux grands serviteurs, en Lui montrant Saint Dominique et Saint François, oui, ils iront partout le monde inviter tous les hommes à se convertir et à faire pénitence. » Hélas ! Combien de fois n'a-t-Elle pas présenté à son Fils les entrailles où Il a été conçu, les mamelles qui L'ont allaité, les bras qui L'ont porté ? Combien de fois ne lui a-t-Elle pas dit : « Mon Fils, laissez-Vous toucher par les prières de Celle qui Vous a porté neuf mois dans Son sein, qui Vous a nourri avec tant de tendresse, et qui aurait donné sa vie avec tant de joie pour sauver la Vôtre ; épargnez, s'il Vous plaît, ce peuple qui Vous a tant coûté ». Ô ingratitude ! Ô aveuglement des pécheurs, que tu es grand et incompréhensible ! N'avoir que du mépris pour celle qui aurait si volontiers donné sa vie pour nous ! Les saints, mes très chers frères et sœurs, ont bien agi autrement envers Marie. Ah ! C’est qu'ils étaient persuadés que sans Marie, il leur était presque impossible de pouvoir résister aux attaques que le démon leur livrait pour les perdre. Saint Bernard nous dit que toutes les Grâces que nous recevons du ciel, passent par les mains de Marie. Oui, nous dit un autre Père de l'Église, « Marie est comme une bonne mère de famille qui ne se contente pas de prendre soin de tous ses enfants en général, mais qui veille sur chacun d'eux en particulier. » Si Dieu nous avait traités après chaque péché comme nous le méritions, depuis longtemps nous brûlerions dans les enfers. Oh ! Combien sont dans les flammes, et qui n'y seraient pas, s'ils avaient eu recours à Marie ! Elle aurait prié son Fils de prolonger leurs jours pour leur donner le temps de faire pénitence. Si ce malheur, mes très chers frères et sœurs, ne nous est pas arrivé, remercions Marie ; c'est véritablement à elle que nous en sommes redevables. Nous lisons dans l'Évangile (Luc XIII, 6), « qu'un homme avait planté un arbre dans son jardin : quand le temps des fruits fut venu, il alla voir si cet arbre en avait ; mais il n'en trouva point. Il y alla une seconde et une troisième fois sans en trouver, alors il dit au jardinier : « Voilà trois fois que je viens en vain pour chercher du fruit, pourquoi laissez-vous cet arbre occuper la place d'un autre qui en porterait ? Coupez-le et jetez-le au feu. » Que fait le jardinier ? Il se jette aux pieds de son maître pour le prier d'attendre encore quelque temps ; car il redoublera ses soins ; il travaillera la terre qui est autour ; il fumera l'arbre et n'oubliera rien pour lui faire porter du fruit. « Mais, ajoute-t-il, si l'année prochaine, lorsque vous viendrez, il n'a point de fruit, on le coupera et on le jettera au feu. » Image sensible, mes très chers frères et sœurs, de ce qui se passe entre Dieu, la sainte Vierge et nous : Le Maître de ce jardin, c'est Dieu Lui-même ; le jardin, c'est toute son Église, et nous-mêmes sommes les arbres plantés dans ce jardin. Il prétend et Il veut que nous portions du fruit, c'est-à-dire que nous fassions de bonnes œuvres pour le Ciel. Comme ce maître du jardin, Il attend deux, trois, hélas ? Peut-être vingt ou trente ans, pour nous donner le temps de nous convertir et de faire pénitence. Quand Il voit que nous ne faisons qu'augmenter nos péchés, au lieu de nous corriger et de faire pénitence, Il commande qu'on coupe cet arbre et qu'on le jette au feu ; c'est-à-dire, que Dieu permet au démon de prendre ces pécheurs pour les jeter en enfer. Mais que fait Marie, mes très chers frères et sœurs ? Elle fait ce que fit ce bon jardinier, elle se jette aux pieds de son divin Fils : « Mon Fils, lui dit-elle, grâce encore pour quelque temps à ce pécheur, peut-être qu'il se convertira, peut-être qu'il fera mieux qu'il n'a fait. » Que fait-elle pour apaiser la colère du Père ? Elle lui remet devant les yeux tout ce que son Fils a fait et souffert pour réparer la gloire que le péché lui a ravie ; elle se hâte de représenter à son Fils tout ce qu'elle a souffert pendant sa vie mortelle pour l'amour de lui : « Mon Fils, lui dit-elle à chaque instant, encore quelques jours, peut-être qu'il se repentira ». Ô tendresse de Mère, que tu es grande ! Mais que tu es payée d


Par L’équipe de MDN.
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