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Une vague de charité unique au monde
Vérone (Italie)
Nº 791
1802 – 1855

De l’amour du Christ jaillit la charité sans mesure des Sœurs de la Miséricorde

Mère Vicenza Maria, fondatrice des Sœurs de la Miséricorde, a vu le jour en 1802, à Vérone. C’est avec un prêtre allemand, lui aussi établi à Vérone, qu’elle fonde le 2 novembre 1840 cette nouvelle congrégation religieuse, qui veut venir en aide, pour l’amour de Dieu, aux malades et aux plus démunis. Elle s’éteint le 11 novembre 1855. Le pape Léon XIV l’a canonisée le 19 octobre 2025.


Les raisons d'y croire

  • Mère Vincenza Maria et ses religieuses apportent secours matériel et aide morale aux femmes âgées et infirmes. Elles éduquent les jeunes filles admises à l’hospice. Elles assistent les malades de l’hôpital civil. Appliquant à la lettre la parole du Christ – « Tout ce que vous avez fait à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » ( Mt 25,40 ) –, les Sœurs de la Miséricorde font preuve envers tous d’une charité chrétienne inébranlable. Elles imitent en leurs actes la compassion efficace de Jésus-Christ, dont la parabole du bon Samaritain est l’image.

  • Elles se rendent notamment au chevet des personnes atteintes du choléra pour les assister, au mépris de leur propre vie, qu’elles mettent ainsi en péril. Ces actions héroïques ne se produisent pas qu’une seule fois : la maladie sévit à plusieurs reprises à Vérone, en 1836, en 1849 et enfin en 1855.

  • Les Constitutions de la congrégation fondée par mère Vincenza Maria, qui constituent le testament spirituel de la fondatrice, témoignent de son abnégation envers autrui pour l’amour de Jésus-Christ : « Puisque leur devoir premier [des religieuses] consiste à servir les malades, elles l’accompliront avec toute la diligence, la cordialité et l’exactitude possibles, conscientes qu’elles accomplissent ce devoir de charité non pas tant envers les pauvres malades qu’envers Jésus-Christ lui-même. » Il y a donc un lien étroit entre la piété envers le Christ et le dévouement envers les malades qu’expriment mère Vincenza Maria et ses religieuses.

  • Les religieuses s’appliquent en effet à un double but : honorer Jésus-Christ comme la source et l’exemple de toute charité, et le servir corporellement et spirituellement dans la personne des enfants, des malades, des pauvres, particulièrement de ceux qui, dans le besoin, rougissent de manifester publiquement leur indigence. On voit que l’amour du prochain découle de l’amour de Dieu. Pourquoi ? Parce que l’amour que Dieu met dans le cœur de ses serviteurs est la source de leur abnégation et de leur dévouement envers autrui. Il s’ensuit – et l’histoire prouve cette vérité théologique – que la compassion purement humaine ne produit que peu de fruits, et pour peu de temps, en comparaison de l’amour chrétien, qui est surnaturel.

  • L’amour divin est donc l’opposé d’un amour irréel, théorique ou désincarné. Il est au contraire très concret et s’applique au quotidien et en toutes circonstances : il développe les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, mais aussi les vertus naturelles (c’est-à-dire humaines par nature) de force d’âme, de persévérance, d’humilité et de rigueur dans le travail. Ces dernières vertus brillent particulièrement lorsqu’elles sont mises en œuvre par l’amour divin, parce que ce dernier les surélève au-dessus de leurs propres capacités

  • C’est l’amitié avec Jésus-Christ présent ici-bas sous les voiles de l’Eucharistie qui soutient chaque jour l’altruisme de Mère Vincenza Maria : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20), a dit le Christ à ses Apôtres. Même s’il a quitté cette terre en remontant auprès de son Père, Jésus-Christ est présent personnellement dans les tabernacles des églises, comme tout homme est présent à son semblable. C’est l’amitié sincère et profonde avec Jésus-Christ, visité et reçu dans l’Eucharistie, qui est le ressort de la charité vécue au quotidien de mère Vincenza Maria.

  • La miséricorde de mère Vincenza Maria envers tous est si appréciée qu’à sa mort, toute la ville de Vérone la pleure : témoignage direct que sa compassion hors du commun ne laissait personne à part.

  • Béatifiée en 2008, mère Vincenza Maria est élevée au rang des saints en octobre 2025 par le pape Léon XIV. Un des miracles enquétés et reconnus authentiques concerne une religieuse de l’ordre qu’elle avait fondé (les Sœurs de la Miséricorde de Vérone), qui souffrait d’un cancer du sein gauche en phase avancée, avec des métastases et des complications (fibrome utérin, kystes aux ovaires…) et qui avait dû subir une mastectomie. Elle fut soumise à de multiples interventions chirurgicales sans amélioration, puis, après que la communauté a invoqué l’intercession de Vincenza Maria Poloni, la religieuse se réveilla soudainement guérie de façon complète, rapide, durable et inexplicable aux yeux de la science médicale.


