Jérusalem : L'abbaye de la Dormition et la mort de Marie
L’abbaye de la Dormition, qui se trouve tout près du Cénacle, sur le mont Sion, au sud-ouest de Jérusalem, juste à l’extérieur des murs de l’actuelle ville ancienne, est un édifice monumental édifié au XXe à l’emplacement d’une très grande église de l’époque byzantine, Hagia Sion, datant du Ve. Jusqu’en 2006, elle s’appelait « Hagia Maria Sion », en souvenir de cette ancienne église, date à laquelle elle a été rebaptisée Abbaye de la Dormition.
Une église moderne
Conçue dans un style néo-byzantin par les architectes Heinrich Renard et Théodor Sandel, la basilique, achevée en 1910, a été consacrée par le patriarche latin le 10 avril de cette même année. Cette abbaye appartient à la communauté bénédictine. Elle s’appelait avant 2006 ‘Hagia Maria Sion’.
Située sur les lieux de la Dormition
L’abbaye de la Dormition est située à l’emplacement où la Vierge Marie est entrée dans le sommeil éternel, selon la tradition apocryphe. C’est pourquoi l’église porte ce nom (on l’appelle également église de l’Assomption).
La tradition apocryphe
Selon la tradition apocryphe, la Vierge Marie, Mère de Jésus, est en effet morte à Jérusalem, près du Cénacle, en ce lieu précisément où se trouve l’actuelle Abbaye bénédictine de la Dormition[1]. Les Apôtres portèrent la Vierge Marie près de Gethsémani et la déposèrent dans un sépulcre. Trois jours après, les anges la transportèrent au ciel.
Présence de la Vierge Marie dans l’église de la Dormition
Au rez-de-chaussée, la mosaïque centrale représente la Vierge Marie tenant l’Enfant Jésus dans ses bras ; Lui-même tient un livre ouvert, sur lequel on peut lire : « Je suis la lumière du monde » (Jean, 8, 12).
La commémoration de la Dormition de la Vierge Marie est vénérée à la crypte, qui lui est dédiée[2].
Les études historiques
Il n’y a aucune attestation archéologique d’une maison de Marie sur le Mont Sion, et l’on ne trouve pas trace de la tradition d’une maison de Marie à Sion avant le VIIe siècle. Comment expliquer alors l’existence du sanctuaire ?
Nous savons que l’église de Gethsémani existait déjà au temps du Concile de Chalcédoine, au Ve siècle : c’était un lieu de mémoire de Marie (mais l’on n’évoquait pas le tombeau). Cette église passa ensuite aux mains des opposants au concile.
Au VIIe siècle, les récits de pèlerins montrent que l’on vénère à Gethsémani le tombeau de Marie, et que l’on vénère la mémoire de Marie (la maison de Marie) sur le mont Sion.
Ces différents lieux étaient des lieux de célébration : il est vraisemblable que les trois homélies de saint Jean Damascène correspondaient à trois stations liturgiques : le 13 août au Kathisme à Bethléem, le 14 août à Gethsémani et le 15 août au Mont Sion[3].
La mort de Jésus et la mort de la Vierge Marie
« Du moment que le Christ est mort, il serait difficile de soutenir le contraire pour sa Mère. C’est en ce sens qu’ont raisonné les Pères de l’Église, qui n’ont pas eu de doute à cet égard »
a dit Jean-Paul II au cours de l’audience générale du 25 juin 1997[4]. C’est ainsi que la mort de Jésus éclaire la mort de Marie, comme l’ont très bien compris les artistes qui ont représenté la croix de Jésus dans cette crypte.
L’attitude spirituelle de la Vierge Marie à cette heure
Le saint pape Jean-Paul II précisait également[5], à propos de la mort de la Vierge Marie :
« Quant aux causes de la mort de Marie, les opinions qui voudraient exclure pour elle des causes naturelles ne semblent pas fondées. Plus importante est la recherche sur l’attitude spirituelle de la Vierge au moment de son départ de ce monde. À cet égard, saint François de Sales[6] pense que la mort de Marie est advenue comme l’effet d’un transport d’amour. Il parle d’une mort « dans l’amour, à cause de l’amour et par amour », en il en vient alors à affirmer que la Mère de Dieu mourut d’amour pour son Fils Jésus. Quel qu’ait été le fait organique et biologique qui causa, sous l’aspect physique, la cessation de la vie du corps, on peut dire que le passage de cette vie à l’autre vie fut pour Marie une maturation de la grâce dans la gloire, de sorte que, jamais comme en ce cas, la mort n’a pu être conçue comme une « dormition ». »
Les mosaïques de l’église
La Vierge Marie au milieu des apôtres
Près du mémorial de la mort de Marie, une grande mosaïque représente la Vierge Marie au milieu des Apôtres, tandis qu’une grande icône représente l’Assomption de Marie, au milieu des Apôtres réunis.
