Luc 1-2, La liturgie, la Vierge Marie
Les deux premiers chapitres de l’évangile de Luc déploient une liturgie profonde où Marie, figure centrale et modèle de prière, incarne le lien vivant entre l’ancienne alliance et la nouveauté chrétienne, révélant ainsi son rôle essentiel dans le mystère de l’Incarnation et la naissance du Christ. À travers récits et cantiques, cette composition liturgique met en lumière la vénération mariale et la place unique de Marie comme temple vivant, arche d’alliance et mère du Sauveur.
Dans les deux premiers chapitres de Luc, la figure centrale est Jésus, l’enfant conçu, attendu, désiré, né, porté au temple. On y remarque aussi une atmosphère liturgique judéo-chrétienne marquée par :
-
-
Le cadre
-
-
-
Le schéma
-
-
-
Le contenu
-
Marie est importante aussi et l’on peut se demander si Luc 1-2 n’offrirait pas le fondement d’un culte à connotation mariale, ou d’un culte en l’honneur de Marie.
Lc 1-2 : le canevas d’une liturgie
1) Le cadre du récit Lc 1-2 est liturgique
Ces premiers chapitres de Luc commencent au temple et s’achèvent au temple, tout le contexte est liturgique.
Le cadre est judaïque : le temple, la circoncision ou le pèlerinage à douze ans sont judaïques, mais le contenu est nouveau.
Le nouveau culte que Jésus apporte est de faire la volonté du Père : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2, 49).
Dans le temple se fait une liturgie qui constitue les racines saintes de la liturgie chrétienne, mais dans la maison domestique vont être célébrées les premières Eucharisties, comme au "cénacle".
2) Luc (1-2) suit le schéma de la liturgie
De façon générale, le schéma de la liturgie articule ensemble les récits et les louanges. Les récits des actions salvifiques de Dieu, de sa puissance et de sa miséricorde. Au récit succède le chant, à l’action de Dieu succède la réaction de reconnaissance, de remerciement et de joie. Le mémorial est l’ensemble des récits et des chants de louange à travers lesquels le peuple se sent contemporain de l’événement célébré.
Les deux premiers chapitres de Luc ont ce caractère liturgique :
-
Le récit de la naissance de Jean Baptiste provoque le chant du Benedictus (1,68-79),
-
L’annonce de la naissance de Jésus provoque le petit cantique « Tu es bénie entre toutes les femmes et bénie est le fruit de tes entrailles » (1,42)
-
La rencontre des deux mères, Marie et Elisabeth, est suivie du Magnificat (1,46-55).
-
La naissance et la circoncision de Jésus (2,1-21) entraînent le chant des anges, le Gloria. (Lc 2,14)
-
La présentation de Jésus au temple fait naître le cantique de Syméon. (Lc 2, 29-32)
Il y a cinq cantiques qui répondent à cinq évènements où Marie est largement présente.
3) Le contenu de Lc 1-2 est liturgique
Le texte de Luc est aussi déjà rédigé comme un midrash, comme une méditation liturgique, qui relie l’événement présent avec les anciens récits.
Par exemple :
-
Zacharie offrait l’encens, Gabriel est l’ange qui se tenait à la droite de l’autel de l’encens dans le livre de Daniel, Zacharie est frappé de mutisme (Lc 1, 5-45), comme Daniel (Dn 9, 21 ; 10, 8-12.15).
-
Le vêtement de Jean Baptiste rappelle le prophète Élie selon la prophétie finale du livre de Malachie.
-
L’ange Gabriel salue Marie en faisant allusion aux prophètes Sophonie et Zacharie.
-
Marie est sous l’ombre du Très Haut comme l’arche d’alliance est recouverte de la nuée pendant les grands évènements de l’Exode...
Marie dans cette liturgie mariale
Marie est un acteur dynamique, un modèle de prière
Marie est un modèle de prière chrétienne dans son rapport au Père, au Christ et à l’Esprit Saint.
-
Marie magnifie Dieu et ses grandes œuvres (Lc 1, 46s).
-
Personne ne peut dire Jésus est Seigneur sans l’Esprit Saint et c’est aussi par l’Esprit Saint que l’on prie Abba Père.
-
Marie de Nazareth est la demeure de l’Esprit Saint (Lc 1, 35).
Marie a engendré la vérité, elle a agi selon la vérité, elle a témoigné de la vérité qui existe en Dieu.
