La Fille de Sion chez Zacharie (Za 2, 14)

Le livre de Zacharie, riche en prophéties messianiques, annonce la venue d’un Roi de paix qui rassemble les nations, une espérance que l’Église associe profondément à Marie, fille de Sion, appelée à accueillir en son sein Celui qui vient habiter parmi nous pour unir son peuple dans l’amour divin. Cette double dimension historique et spirituelle éclaire la vocation mariale comme un appel à la joie, à la réconciliation et à l’unité dans la foi.


Le livre de Zacharie

Le livre de Zacharie correspond à deux époques :

Vers l’an 520 avant J-C, c’est la période Perse, la fin de l’exil à Babylone et le retour au pays avec Zorobabel et le grand-prêtre Josué. Le 1er Zacharie encourage la reconstruction du Temple (comme aussi le 3° Isaïe, et Aggée) :

« Chante, réjouis-toi, fille de Sion, car voici que je viens pour demeurer au milieu de toi, oracle de YHWH ! Des nations nombreuses s’attacheront à YHWH, en ce jour-là : elles seront pour lui un peuple. Elles habiteront au milieu de toi et tu sauras que YHWHSabaot m’a envoyé vers toi. »

(Za 2,14-15)

Deux cents ans plus tard, au seuil de la période grecque, le 2nd Zacharie sonne le réveil de l’attente messianique. On retrouve chez lui l’espérance eschatologique d’un messie-roi (Za 9,9-10) et d’un envoyé qui meurt pour tous à la manière du serviteur du 2nd Isaïe (Za 12,9-14) :

« Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que TON ROI vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. Il retranchera d’Ephraïm la charrerie et de Jérusalem les chevaux ; l’arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix aux nations. Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre. »

(Za 9,9-10)

Saint Luc associe Marie et la fille de Sion (chez Zacharie)

« Chante,** réjouis-toi,** fille de Sion, car voici que je viens pour demeurer au milieu de toi, oracle de YHWH ! Des nations nombreuses s’attacheront à YHWH, en ce jour-là : elles seront pour lui un peuple. Elles habiteront au milieu de toi et tu sauras que YHWHSabaot m’a envoyé vers toi.»

(Zacharie 2, 14-15)

Dans cette prophétie, le Seigneur confie à Jérusalem-fille de Sion une vocation précise qui est une œuvre de rassemblement, d’unité.

En reprenant l’expression "Réjouis-toi" (Lc 1, 28), typique des oracles de la fille de Sion, saint Luc fait aussi allusion à la prophétie de Zacharie et décrit quelle est la royauté de l’enfant conçu (Lc 1, 32) : c’est une royauté pacifique, cet enfant est le Roi de la Paix.

À cause des paroles « réjouis-toi » et de la description du Seigneur venant demeurer au milieu de Sion, au sein de ses murailles, saint Luc a pu vouloir associer cette prophétie à la Vierge Marie à qui l’ange Gabriel dit « réjouis-toi » tandis que le Seigneur vient habiter en son sein.

Et il est tout à fait possible que ses lecteurs le comprennent sans qu’il ne soit nécessaire de préciser davantage. En effet, Za 2, 14-15 était très présent dans l’esprit des gens, c’était un passage commenté par les rabbins dans l’atmosphère d’attente messianique caractéristique de son temps. [1]

La tradition chrétienne a clairement associé Marie à l’Annonciation et la prophétie de Za 2, 14-15 [2]. Par cette association, l’Église a médité comment Dieu a donné à Marie une vocation précise qui est une œuvre de rassemblement, d’unité, comme cela est particulièrement clair dans l’évangile de saint Jean où Marie se tient auprès de Jésus qui « meurt pour rassembler dans l’unité les fils de Dieu dispersés. » (Jn 11, 52).


[1] Oracles Sybillins III, 785-787 (2° ou 1° siècle avant J-C, en milieu égyptien) ; Tosephta Targum Zc 2, 14-15 (probablement 1° siècle après J-C en milieu palestinien). Pesiktà Rabbati 35.

[2] L’ancienne liturgie hispanique du 8 décembre ; saint Julien de Bourges († 1250, un hébreu converti : Liber bellorum Domini, cap. IV.)


A. SERRA

Cf. A. SERRA, “madre Sion” et “figlia di Sion”. Riletture mariane, greco-latine, del Salmo 87 (86), 5 e Zaccaria 2, 14 ; 9,9 (secoli III-XVII), in Fons lucis, miscellanea di studi in onore di Ermanno M. Toniiolo. A cura di R. Barbieri – I. M. Calabuig – Ornella Di Angelo, Ed. “Marianum”, Roma 2004, pp. 29-87, p. 73-75, 85.

On pourra lire aussi :

Aristide SERRA, La Donna dell’Alleanza, Prefigurazioni di Maria nell’Antico Testamento,

Messaggero di sant’Antonio – editrice, Padova 2006, p. 197-198 ( https://www.edizionimessaggero.it/ ).

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