En savoir plus

Cadette des douze enfants de Gaetano Poloni et de Margherita Biadego, dont neuf mourront en bas âge, la future mère Vincense Marie (Vincenza Maria) naît le 26 janvier 1802. Quelques heures après, elle reçoit les prénoms de Marie, Louise, Françoise. Son père, engagé dans les œuvres de miséricorde à l’égard des plus pauvres, lui montre dès le plus jeune âge un exemple qu’elle suivra tout au long de sa vie. Les trente-huit premières années de sa vie s’écoulent à la maison familiale entre, une fois adolescente, le travail manuel, l’éducation de ses neveux, la prière et le secours aux indigents, à commencer par les membres affligés de la famille : « Elle était un ange de paix et de réconfort : son action était animée et guidée par tant d’amour, de sagesse et d’intelligence qu’elle satisfaisait tout le monde, en particulier son frère [Apollonio] qui voyait, grâce aux soins de Luigia, s’alléger considérablement le fardeau [la maladie de sa femme] que Dieu lui avait imposé… L’assistance adaptée dont Luigia fit preuve pour sauver son frère de la ruine financière et la présence aimante qu’elle assura au chevet de son neveu Gaetano jusqu’à son dernier souffle constituent également de beaux exemples de charité chrétienne envers la famille » (Positio, II, 20).

La rencontre avec l’abbé Karl Steeb, qui a mis sur pied en 1799 une école pour les infirmières destinées à servir dans les hôpitaux militaires de campagne, est décisive. Le prêtre allemand devient son directeur spirituel. Elle retrouve en lui les préoccupations qui l’animent depuis longtemps sans qu’elle sache comment leur donner une forme concrète : venir en aide aux malheureux. Pendant six années, elle soigne avec l’abbé Steeb les malades de l’hôpital de Pio Ricovero, à Vérone. Avec le soutien des évêques Giuseppe Grasser et Pietro Aurelio Mutti, tous deux fondent ensuite à Pio Ricovero, le 2 novembre 1840, la congrégation des Sœurs de la Miséricorde. L’esprit et le règlement de saint Vincent de Paul pour les Filles de la Charité y président. Deux jeunes femmes se joignent à eux. Le 10 septembre 1848, le nouvel institut est canoniquement approuvé et Louise Poloni, pour se placer sous le patronage céleste de saint Vincent de Paul, devient sœur Vincense Marie.

Nous ne possédons plus aucune des lettres qu’elle a adressées aux sœurs. Aucun compte rendu de conférences spirituelles ne peut non plus servir de source écrite. Toutefois, les sources orales sont très nombreuses et concordantes : rapportés par des témoins oculaires et par ouï-dire, certains enseignements et paroles de mère Vincenza Maria ont survécu. Pourquoi ce manque de sources écrites ? Il faut en chercher la cause dans sa psychologie car, persuadée que l’amour se prouve par les actions plus que par les mots, elle montre l’exemple. Elle répète souvent à ses religieuses : « Avant de parler, sois comme le coq qui, avant de chanter, bat des ailes trois fois. » Le père camillien Mario Vanti déclare en 1946 que mère Vincenza Maria est une femme extraordinaire, qui a remplacé les paroles – plutôt aucune que peu, précise-t-il – par des œuvres de charité vivantes et étonnantes.

Mère Vincenza Maria se montre douce mais aussi exigeante dans la formation des sœurs infirmières. À une jeune femme qui a laissé une compresse sur une malade si longtemps que le pansement est sec lorsqu’elle le retire, elle lui enjoint : « Vous irez chez le médecin et, à genoux, vous lui demanderez pardon pour la négligence que vous avez commise envers la malade. »

Comme une religieuse novice a, par respect humain, négligé certains travaux manuels au jardin lors de visites de sa famille à l’hôpital, elle la reprend d’un air sérieux : « Une servante des pauvres, plutôt que d’avoir honte de ce qu’elle fait à leur service, devrait en être fière. Mercredi prochain, précisément pendant les heures de visite, vous prendrez les seaux non seulement de votre service, mais aussi du service médical, pour nettoyer le jardin. Ainsi, vous vous vaincrez. »

Une tumeur consume lentement mère Vincenza Maria, qui s’éteint le 11 novembre 1855. L’abbé Steeb l’assiste et prie à son chevet. Elle n’a que cinquante-trois ans. Lui-même mourra l’année suivante. Béatifiée le 21 septembre 2008, mère Vincenza Maria est élevée au rang des saints le 15 octobre 2025 par le pape Léon XIV.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Aller plus loin

Paola Maria Vicentini, Cenni storici sulla vita di Vincenza Maria Poloni, Verona, Novastampa, 1978. L’auteur est l’une des compagnes de la fondatrice de l’institut des Sœurs de la Miséricorde.

Le livre a été par la suite enrichi de notes par C. Frizzarin, E. Morello et E. Zocca sous le titre : Nuovi cenni storici sulla vita di Madre Vincenza Maria Poloni, Verona, Istituto Sorelle della Misericordia, 1999. Le texte original de sœur Paola Maria Vicentini y est remanié.


En complément

  • Le site du Dicastère pour la cause des saints présente une courte biographie (en italien) de la nouvelle sainte.

  • L’Institut des Sœurs de la Miséricorde a son propre site Internet, où sont réunis différents documents (en italien) relatifs à mère Vincenza Maria, dont des extraits de la Positio (enquête en vue de la béatification). Choisir l’onglet « Approfondimenti ».

  • Un fascicule (en italien) réalisé par les Sœurs de la Miséricorde expose en quelques dizaines de pages la vie des premières sœurs de l’institut.

  • La biographie du site Internet Santi e Beati .

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