Marie unit le temple et le cénacle, les racines juives et la nouveauté chrétienne, le Sinaï et son renouvellement la Pentecôte chrétienne. En elle se construit le nouveau temple d’Israël. Marie est la nouvelle fille de Sion des temps messianiques.
Marie est un lieu, un espace spirituel « en qui » la communauté peut prier et s’unir à Dieu.
Certes le Temple est le Christ, mais il y a un temps où sa mère a été son Temple vivant. Marie est le nouveau tabernacle, la nouvelle tente où la Shékinah descend ! Marie de Nazareth incarne le passage du culte ancien au nouveau. La présence de Marie dans les liturgies antiques relativise le culte juif encore pratiqué au temple.
Marie est vénérée.
Quand les évangélistes font de telles allusions (Marie tente de la rencontre, Marie arche d’Alliance), c’est l’indice d’une très haute considération pour Marie, d’une vénération profonde.
La foi et la maternité virginale de Marie, une maternité royale, divine, œuvre de l’Esprit Saint, est objet d’une vénération pleine de stupeur de la part d’Élisabeth et de l’Église lucanienne.
Notamment, Luc n’aurait jamais écrit comme il l’a fait s’il n’y avait la mère de Jésus n’était pas vénérée dans la communauté.
Conclusion
Les indices internes permettent de dire que Lc 1-2 est une composition liturgique à forte teneur mariale.
Au seuil de cette composition, Zacharie est frappé de mutisme (Lc 1, 5-45), comme Daniel (Dn 9, 21 ; 10, 8-12.15). La nouveauté de la révélation est enveloppée de silence, la liturgie que propose saint Luc commence dans le recueillement.
Au centre de cette composition se situent les grands évènements de l’Incarnation et de la naissance de Jésus, où Marie joue un rôle de premier plan.
À la fin de cette composition se situent des récits qui évoquent déjà la mission, une mission pour la rédemption d’Israël d’abord (présentation de Jésus au temple), et des nations ensuite (prophétie de Siméon), et à laquelle Marie est associée avec toute la tendresse de sa maternité virginale (évangile de Noël).
Une question en suspens
On peut maintenant se demander pour quelle occasion aura été composé cette liturgie. Elle aura pu être le canevas d’une liturgie à l’occasion de la fin de la vie terrestre de Marie.
L’évocation de Marie comme "arche d’Alliance" (récit de la Visitation), qui est incorruptible, irait en ce sens parce que l’Arche d’Alliance est réputée incorruptible. Le chant du Magnificat pourrait aussi aller en ce sens dès lors que Marie exalte le Seigneur dans une dilatation qui est celle de l’union à Dieu.
Une des façons de vérifier cette hypothèse est de regarder dans le livre des Actes comment les disciples ont reçu l’influence de Marie de sorte qu’ils ont pu effectivement la célébrer.
F. Breynaert,
Je remercie le père Ignazio Calabuig, ancien président du Marianum à Rome et éminent liturgiste, pour ses cours que j’ai pu suivre.
Extrait de : eglise-primitive>Marie dans la communauté primitive. eglise-primitive>Traces en Lc 1-2 d’une liturgie à l’occasion de la mort de Marie, eglise-primitive>et relation entre Lc 1-2, l’Église des Actes et les communautés pauliniennes » eglise-primitive>dans « Miles Immaculatae », Anno XLIV, 2008, fasc II. eglise-primitive>Lire l’article complet - cliquez.
Retrouvez les éléments de cette page dans : Breynaert, Françoise. A l’écoute de Marie : N°1. Préface Mgr Rey, Éditions du Ver Luisant, 2007, p. 41-44. (Voir sur Amazon.fr)
Dans ce chapitre :
La maternité divine de Marie chez saint Luc
Dans l’évangile de saint Luc, Marie est présentée comme la nouvelle tente de la rencontre et l’arche d’Alliance, accueillant en son sein la présence di...
La méditation de Marie en son cœur
Marie, en gardant fidèlement dans son cœur les événements de la vie du Christ, nous invite à une méditation profonde inspirée par la richesse spirituel...
Les récits de l'enfance dans le dialogue œcuménique
Marie, comblée de grâce et humble servante du Seigneur, occupe une place centrale dans le récit lucanien où son « fiat » inaugure l’Incarnation et révè...