O Viridissima virga (Hildegarde de Bingen)

La séquence mariale ‘O viridissima virga’ (‘O branche ô combien vigoureuse et verdoyante’) composée par sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179) est extraite de la « Symphonia harmoniae celestium revelationum ». Elle est un éloge de la Vierge, comparée à une branche féconde, et l’allusion finale à la figure d’Ève La désigne comme Nouvelle Ève.


La Viridité

On traduit généralement le terme « viridissima » par verdoyante. Mais dans la langue de sainte Hildegarde, ce terme possède un sens plus fort : celui de « viridité ». Ce terme est issu du latin viriditas et a la même racine que le mot latin vir, homme, et vira, femme, et que le mot vis, force. On retrouve également cette racine dans le verbe vireo : être vert-et, dans un sens second, être vigoureux, florissant – et dans le terme virga, petite branche, baguette. Le terme « viridité » (viriditas), exprime donc à la fois cette force naturelle qui fait monter la sève et procure la fécondité, mais également, dans un sens spirituel, la force d’accomplissement de l’homme vers sa ressemblance à Dieu, les deux sens étant liés chez sainte Hildegarde en une même intelligence de la nature, un même « sens », à la fois naturel et surnaturel.

Virgo/Virga

La jeune fille Marie (Virgo, en latin) est donc comparée à une petite branche (virga) : analogie à la fois féconde et vigoureuse, pleine de ‘viridité’ (viridissima). Cette redondance lexicale, fruit d’un subtil jeu de mots, produit une amplification, une insistance qui mettent en valeur cette nouvelle jeunesse de l’humanité, symbolisée par la figure virginale de la Vierge Marie, « tige féconde » de l’arbre de Jessé et « nouvelle Ève ».

L’hymne O Viridissima virga

| 1. O viridissima virga ave, que in ventoso flabro sciscitationis sanctorum prodisti.

  1. Cum venit tempus quod tu floruisti in ramis tuis,

ave, ave fuit tibi, quia calor solis in te sudavit sicut odor balsami.

  1. Nam in te floruit

pulcher flos qui odorem dedit omnibus aromatibus que arida erant.

  1. Et illa apparuerunt omnia in viriditate plena.

  2. Unde celi dederunt rorem super gramen

et omnis terra leta facta est quoniam viscera ipsius frumentum protulerunt et quoniam volucres coeli nidos in ipsa habuerunt.

  1. Deinde facta est esca hominibus

et gaudium magnum epulantium. Unde, o suavis Virgo, in te non deficit ullum gaudium.

  1. Hec omnia Eva contempsit.

  2. Nunc autem laus sit Altissimo | ô branche verdoyante

  3. Salut, ô branche vigoureuse et verdoyante,

Toi qui t’es avancée quand soufflait le vent de la quête des Saints.

  1. Lorsque vint le temps

Tes branches se sont couvertes de fleurs. Salut, salut à toi, En toi le Soleil a distillé sa chaleur, Comme le parfum d’un baume.

  1. Car en toi a fleuri la belle fleur

Qui a donné parfum à toutes les herbes Même les plus arides,

  1. De sorte qu’elles ont poussé dans la plénitude de leur viridité.

  2. De là les cieux ont fait tomber la rosée sur l’herbe

Et la terre entière s’est réjoui, Ses entrailles ont produit de la semence Et les oiseaux du ciel Y ont fait leur nid.

  1. Puis elle s’est faite nourriture pour les hommes

Et source de grandes joies pour les convives.

  1. Voilà pourquoi, ô douce Vierge,

En toi aucune joie ne manque.

  1. Tout cela, Ève l’a méprisé.

Mais, à présent, loué soit le Très-Haut. |


Par Isabelle Rolland.
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