Numéro 5

Le Magnificat dans la tradition de prière d’Israël

Nous devons au bibliste le père Frédéric Manns (1924-2021), spécialiste des sources juives des Évangiles, cette belle analyse. Selon lui, le Magnificat s’inscrit dans la tradition de la prière des femmes d’Israël, qu’il est caractéristique des livres de sagesse de la Bible et la Vierge Marie est une figure d’Israël.

La prière des femmes d’Israël

Dans l’Ancien testament, et en particulier dans la Genèse, plusieurs femmes laissent éclater leur joie :

Sarah, épouse d'Abraham, s’exclame : 

Dieu m'a donné de quoi rire, tous ceux qui l'apprendront me souriront (Gn 21,6).

Léa, épouse de Jacob, éclate de joie et s’écrie : 

Quel bonheur pour moi, car les filles m'ont proclamé bienheureuse. (Gn 30,13).

Judith, une autre femme d'Israël, a marqué la pensée de Marie :

Tous la bénirent d'une seule voix : Tu es la gloire de Jérusalem, tu es l'orgueil d'Israël. (Gn 15,9).

Anne, la mère de Samuel, dans son chant d'action de grâces (1 Sam 2,4-7), souligne, de même que la prière de Marie, la pédagogie paradoxale de Dieu au cours de l'histoire :

Et Anne fit cette prière : Mon cœur exulte à cause du Seigneur ; mon front s’est relevé grâce à mon Dieu ! Face à mes ennemis, s’ouvre ma bouche : oui, je me réjouis de ton salut ! Il n’est pas de Saint pareil au Seigneur. – Pas d’autre Dieu que toi ! Pas de Rocher pareil à notre Dieu !

Assez de paroles hautaines, pas d’insolence à la bouche. Le Seigneur est le Dieu qui sait, qui pèse nos actes. L’arc des forts est brisé, mais le faible se revêt de vigueur. Les plus comblés s’embauchent pour du pain, et les affamés se reposent. Quand la stérile enfante sept fois, la femme aux fils nombreux dépérit.

Le Seigneur fait mourir et vivre ; il fait descendre à l’abîme et en ramène. Le Seigneur rend pauvre et riche ; il abaisse et il élève. De la poussière, il relève le faible, il retire le malheureux de la cendre pour qu’il siège parmi les princes, et reçoive un trône de gloire. Au Seigneur, les colonnes de la terre : sur elles, il a posé le monde.

Il veille sur les pas de ses fidèles, et les méchants périront dans les ténèbres. La force ne rend pas l’homme vainqueur : les adversaires du Seigneur seront brisés. Le Très-Haut tonnera dans les cieux ; le Seigneur jugera la terre entière. Il donnera la puissance à son roi, il relèvera le front de son messie.

Le Magnificats’inscrit ainsi dans toute cette tradition : Marie, en prononçant le Magnificat, résume la prière des femmes d'Israël.

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