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Numéro 3

Qu'est-ce que la liberté ?

Aujourd’hui, nous allons explorer un sujet d’envergure : la liberté. Notre objectif n’est pas de fournir une réponse définitive – des générations de penseurs s’y sont essayées – mais d’ouvrir quelques pistes de réflexion pour vous permettre d’aborder cette question de manière plus réfléchie et personnelle.

Il est courant d’entendre que la liberté se résume à « pouvoir faire ce que l’on veut » ou, dans une approche un peu plus profonde, à « pouvoir choisir entre le bien et le mal ». Mais est-ce vraiment le cas ? Si ces définitions figurent sans doute parmi les premières réponses que l’on donnerait à cette question, elles semblent néanmoins bien insuffisantes.

Pour approfondir la question, prenons un exemple concret : imaginons un homme marié, père de famille, sur le point de tromper sa femme.

Dans cette situation, où intervient la liberté ? Exerce-t-il véritablement sa liberté en choisissant la trahison ? Est-ce cette liberté qui le conduit à préférer l’adultère – un mal – plutôt que la fidélité, l’amour envers sa femme et ses enfants, qui seraient le bien ?

La réponse semble évidente, et elle l’est : oui, et c’est précisément pour cela qu’il en porte la responsabilité morale. Mais s’arrêter là serait insuffisant.

Nous savons tous que trahir un proche, son meilleur ami, ou pire encore son épouse, en rompant une promesse de fidélité par exemple, est un mal, et même un grand mal. La valeur du serment est profondément ancrée dans le cœur humain, comme en témoignent les pactes de sang et autres formes d’alliances présentes dans toutes les civilisations.

Ainsi, un homme qui trompe son épouse sait que son acte est mauvais et grave. Pourtant, il le commet quand même. Pourquoi ? Est-ce parce qu’il est pleinement libre ?

En réalité, s’il agit ainsi tout en ayant conscience du mal qu’il fait, c’est parce qu’il est esclave. Esclave de ses pulsions et de ses vices, qu’il a lui-même nourris tout au long de sa vie. Il n’a pas cherché à se maîtriser ni à dominer ses désirs intérieurs. Au contraire, il s’est laissé enfermer dans cette servitude. Cet homme n’est donc pas libre : il est prisonnier de ses désirs charnels, esclave de sa luxure.

Nous comprenons donc que ce n’est pas la liberté qui nous fait choisir le mal, mais bien plutôt son absence.

Certains en déduisent alors, et peut-être aussi trop rapidement, que la liberté ne consiste pas à pouvoir choisir entre le bien et le mal, puisque le choix du mal serait toujours le signe d’un esclavage intérieur, mais bien plutôt à choisir entre plusieurs biens.

Il existe par exemple différentes manières de montrer à ma femme que je l’aime. Je peux lui offrir des fleurs, passer plus de temps avec elle et nos enfants, ou encore travailler davantage pour assurer un meilleur confort matériel à ma famille.

Cela ne signifie pas pour autant que tous ces choix ont la même valeur : certains biens sont préférables à d’autres. Il peut être meilleur, par exemple, de consacrer du temps à ma femme et à mes enfants que de prolonger mes heures de travail au bureau.

Ainsi, selon cette vision, c’est la liberté qui me pousse vers le bien, tandis que c’est l’esclavage – c’est-à-dire l’absence de liberté – qui me conduit vers le mal.

Deux conceptions de la liberté émergent donc :

La première affirme que la liberté est la capacité de choisir entre le bien et le mal. Nous en avons cependant relevé les limites.

La seconde soutient que la véritable liberté consiste à choisir entre plusieurs biens, tandis que le choix du mal résulte d’un manque de liberté. Mais cela signifierait-il pour autant que celui qui commet le mal, comme l’homme qui trompe sa femme, n’en porte pas la responsabilité morale ? Évidemment non.

Ces deux conceptions, bien que comportant une part de vérité, restent ainsi incomplètes. Que faut-il alors comprendre ?

Avant tout, nous devons saisir que nous sommes responsables de la perte de notre propre liberté. Par nos choix, nous nous orientons soit vers l’esclavage de nos passions – ce qu’on appelle le vice ; soit vers une maîtrise de ces passions, qui nous rend véritablement libres vis-à-vis d’elles – ce qu’on appelle la vertu. Attention toutefois à ne pas confondre vertu avec apathie ou indifférence, qui en sont en réalité l’opposé.

Ainsi, nous sommes les artisans de notre propre esclavage ou de notre propre liberté intérieure.

Prenons l’exemple du désir de boire. En soi, ce désir n’est pas mauvais, il peut même être bon. La Bible elle-même ne dit-elle pas que le vin a été créé par Dieu pour « réjouir le cœur de l’homme » ? Ce désir ne devient donc mauvais que s’il est assouvi de manière désordonnée, si je me laisse, sur le long terme, dominer par mes pulsions. À l’inverse, si j’ai la maîtrise de moi-même, ce désir demeure bon.

Ma liberté me permet donc, tout d’abord, de choisir entre boire un verre d’eau et boire un verre de vin. Si je choisis le vin, j’ai encore le choix entre vin blanc et vin rouge. Nous voyons ici que ma liberté me permet de choisir entre plusieurs biens.

Cependant, une autre question surgit rapidement : vais-je reprendre un deuxième verre de vin ? (ce qui, admettons-le pour l’exemple, est un mal).

Nous voyons maintenant que ma liberté, qui au départ me permettait de choisir entre plusieurs biens (vin blanc ou rouge), me confronte désormais à un choix entre un bien et un mal : m’arrêter là ou reprendre un verre, qui serait un verre de trop.

Si, malgré ma conscience qui me dit que ce n’est pas raisonnable, je choisis de reprendre un verre, j’utilise ma liberté pour emprunter un chemin qui mène au mal, celui de l’esclavage intérieur. Je deviens ainsi l’artisan de ma propre servitude, qui me conduira, petit à petit, à poser des actes de plus en plus destructeurs.

Nous découvrons ainsi deux aspects complémentaires de la liberté. Le premier me permet de choisir entre plusieurs biens (que les philosophes appellent liberté de spécification) ; le second me permet d’agir ou de ne pas agir (ici, reprendre un verre ou non, ce que les philosophes appellent liberté d’exercice).

Nous comprenons également que l’usage de notre liberté nous entraîne soit dans un cercle vertueux, soit dans un cercle vicieux.

En effet, si j’utilise ma liberté pour succomber au mal, je deviens progressivement esclave de ce mal, jusqu’à ce que ma liberté s’amenuise presque totalement. Ainsi, un alcoolique en état de dépendance avancée n’a pratiquement plus la capacité de résister à l’appel de l’alcool, tant il s’est rendu esclave de son addiction. Voilà le cercle vicieux.

À l’inverse, si j’utilise ma liberté pour répondre à mes désirs de manière ordonnée, sans succomber aux tentations d’excès, ma force intérieure grandit avec le temps, renforçant ainsi ma liberté. Voilà le cercle vertueux.

Dans le prochain article nous explorerons un mystère fondamental de la nature humaine : une force étrange qui l’habite et qui le pousse vers le mal et vers l’esclavage. Une force présente dès l’enfance qui peut, de par l’exercice de notre liberté, soit s’intensifier et prendre le contrôle de nous, soit s’atténuer peu à peu.

Ne manquez donc pas notre prochain article : « une clé fondamentale pour comprendre la nature humaine ».

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