La théologie de saint Marc
Dans cet épisode évangélique, Jésus révèle que sa véritable famille dépasse les liens du sang pour s’étendre à tous ceux qui accomplissent la volonté de Dieu, soulignant ainsi la primauté spirituelle de Marie et des croyants unis en Christ dans le Royaume de Dieu. Cette parole, inscrite dans la dynamique profonde de l’évangile de Marc, invite à une compréhension renouvelée de l’identité du Christ et de l’appartenance à sa mission salvifique.
"Sa mère vient avec ses frères et, se tenant dehors, ils le firent appeler.
Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit : "Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent."
Il leur répond : "Qui est ma mère ? Et mes frères ?" Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il dit : "Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère."
(Marc 3,31-35)
À la lumière de la structure littéraire de l’évangile de saint Marc
Une étude de l’évangile de Marc devrait commencer par le récit de la Passion, sommet à partir duquel on peut dominer tout l’ensemble et vers lequel tend toute la narration. Les événements de Pâques occupent bien trois chapitres, 14-16, sur un total de seize. Trois chapitres, 11-13 sont réservés également aux événements et aux discours à Jérusalem. Et cela est préparé par trois annonces de la Passion, répétées régulièrement, à partir de Mc 8,26 où commence la seconde partie de l’évangile, sous le signe de la souffrance du Fils de l’homme.
La première partie présente aussi un tel climat, bien que de manière moins marquée et moins évidente. Depuis le début nous rencontrons les adversaires qui, après une série d’oppositions, prennent la résolution d’éliminer Jésus, Mc 3,6. Dans le chapitre quatrième les paraboles sont présentées comme un discours conditionné par l’incompréhension de la foule. En Mc 6,1-6 nous trouvons le refus des habitants de Nazareth qui constitue une autre étape du drame de Jésus et en Mc 6,14-29 nous lisons la fin tragique de Jean Baptiste, qui annonce celle de Jésus. Dans ce contexte, les disciples continuent de ne pas comprendre (Mc 8,21) tandis que les scribes et les pharisiens ne cessent pas de s’opposer à Jésus (Mc 7,1-23 ; 8,11.21).
Dans ce climat et dans cette structure s’insère notre péricope qui pose la question de l’identité de Jésus et contraint à un choix : faire partie de ceux qui sont autour de lui, ou rester dehors ; et ceci vaut pour tous sans distinction, en particulier pour les parents.
À la lumière de la perspective théologique de saint Marc
L’identité de Jésus est un secret normalement incompris ou sujet d’équivoque, il se révélera dans sa vérité seulement à la fin de la passion, quand le centurion proclamera solennellement : « vraiment cet homme était le Fils de Dieu. » (Mc 15,39). Jusqu’à ce moment il est objet d’incompréhension pratiquement de la part de tous, y compris de la part des disciples qui manquent de foi (Mc 4,10), et de capacité de compréhension (Mc 4,13 ; 6,49-52 ; 7,18 ; 8,17-21 ; 9,32). Ils sont en particulier réfractaires aux annonces de la passion. Pour compléter le tableau, ajoutons que Marc, à la différence des autres évangiles, souligne les traits humains du Christ, même les plus déconcertants. [Il n’idéalise ni Jésus, ni sa famille]. Ainsi par exemple, au début du ministère (Mc 1,40-44), Jésus est présenté rempli de compassion vis-à-vis du lépreux qu’il guérit, v. 41 ; mais immédiatement après, « le réprimandant sévèrement, il le renvoya aussitôt ailleurs » (Mc 1,43).
En conclusion
Les textes sur les parents vont bien au-delà de la situation familiale. Les épisodes n’ont pas leur but en eux-mêmes, mais ils sont rapportés pour un enseignement fondamental : ils soulignent les exigences du Royaume de Dieu inauguré par le Christ.
Alberto VALENTINI Extrait de Alberto VALENTINI, Chi è mia madre, chi sono i miei fratelli ? (Mc3,31-35) in Marianum n°148/2 (1995) ROMA 1995, pp. 645-684, p.681-684, extraits choisis par F.Breynaert.