Ceci mérite aussi notre attention. En effet, pendant longtemps, seule la branche judéo-chrétienne possédait la tradition concernant la mort et l’Assomption de Marie et la branche pagano-chrétienne l’ignorait. Il était donc important d’exprimer que le mystère de la mort et de l’Assomption de Marie est une vérité qui remonte aux Apôtres. Ceci a été fait par le biais des récits apocryphes puis par les artistes.
De la mort d’Ève à la mort de Marie
Au-dessus du cénotaphe (lit-mémorial) de la mort de Marie, une mosaïque représente Ève. Ève a péché, c’est bien connu. Et le péché a entraîné la mort. Alors pourquoi Marie, qui n’a pas péché, meurt-elle ?
Le pape Jean-Paul II nous éclaire également sur ce point[7] :
« Il est vrai que la Révélation présente la mort comme un châtiment dû au péché. Cependant, le fait que l’Église proclame que Marie a été exempte du péché originel par un singulier privilège divin n’amène pas à la conclusion qu’elle a aussi reçu l’immortalité corporelle. »
La présence d’Ève dans le programme iconographique fait écho à la Vierge Marie, Nouvelle Ève[8] (d’autant plus qu’au centre de la mosaïque est représenté le Christ, Nouvel Adam).
Les femmes de l’Ancien Testament
Au-dessus du lit-mémorial de la mort de Marie, les mosaïques de cinq autres femmes de l’Ancien Testament sont, elles aussi, des figures de la Vierge Marie, et donnent un éclairage sur la mort de Marie. La mort de Marie, comme celle de Jésus, est un passage, une Pâque. Les femmes représentées sont :
Myriam[10], la sœur de Moïse a entonné un cantique d’action de grâce au moment de la traversée de la mer rouge, la première Pâque, le premier grand passage.
Ruth[11] a fait elle aussi un passage, elle est passée de son peuple à la foi d’Israël.
Esther[12] a détourné le danger d’extermination qui menaçait son peuple.
Yaël[13] et Judith[14], chacune en son époque, ont tué l’ennemi du peuple. Or, le danger ultime, l’ennemi décisif, c’est le mal, le péché et la mort. Et, dans ce combat décisif, l’Immaculée est associée au Christ par un lien indissoluble.
[1] Pia COMPAGNONI, La tombe de Marie, In : « La terre », N° 589 (72e année), mai-juin 2007, p. 48-49
[2] Voir l’article consacré au tombeau de la Vierge Marie , dans l’Encyclopédie mariale
[3] S. Mimouni. 'Dormition et Assomption de Marie', In : Histoire des traditions anciennes, Paris, Beauchesne, 1995, p. 533-547
[4] Jean-Paul II. Audience générale du 25/06/1997 , en ligne
[5] JEAN PAUL II, audience générale du 25.06.97 , en ligne
[6] St François de Sales. Traité de l’amour de Dieu, Livre 7, c. XIII-XIV
[7] JEAN PAUL II, audience générale du 25.06.97 , en ligne
[8] Sur la Vierge Marie, Nouvelle Ève , dans l’Encyclopédie mariale
[9] Sur la Vierge Marie, Nouvelle Ève , dans l’Encyclopédie mariale
[10] Pour en savoir plus sur Miriam , dans l’Encyclopédie mariale
[11] Pour en savoir plus sur Ruth , dans l’Encyclopédie mariale
[12] Pour en savoir plus sur Esther , dans l’Encyclopédie mariale
[13] Pour en savoir plus sur Yael , dans l’Encyclopédie mariale
[14] Pour en savoir plus sur Judith , dans l’Encyclopédie mariale